manifeste du vieil anar

2 minutes de lecture

Alors tu as envie de changer le monde ? Commence déjà par nettoyer la vaisselle sale qui traine dans ton évier, faire ton lit et valider ta quatrième Licence 1, veux-tu ! Tu seras là le 10 septembre ; très bien, bloque tout si ça t’amuse, moi, par principe, j’irai travailler, histoire de pouvoir payer mes impôts et mon loyer… ce n’est pas comme si on avait bien le choix de se faire extorquer… Enfin, fait, fait, gambade ! J’ai été comme toi jadis… Va pour Nuit Debout en Gilet Jaune et pancarte Interdire d’interdire ! Comment c’est déjà pris ? C’est vrai qu’il faudrait trouver une identité à ta révolte… commencer par le drapeau français, puis un slogan comme : « Liberté à Vie ! », ou « Solidarité pour Toujours ! »… bon je n’ai pas d’inspiration, tu m’excuseras, mais tu m’as compris ; ce n’est pas le choix des boniments qui manque ! C’est sûr pour la pancartade, la grève entre deux jours de chômage, le gueuloir sur place publique de tes inepties bolcheviques, le vin semble couler à flot et le pain ne manque pas. « Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines ». Tout semble sans conséquence n’est-ce pas ? Le printemps du peuple à l’automne tu y crois, car tu es jeune. Ou bien tu n’as pas grandi. J’ai été comme toi jadis, crois-moi… peut être pire : trotskiste, maoïste, che guevariste et tout le tutti quanti ! Qu’est-ce qui explique ma résignation actuelle alors ? Ô rien de concret vraiment… les années qui passent et l’énergie qui s’amenuise ; de manif en manif, l’excitation de la nouveauté qui se métamorphose en habitude monotone, puis en décalage de plus en plus profond entre mes aspirations et celles de la nouvelle génération ; puis, il faut l’avouer : la vie quand même plus confortable avec un canapé et un téléviseur produit par le capitalisme que des tréteaux et des bières chaudes ; enfin quelques petits privilèges acquis par des petits boulots honnêtes : bref, tous ces éléments, en plus des affres de la vie qui parfois nous foudroient et nous ramènent à notre individualité propre tout en mettant en lumière la vacuité des absurdes combats que nous croyons mener, permettent d’expliquer pourquoi j’ai pris ma retraite de la jacquerie.

Mais oublie tout ce que j’ai dit ; je ne suis qu’un vieux con désormais. Va ! Il vaut mieux le fantasme du sans-culotte que la nécrose du costumé. Tu m’enverras une carte postale de l’Élysée en flamme ; on ne verra jamais que les cendres…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Pierre Beaury ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0