Episode 04

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UNE JOURNEE PLEINE D'EMOTIONS

~*~

Alors que Jessabiel et Gadriel se rendaient à Fjore, les deux passèrent devant le parc où ils avaient tous les deux observé la grande conjonction de transfert le jour précédent. Le jeune garçon s’arrêta brusquement, regardant l’arbre sous lequel les deux s’étaient assis la veille. Ce n’était cependant pas pour se rappeler des moments qu’il avait passés aux côtés de la jeune fille. En effet, quand Gadriel observait ce végétal, tout ce qu’il voyait était les images de son cauchemar, notamment le moment où tout le monde, y compris Jessabiel, lui avait dit qu’il n’avait aucune chance d’échapper à ce qui se trouvait dans la mystérieuse brume noire.

Le jeune garçon avait vraisemblablement été perturbé par ce qu’il avait vu dans son rêve. Et pour cause, non seulement cela avait été la toute première fois qu’il faisait un cauchemar impliquant cette étrange brume, mais tout ce qui lui tenait à coeur avait également été transformé en un tas de cendres. Gadriel n’avait aucune idée de ce que tous ces mauvais rêves signifiaient et commençait à regretter le fait de ne pas avoir parlé de ça avec Eve plus tôt. Elle aurait sûrement eu une idée de leur signification. Maintenant, elle refusait de lui adresser la parole, ce qu’il méritait selon lui. Il se disait qu’il ne lui avait pas parlé de façon aussi odieuse le jour précédent, il ne serait sans doute pas dans cette situation.

Jessabiel, qui avait remarqué que Gadriel s’était soudainement arrêté, s’avança vers lui et lui demanda si tout allait bien.

- Oui, Jessabiel. Tout va très bien.

- Tu sais, nous ne sommes pas obligés d’aller à Fjore si tu n’en as pas envie, poursuivit-elle, pas du tout convaincue par son interlocuteur.

- Non, nous devons y aller. Je dois continuer d’y aller et les forcer à poursuivre les recherches. Mère aurait fait la même chose si j’avais été à sa place.

Face aux propos de Gadriel, la jeune fille ne put s’empêcher de sourire. Elle trouvait qu’il arborait une attitude naïvement positive vis-à-vis de toute cette histoire. Jessabiel proposa au jeune garçon de poursuivre leur chemin en direction de Fjore, ce qu’il accepta bien évidemment, mais pas avant d’avoir lancé un dernier regard vers cet arbre plein de bons et mauvais souvenirs.

-----*-----

Après quelques dizaines de minutes de marche, les jeunes gens arrivèrent finalement à Fjore. Comme à son habitude, Gadriel fut impressionné par la grandeur des bâtiments, ce qui n’était absolument pas le cas de la personne qui l’accompagnait. Voyant qu’il regardait autour de lui comme s’il cherchait quelque chose, Jessabiel lui demanda ce qu’il faisait.

- Je regarde les bâtiments. Ils sont tellement imposants que les nôtres paraissent insignifiants, répondit-il.

- On t’a déjà que tu étais bi…une personne particulière ? C’est vrai qu’ils sont grands, mais ils palissent tous en comparaison devant la tour de Jtaoch.

- La tour de Jtaoch ? Qu’est-ce que c’est ?

Jessabiel prit quelques secondes avant de lui dire qu’il s’agissait d’un édifice qu’elle avait vu dans un des livres de chez elle et qui, selon ce qui était écrit à l’intérieur, mesurait plusieurs kilomètres de hauteur.

- Plusieurs kilomètres de hauteur ? Waouh !

Gadriel, qui trouvait déjà les bâtiments de Fjore gigantesques, avait beaucoup de mal à imaginer qu’un bâtiment puisse être encore plus grand.

- Je parlerai de ça à Kyon à notre prochaine rencontre pour voir s’il possède des informations sur cette tour.

- Bonne chance pour ça.

- Pourquoi bonne chance ?

- Pour rien. Allons-y, le bâtiment des forces de l’ordre n’est plus très loin, répondit-elle en prenant la direction de l’édifice.

