Chapitre 1 - L'épreuve (1.2 L'équipe)

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Akma et V'andale suivent la colonne menée par des vétérans Saïban jusqu'au lieu de l'épreuve. Il faut une bonne heure de marche pour arriver au pied du volcan Efkain. C'est à partir de là que démarreront les deux jours de survie pour les aspirants de sa contrée. Ils sont trente, divisés en groupes de trois afin d'évaluer leur capacité à travailler en équipe. L'objectif est simple : arriver à la capitale Varouchta avec le meilleur chronomètre de la promotion. Simple, si l'on peut dire ; l'élite des Saïbans est mobilisée pour tester leurs futurs frères d'armes et se tient en embuscade sur tout le chemin. Ils sont connus pour n'avoir aucune pitié ; sur le front seul compte la survie. Il leur faudra gravir le volcan pour pénétrer dans une forêt tropicale primitive qu'ils devront traverser dans le sens de la course du soleil pour arriver sur le dernier obstacle, et pas des moindres, la Grande Faille, qu'il leur faudra franchir pour rejoindre enfin Varouchta.

Même en sachant cela, à chaque révolution, nombre de candidats abandonnent ou sont trop blessés pour mener la mission à terme.

Akma entend son nom prononcé et cela la ramène au moment présent. Elle sera avec Morr. Son allure de bellâtre, ses yeux sombres emplis de mystères et son teint mat en font la caricature du séducteur de femmes. Pourtant, c'est un jeune homme solitaire qui passe son temps libre à étudier dans les ouvrages de la bibliothèque du château. Elle n'a eu avec lui que de brefs échanges mais elle sait qu'il a une bonne analyse stratégique ; il a toujours excellé aux entrainements dans ce domaine. Ce qui lui fait complètement défaut car elle est trop impulsive. Ils se complèteront parfaitement. Et l'autre compagnon sera Lekchi.

Quelle poisse ! Ça pouvait difficilement être pire ! songe-t-elle.

Désormais c'est l'attente car chaque départ est échelonné, ils sont classés huitièmes ce qui les fera partir d'ici une heure et demie environ. La patience n'a jamais été la qualité première de V'andale et de sa soeur. Et à peine Lekchi s'est-il approché qu'Akma lui saute presque à la gorge en lui intimant de s'éloigner. Sa tête ronde avec ses grands yeux noisette et ses cheveux en bataille ont le don de l'irriter.

— Ça va, je venais juste te saluer. Peut-être que j'aurais dû ronronner en réclamant un calin.

— Va chier. Je cherche pas de pote, on est juste coéquipiers.

— Ça, je ne risque pas de l'oublier.

Morr intervient :

— Je pense que nous devrions contourner la montagne par l'Est. J'ai étudié la topographie du terrain et la roche est moins friable. Ce sera plus facile pour les felidiens de progresser par là.

Respect, c'est le mot qui leur vient en tête. C'est fréquent que leur pensée émerge de façon simultanée, tout partager depuis tant d'années cela crée un lien particulier, enfin c'est ce que disent les autres, ceux qui n'ont pas de felidien.

En une simple phrase, il a montré son leadership. Morr a parfaitement désamorcé la tension qui naissait, en revenant sur un sujet immédiat plutôt que de rajouter une couche moralisatrice qui n'aurait fait qu'intensifier le climat électrique entre eux trois. Il a parfaitement étudié le terrain afin de leur faire gagner un temps précieux. Cela lui rappelle le mois dernier, lors de l'exercice dans les marais où il avait tiré son équipe d'un guêpier que nombre d'aspirants n'avaient pu éviter ; dont son équipe à elle qui s'était lamentablement enfoncée dans la vase. Morr avait trouvé une plante aquatique emplie d'un gaz. Ils avaient entassées les bulbes gazeux dans leur nacelle pour aider les felidiens à se maintenir suffisamment en surface pour ne pas s'embourber. L'adolescente sent qu'elle le suivra en toute confiance. Reste à savoir comment se positionne Lekchi. À peine la pensée effleure-t-elle son esprit qu'elle entend :

Regarde, on verrait presque sa queue entre ses jambes. Une grande gueule mais rien de plus.

Akma voit que Lekchi s'apprête à répondre mais sans doute une phrase de sa felidienne lui fait changer d'opinion et il baisse simplement la tête en signe d'assentiment.

Morr propose alors :

— On n'a qu'à faire un portrait chinois histoire d'occuper le temps et ça nous permettra de nous connaitre un peu plus.

— Tu ne veux pas plutôt nous communiquer les autres infos que tu as étudié histoire de ne pas perdre de temps, rétorque Lekchi.

— Je pense qu'il est tout aussi important voire plus de se connaitre. Et puis je ne veux pas que des oreilles indiscrètes viennent glaner gratuitement ce que j'ai sué à préparer. Allez, je commence, si j'étais un arbre, je serais un Quercus*, il est solide, multiusage.

— Moi, je serai un Taxodia car c'est le plus grand de tous.

Évidemment, Lekchi ne peut pas faire dans la modestie. Akma retient la pouffée de rire qui la gagne en entendant V'andale. Heureusement, cela passe pour une quinte de toux et elle prétexte avoir avaler de travers. Peut-être un peu ridicule mais toujours mieux que de risquer de mettre de l'huile sur le feu.

— Je serai un Oleos. Il nourrit les siens, les abrite du soleil. Lorsque je m'assoupis sous ses branches, je me sens en sécurité.

C'est au tour de Lekchi de se lancer :

— Et si vous étiez une couleur ? Moi, ce serait le rouge à la fois signe de force et de puissance. C'est aussi le sang de nos futurs ennemis et l'oeil de mon felidien.

Morr enchaine tandis qu'Akma peine à arrêter son choix :

— Pour moi, c'est le bleu sans hésiter. Il me rappelle la mer. Je vivais à côté quand j'étais enfant, c'était une époque sereine et heureuse. En tout cas, c'est l'impression qu'il me reste. C'est aussi le ciel dans ces beaux jours et la première fleur du printemps, la Flièvregère. Et toi Akma ?

— Je euh.... Je dirais le jaune car il réchauffe. C'est la couleur de V'andale. C'est aussi le blé, et j'adore manger du pain !

— À toi, Akma. lance aussitôt Lekchi. Malheureusement, la jeune fille n'a pas d'idées et le silence se prolonge. Morr enchaine alors :

— Et si vous étiez une arme ? Moi, je serai une dague. Toujours prêt de soi pour assurer la survie. Légère et maniable.

Akma poursuit, la réponse lui paraissant tellement évidente :

— Les griffes d'un felidien, il n'y a rien de plus robuste et de plus acéré.

— Cela m'aurait...

Lekchi est coupé dans la remarque certainement cinglante qu'il avait trouvée pour ponctuer la réponse de sa partenaire. Le signal. Leur départ est imminent. Ils montent tous dans leur nasse. Morr et son felidien, Ekmos, s'avancent et naturellement Lekchi et Akma viennent se placer chacun d'un côté. Après quelques pas en direction du volcan, ils bifurquent vers l'est au pas de course.

*L'équivalent de notre chêne en termes de robustesse et d'usage.

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