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Le mécanisme du sas résiste, mais cède progressivement, tandis que Hiber bande muscles et esprit afin d’en séparer les battants à mains nues. La combinaison s’avère être un atout indispensable, autant pour cette tâche que lorsqu’il avait dû grimper l’escalier délabré. Il sait qu’il ne serait pas là sans elle. Ça lui fait mal de l’admettre, mais il en doit une au visionnaire Elego.

Une série de grésillements dans son oreillette l’extirpe de ses pensées. Il avait presque oublié qu’il est toujours en contact avec l’officier Lannari.

— Nous comptions trente-trois projectiles, dispatchés tout autour de la planète, dit-elle sans préambule. Un tiers s’est révélé être des canons lasers orbitaux dont nous venons d’essuyer les premières frappes. Nous recensons de très faibles pertes humaines. Le tertre a été épargné. Possible qu’il n’ait pas été détecté. En revanche, plusieurs structures comme des champs de radars, des casernes militaires et scientifiques ainsi qu’une dizaine de piliers de terraformation ont été sévèrement touchées.

— Raconte-moi quelque chose que j’ignore, ou que je n’ai pas encore deviné, grommèle Hiber entre ses dents, alors que le sas cède enfin dans un soupir de renoncement.

— Les autres projectiles se sont précipités droit sur la planète et se sont enfoncés, littéralement, dans le sol. Comme de foutus piquets. Des trappes se sont ouvertes de tous les côtés, pour laisser s’échapper des nuées de centaines de machines.

Hiber accuse le coup. Il lui revient en tête des vidéos, visionnées pendant ses classes spécialisées d’enseignement, dans lesquelles on voyait les cultures agroalimentaires terriennes prises d’assaut par des hordes de petits insectes hideux qui avaient fomenté bien des cauchemars. Il meurt d’envie de connaître les détails de cette invasion, mais il est écrasé par l’urgence.

— Je dois nous faire sortir d’ici, répond-il enfin, davantage pour lui-même que pour Lannari, en pénétrant dans la salle de contrôle.

Sur le mur opposé, au-delà d’un ensemble de terminaux formant un îlot central, la grande baie vitrée donne sur la montagne et filtre les premiers rayons de Barny. La pièce est baignée d’une lumière chaude et diffuse, comme si Alvan était la proie de la dernière aurore.

— Je voulais juste te faire savoir que les compagnies ont été déployées conformément à nos simulations.

— C’est entendu.

L’officier examine les différents postes de contrôle répartis dans la vigie. S’il n’est pas spécialiste en la matière, il a passé suffisamment de temps avec des opérateurs comme Avald pour avoir une idée de ce à quoi une console de commandement devrait ressembler. Il s’arrête devant une table inclinée dont l’interface tactile est toujours rétroéclairée.

— Hiber ?

Il suspend son geste et soupire. Les alarmes lui vrillent les tympans, et malgré les micro-aérations de son casque, il transpire à présent à grosses gouttes.

— Quoi ?

— Peu après le bombardement, des affrontements ont éclaté dans la plaine septentrionale, non loin du pilier numéro 8, là où Sunjay et sa compagnie Epsilon sont postés. Jusqu’ici, nous avions une vision assez claire des mouvements des troupes adverses en présence, mais nous venons de perdre le contact avec l’intégralité des fouines. Ces drones sont censés être furtifs, non ?

— Nos ennemis ne sont pas ceux auxquels on s’attendait. Ils ont des moyens que nous ignorons. Il nous faut à tout prix les observer et expérimenter. Sait-on si les armes cinétiques sont efficaces contre ces machines ? Les canons à impulsions électromagnétiques sont-ils en place ? Même si nos fouines sont leurs cibles, il faut expédier un autre essaim.

Hiber pianote sur l’interface à la recherche de la commande d’ouverture de la porte du hangar, mais son esprit se tourne, en dépit de ses efforts, vers les stratégies de guerre à envisager.