Le jeune garçon, qui se trouvait à ce moment dans son dos, ne remarqua pas le petit sourire narquois que Jessabiel afficha pendant un bref instant. Cependant, il trouva leur récente interaction bizarre, un peu comme s’il s’était momentanément adressé à une tout autre personne que la jeune fille qu’il connaissait. Gadriel mit toutefois cela sur le fait qu’elle s’était disputée avec son frère, ce qui lui donna bien évidemment le sourire aux lèvres.

- Alors, tu viens ou pas ?! s’exclama Jessabiel en constatant que Gadriel restait sur place.

- Oui, j’arrive.

Après quelques minutes de marche, les deux jeunes gens arrivèrent finalement devant le bâtiment des forces de l’ordre d’Exoduus. Gadriel conduisit ensuite Jessabiel au 56e niveau de l’édifice, étage où se trouvait le service chargé de la recherche des personnes disparues. Comme la fois précédente, il se dirigea vers l’accueil où la Loxienne et la Rumirunas étaient toutes les deux assises.

- Bonjour, que puis-je faire pour vous aider ? rétorqua la femme de pierre.

- Bonjour, pourrai-je parler à l’agent avec qui j’ai discuté hier ?

- Veuillez patienter s’il vous plaît.

La Rumirunas se leva de son siège, mettant ainsi son imposante stature en évidence, se dirigea vers le bureau dans lequel Gadriel avait été conduit le jour précédent. Peu de temps après, lorsque le Céleste se présenta, ce dernier afficha une expression d’exaspération quand on lui annonça l’identité de la personne qui désirait le voir.

- Gadriel, combien de fois t’ai-je demandé de ne pas remettre les pieds ici ?! On fait du mieux qu’on peut pour retrouver ta mère et ce n’est pas en venant ici tous les jours que tu vas faire avancer les choses, rétorqua l’agent lorsqu’il arriva auprès des jeunes gens.

- Si vous faisiez correctement votre travail, il n’aurait pas à venir ici tous les jours.

- Et à qui ai-je à faire ?

- Jessabiel, son amie !

- Écoute, gamine…

- Je ne suis pas une gamine, rétorqua Jessabiel en interrompant son interlocuteur. Votre travail est de retrouver les gens. Alors, pourquoi vous n’avez toujours pas retrouvé sa mère ?

- Écoute, GAMINE, je ne sais pas ce que ton ami, Gadriel, t’a dit, mais je vais répéter mot pour mot ce que je me tue à lui dire depuis plusieurs jours. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour retrouver sa mère…

- Ce n’est pas assez. Faites mieux. Vous avez les ressources nécessaires.

- Écoute, gamine…

- Je vous ai déjà dit que je n’étais pas une gamine.

- Peu importe. Tu restes une gamine vu que tu n’as aucune idée de la façon dont notre service fonctionne. Oui, nous avons les ressources, mais nous ne pouvons pas nous permettre de tout allouer sur l’affaire d’une seule personne. Ce ne serait pas raisonnable, mais surtout, ce ne serait pas juste pour les autres familles dont les proches ont également disparu.

Jessabiel, qui était frustrée d’être constamment appelée gamine, lui dit qu’elle se moquait des autres familles et qu’ils devaient uniquement se focaliser sur la mère de Gadriel. De son côté, le principal concerné de l’affaire restait silencieux, observant la discussion entre l’agent et son amie. Lorsque la jeune fille lui avait dit qu’elle irait dire deux mots à l’officier, il s’était dit que la conversation se serait déroulée sur un ton un peu plus amical. Il avait eu tort. Le jeune garçon n’aurait jamais imaginé que Jessabiel s’en prenne verbalement à l’agent avec qui il avait parlé la veille.

Était-ce toujours à cause de ce que Reigns avait fait ? Si oui, qu’avait-il bien pu faire pour rendre Jessabiel aussi à cran ? En plus, pourquoi mettait-elle un point d’honneur à ce que l’agent ne l’appelle pas «gamine » ? Aux dernières nouvelles, Gadriel et elle étaient encore des enfants. Il ne comprenait donc pas pourquoi elle s’acharnait là-dessus. Néanmoins, en voyant le comportement de la jeune fille, Gadriel se promit de ne jamais la mettre en colère. Il était préférable pour lui de se trouver dans ses bonnes grâces que de ne pas l’être du tout.

