Chapitre 1 - L'épreuve (1.3 Deuxième jour)

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— Morr, réveille-toi !

— Mmmhh...

— Quelque chose cloche.

Même s'il n'a pas besoin de le voir pour communiquer avec facilité, Morr ouvre les yeux pour forcer son corps à se réveiller. Il sent, à l'engourdissement de ses membres, que seulement quelques heures sont passées depuis qu'il s'est endormi.

— Je t'écoute.

— Ça fait deux fois que je vois un oiseau survoler la zone où nous dormons et faire de même sur une autre zone à onze heures environ, trois cents mètres plus loin. Certainement un rapace.

— Je suppose que ce n'est pas un oiseau de proie qui t'inquiète.

— On est d'accord, je n'aurais pas interrompu ta nuit pour si peu, sauf qu'un rapace ne suit pas deux proies aussi éloignées en même temps. Cela n'a aucun sens, il risquerait de perdre de vue les deux. Sauf...

— Sauf s'il est sous les ordres d'un humain et qu'il n'est pas en train de chasser mais de repérer.

— Exact.

— As-tu distingué la silhouette de cet oiseau ? Un signe particulier ?

— Oui, et c'est ce qui m'inquiète le plus.

— Gris cendré avec une marque rouge au niveau du col.

...

— Fais chier ! Akma, Lekchi ! Réveillez-vous, on part !

— Qu'est-ce qui se passe ? demande Lekchi la voix ensommeillée.

— Pas le temps d'expliquer, il faut décamper et au plus vite ! Je vous explique en chemin !

— OK, répondent en choeur Akma et Lekchi, la voix rauque et la bouche encore pâteuse, en réveillant leur partenaire endormi.

Les gestes pratiqués avec assiduité depuis dix ans sont devenus des réflexes et en moins de cinq minutes ils sont prêts à monter dans leur nasse, toutes leurs affaires empaquetées. Morr leur intime :

— Un seul mot d'ordre courir et se faire le plus discret possible !

— J'espère que ton explication tient la route sinon mon manque de sommeil va te coûter cher, lui dit Lekchi tout en s'installant dans son habitacle.

Ils savent que la Grande Faille se situe à environ cinquante kilomètres au Nord-Est au-delà de la forêt. Les adolescents laissent l'instinct de leur compagnon guider leurs pas. Morr pousse E'kmos à une vitesse folle et plusieurs branches ne manquent pas d'entailler sa peau pourtant épaisse. V'andale et K'ra le suivent à la trace ce qui leur facilite la tâche. Pendant presque une heure, ils ne perçoivent que le bruit des pas précipités, le souffle court des bêtes et un paysage qui ne ressemble qu'à un amas flou de vert et de brun.

Akma commence à perdre patience. Certes, ils arriveront rapidement au but mais à quel prix. Le plus dur reste à venir, ils doivent ménager leurs forces. Au moment où elle s'apprête à stopper V'andale, E'kmos bondit d'un quart de tour sur quelques pas pour stopper sa course effrénée dans une petite clairière surplombée de branchages, formant comme une cabane au-dessus de leur tête. Les trois adolescents descendent pour se retrouver au centre de l'espace couvert d'herbes tendres. Morr commence aussitôt :

— Désolé et merci de m'avoir suivi. E'kmos a repéré un rapace qui est sans aucun doute un busard à collerette.

— Tu te fous de nous ?! laisse éclater Lekchi.

— Qu'est-ce qui t'inquiète avec cette bête, nous pouvons largement gérer une attaque de busard même de plusieurs dizaines, ajoute Akma.

— Ce n'est bien évidemment pas cet oiseau qui m'inquiète. Vous connaissez Gwenrhal j'imagine.

— Difficile de ne pas avoir entendu parler des exploits d'un des plus grands guerriers de ces dernières années, répond aussitôt Lekchi.

— En préparant notre périple, je suis tombé par hasard sur un document mentionnant un busard à collerette. J'ai minutieusement vérifié de nombreuses sources parlant de Gwenrhal et plusieurs chroniques font mention de cet oiseau. Gwenrhal n'en fait pas étalage, bien évidemment, mais certains chroniqueurs ont noté qu'il utilise un busard à collerette pour repérer ses ennemis à distance afin de pouvoir les approcher discrètement. Et celui qu'à repérer E'kmos avait un comportement étrange, il survolait deux zones distantes avec insistance ; dont la nôtre. Ce n'est pas logique, un rapace ne chasse que sur une zone qu'il survole jusqu'à ce qu'il ait attrapé sa proie. E'kmos et moi sommes quasi certains qu'il s'agit de Gwenrhal.

— Et si c'est lui, nous sommes finis. Je ne me vois pas lutter contre lui, ajoute Akma.

— Mais pourquoi n'est-il pas là ? demande soudain Lekchi.

— Une seule explication : il traque l'autre groupe qui devait dormir pas loin de nous, déduit Akma.

— Oui, on serait déjà hors-jeu s'il nous avait pris en chasse, conclut Morr.

Le trio profite de cette pause pour laisser les felidiens débusquer leur petit-déjeuner pendant qu'ils engloutissent un copieux repas afin de parcourir toute la distance les séparant de la Grande Faille. Akma en profite pour observer le paysage. Ils sont entourés de grands arbres aux feuilles vert clair et de quelques arbres plus petits et massifs au feuillage vert sombre. Le sous-bois regorge de fougères, de mousses et d'herbes grasses. La clairière est parsemée de clochettes d'un jaune vif qui contrate à merveille avec le vert et le brun des arbres.

Au bout de quarante-cinq minutes, ils sont prêts à repartir lorsque V'andale se met aux aguets.

— Une odeur, tu la sens ?

— Pas encore.

— On dirait...

— Un Lapyrodactill ! s'exclame-t-elle mentalement de façon simultanée.

— Un Lapyrodactill approche, informe Akma.

— Non, ils sont trois ou peut-être quatre.

— Non, trois ou quatre Lapyrodactill, rectifie Akma.

— Ça se complique un peu, ajoute Lekchi.

À peine a-t-il prononcé ces mots, qu'un bruissement leur fait tourner la tête en direction d'un amas de fougères à quelques pas de leur position. Quelques secondes après, une fourrure sombre au poil dru se devine au travers de la végétation. D'instinct, les trois felidiens forment un cercle à l'intérieur duquel les adolescents viennent se positionner. Ils n'auront pas le temps de monter dans leur nasse, il faudra s'adapter. La tension est palpable lorsque la première bête surgit du fourré. Le regard rouge et la gueule pleine de bave montrent de façon claire qu'il est affamé. La bête d'environ trois mètres de haut s'approche d'un pas lourd en position d'attaque. Ce bipède est bien moins imposant qu'un felidien, mais avec ses quatre bras touffus munis de griffes acérées et sa queue dotée d'un crochet au poison mortel en font un adversaire assez redoutable. D'autant que deux autres individus font rapidement leur apparition.

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