— D’autres drones sont déjà en route, et j’ai également envoyé ta compagnie en renfort. Ainsi, tu les rejoindras rapidement.

— Je fais de mon mieux, répond Hiber, les yeux rivés sur l’écran de sa console.

L’application est logique, mais les entrées innombrables. Hiber survole et valide quantité de demandes d’autorisations, par chance non sécurisées, maugrée intérieurement sur cette nécessité absurde de passer par tant de menus afin d’ouvrir une simple porte.

— L’officier Kayanee, basée avec sa compagnie Iota dans le secteur du Tertre, confirme à l’instant que les canons sont en place et pleinement chargés. Nous sommes prêts à riposter !

Hiber, concentré sur l’écran où défilent les lignes de commande, garde le silence. Dès son apparition, et avec un grand soulagement, il appuie sur un gros carré lumineux du clavier virtuel. Aussitôt, un grondement monte du hangar, résonne dans ses semelles épaisses, couvre le hurlement des alarmes et lui arrache un véritable sourire de satisfaction. Les évènements semblent enfin tourner en la faveur de la protection de la colonie.

— Il est temps de montrer à l’empire que nous les attendions de pied ferme. Je rejoins mes braves au plus vite, et je compte sur toi pour conduire la destruction de leurs batteries orbitales. Terminé.

L’officier roule des épaules et cambre le dos afin de soulager son corps meurtri par le poids de l’armure de combat. La sueur lui pique les yeux. Il réfléchit à la manière dont il va redescendre le foutu escalier, qui menaçait déjà de s’effondrer durant son ascension, lorsqu’un grésillement dans son oreillette signale une nouvelle communication entrante. Il retient entre ses dents un juron.

— Monsieur ?

— Prêt à décoller, Ushel ?

— Nous avons un problème.

— Détends-toi, soldat, j’ai récupéré les codes d’accès.

— Je ne parle pas de cela, monsieur. Vous devriez jeter un coup d’œil à l’extérieur.

Hiber abaisse la visière de son casque, certain qu’une nouvelle tuile est sur le point de lui tomber dessus. Il saisit l’arme qu’il avait appuyée contre la table inclinée et se rapproche de la baie donnant sur la montagne. L'étoile Barny a émergé de derrière la crête basaltique déchirée et inonde la planète de ses rayons. Avec l’assistance du support optique de l'EXO, Hiber balaye le panorama minéral, piqué çà et là des premières plaques de glace, baigné de saillies sanglantes et cruellement prophétiques. À mi-hauteur du massif en regard, au pied d’une coulure escarpée, des éclats funestes, anomalie au sein de la rocaille noire et brune, attirent son attention.

Agrandissement numérique.

— Bordel, qu’est-ce que c’est ?

— Des machines autonomes, monsieur. Les senseurs de la navette en comptabilisent exactement sept. Six sont à peu près de forme et de taille humaine, mais celle qui se tient au milieu mesure près de trois mètres de haut.

— Et presque autant de large, ajoute Hiber avec une grimace tout en zoomant encore sur la grotesque mécanique bipède.

— Elles sont horriblement immobiles, et ce depuis de longues minutes. Qu’est-ce qu’elles attendent pour nous attaquer ? J’avoue que cela m’angoisse, mais il y a autre chose.

— Vide ton sac, Ushel.

— Le prochain cycle de terraformation.

— Dans combien de temps ?

— Dix-sept minutes, monsieur.

Alors que Hiber menace de lâcher une nouvelle exclamation fleurie, six missiles à courte portée s’échappent, dans un bruit de tonnerre, depuis les lanceurs accrochés sur le dos de chacune des machines humanoïdes. Ils décrivent une course tendue à près de deux-cents mètres par seconde, laissant derrière eux de fines traînées incandescentes, puis entament la traversée du canyon en rugissant, droit sur la gueule grande ouverte du refuge d’Orthos.

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