Au coin du feu

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« Hé, petit ! Petit ! »

J’ouvre lentement les yeux, l’esprit encore brumeux. J’ai dû m’endormir avant que le vieil homme ne rentre… Je m’étire, le regarde et me demande ce qu’il peut bien me vouloir.

« Quoi donc, vieil homme ?

— Tu n’as pas faim ? »

Je le regarde, cligne des yeux, réfléchis un instant.

« Non, pas plus…

— Tant pis pour toi, va me couper les pommes, j’ai trouvé de bonnes herbes sur le chemin, avec un peu de poisson, ça va être délicieux ! »

Je soupire et me lève, récupère le couteau, m’attaque aux pommes sans plus de concentration que ça. Mes épluchures ont une sale tête et je ne peux m’empêcher de bâiller. Si je ne veux pas me rendormir sur mon couteau, il vaudrait mieux que je m’occupe à quelque chose de moins répétitif…

« Vieil homme… Est-ce que vous pouvez me parler des sheikah ?

— Hmm ? Tu t’intéresses à eux ?

— Les sanctuaires, ce sont bien eux qui les ont construits ? Alors pourquoi n’y a-t-il aucune trace de vie ? Rien que des espaces vides dédiés à des épreuves que visiblement nul n’a passées depuis… Depuis… depuis je ne sais même pas combien de temps ?

— Ils n’ont pas été construits pour vivre ou pour prier, tu n’y trouveras pas de nourriture, pas de traces de vie. Ils sont là pour qu’on puisse prouver sa bravoure, montrer son courage et que tous approuvent le Héros.

— Le Héros ?

— C’est une longue histoire. »

Quelque chose dans sa voix me fait dire qu’il n’en parlera plus. J’avais encore énormément de questions, mais je vais m’arrêter là pour ce soir. Moi qui croyais qu’on ne faisait pas plus mystérieux qu’un amnésique en sous-vêtements se réveillant sur un plateau à des kilomètres au-dessus du reste du pays, visiblement je me trompais. Parce qu’autant je ne peux pas parler de mon passé, mais lui ne le veux pas. Il est dans la même situation que moi, avec quelques années et quelques vêtements de plus, certes, mais en plus il ne veut pas parler du passé. Sans doute y a-t-il quelque chose qu’il veut me cacher.

Me cacher ? Pourquoi faire ? Nous sommes tous les deux piégés dans cet endroit, quoi qu’il me dise, je n’ai aucun moyen de le contredire, il pourrait me mentir, me dire qu’il ne se souvient pas, qu’il ne sait pas vraiment, qu’il a entendu parler de ça il y a bien longtemps, mais non.

Je sais que quelque part, je devrais être rassuré. Il ne veut pas me mentir. Il ne doit pas me vouloir de mal, sinon il l’aurait déjà fait. S’il compte avoir ma peau en m’envoyant à l’aventure dans ces sanctuaires, peut-être qu’il y arrivera, mais pour quoi faire ? Pourquoi me demander de les explorer s’il n’a rien à y gagner ? Il ne m’a jamais demandé quoi que ce soit que j’y ai trouvé, au contraire. Il a plutôt l’air de s’intéresser aux emblèmes, mais ce n’est pas vraiment le genre de chose qu’il peut collectionner sans mettre un pied dans ces sanctuaires. Et de toute façon, je ne suis pas sûr que même en passant après moi, il parvienne à l’obtenir.

Alors, que veut-il de moi ? Pourquoi m’aide-t-il ? Du moins pourquoi me met-il à l’épreuve pour une stupide paravoile ? Paravoile qu’il n’a même pas l’air d’utiliser ? Non pas que je le lui reproche, à son âge, mais je ne peux m’empêcher de me poser des questions. Qu’est-ce qui se cache derrière tous ces mystères ?

Je finis d’éplucher ma dernière pomme et pose mon regard sur le dos du vieil homme. Il m’attend, visiblement. Il profite du feu pour se réchauffer. Il a l’air… fragile. Malgré son embonpoint, j’ai soudainement le sentiment que, si la lumière était un peu plus forte, elle passerait à travers lui. Je cligne des yeux, tenant de comprendre ce sentiment, mais il a disparu. Sans doute la fatigue. Je viens lui porter mes pommes et il les jette, avec un bon nombre d’autres ingrédients dont le nom m’échappe, dans la marmite.

Ce soir-là, nous mangeons en silence. Je ne sais pas ce que ma question a réveillé en lui, mais son visage d’habitude plutôt rieur est sombre, fatigué. Ses yeux sont cernés, presque fermés, ses lèvres pincées. Je veux m’excuser, mais il lève la main.

« Tu n’y es pour rien, mon garçon. Je n’ai pas très envie de parler, ce soir, tu m’excuseras… »

Et sur ces mots, après avoir terminé son bol, il part s’allonger. Je fais de même, après avoir nettoyé la petite pièce pour me donner bonne conscience.

J’ai du mal à croire qu’il y ait quelque chose qui puisse le plonger dans une telle mélancolie. Il avait l’air si heureux ! Peut-être que je l’ai forcé à se souvenir de choses douloureuses… Il n’y a pas de raison qu’il ait fini ici tout seul s’il vivait une vie heureuse en bas. Il a sans doute des proches qui s’inquiètent, qui l’attendent… Sans doute s’occupe-t-il de moi pour ne pas se sentir trop seul…

Alors que je plonge dans le sommeil, j’ai l’impression qu’une voix se glisse jusqu’à moi. La voix du vieil homme.

« Zelda... »

Et je m’enfonce dans mes rêves.

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