- Écoutez, si vous n’avez rien d’autre à faire dans ce service, je vous suggère de rentrer chez vous et de nous laisser faire notre travail, rétorqua l’agent en s’éloignant de Jessabiel.

- Vous allez où comme ça ? Je n’en ai pas fini avec vous ! s’exclama la jeune fille.

- Moi, j’en ai fini avec vous. Ces gamins, vraiment. Nous faire perdre notre temps inutilement.

Avant de rentrer dans son bureau, il demanda à sa collègue, la Rumirunas, d’escorter les jeunes gens hors de leur service. La femme de pierre s’approcha donc de Gadriel et Jessabiel et les invita à quitter les lieux. Cependant, la jeune fille, qui était toujours frustrée par cette conversation, ne semblait pas vouloir obéir à l’ordre qui venait d’être donné.

- Jessabiel, allons-nous-en. Nous reviendrons demain, dit Gadriel, obligeant ainsi son amie à prendre la direction de la sortie.

Lorsque les deux se retrouvèrent à l’extérieur du bâtiment, Jessabiel exprima tout son mécontentement en proférant de nombreuses insultes à l’égard de cet agent des forces de l’ordre, mais en disant également qu’elle lui ferait la peau si l’occasion se présentait.

- Ne dis pas ça, Jessabiel. Il fait de son mieux pour retrouver Mère…

- Ouais, c’est ça ! Comme s’il y avait une chance que ça arrive, rétorqua-t-elle.

Jessabiel ne s’en rendit pas compte sur l’instant, mais la phrase qu’elle venait de prononcer heurta énormément Gadriel qui, pendant un moment, eut du mal à croire qu’elle avait dit quelque chose de la sorte, d’autant plus qu’elle n’ignorait pas à quel point c’était important pour lui. Il ne savait pas ce qu’il y avait eu entre Reigns et elle, mais il avait parfois l’impression de se trouver aux côtés d’une personne totalement différente.

- Je garde tout de même espoir. Je sais que mère se trouve quelque part et je sais aussi qu’ils finiront par la retrouver.

- Peu importe. Allez, viens avec moi, rétorqua la jeune fille après avoir lu quelque chose sur l’écran de son bracelet.

- Où est-ce qu’on va ? demanda Gadriel en la voyant s’éloigner.

- Nous divertir. J’ai besoin de me changer les idées.

Le jeune garçon hésita quelques instants à la suivre, ne sachant pas vraiment ce qu’elle entendait par se divertir. Néanmoins, passer du temps avec elle était agréable, et ce même si elle semblait être une personne totalement différente de temps en temps. Il alla donc la rejoindre et les deux se rendirent vers une destination que seule Jessabiel connaissait.

-----*-----

Après de nombreuses minutes de marche, Gadriel et Jessabiel arrivèrent tous les deux devant ce qui pouvait s’apparenter à un parc d’attractions. Et comme on pouvait s’y attendre de ce genre d’endroits, c’était plein de cris de joie, mais également empli de frayeur.

- Quand tu as dit que tu voulais te changer les idées, je ne pensais pas du tout à cet endroit.

- Si cet endroit ne te plaît pas, nous pouvons aller ailleurs.

- Non, ça ira parfaitement.

- OK. Alors-y alors.

Jessabiel attrapa soudainement la main de Gadriel, qui ne sut alors pas comment interpréter ce geste, et l’entraîna à travers la foule jusqu’à une des attractions.

Jessabiel et Gadriel essayèrent de nombreuses attractions l’une après l’autre sans vraiment prendre le temps de souffler. Le jeune garçon avait alors l’impression qu’elle ne faisait pas cela pour s’amuser, mais plutôt qu’elle avait un autre motif derrière. En effet, elle n’arborait pas l’expression de quelqu’un qui profitait du moment présent, mais plutôt celle d’une personne voulant vite passer à chose. Une fois de plus, il mit cela sur le compte de Reigns ; le jeune garçon étant en quelque sorte responsable de l’étrange comportement de Jessabiel ; et essaya au mieux de profiter de chaque seconde qu’il passait à ses côtés.

Au bout de quelques heures, et ce alors que le soleil entamait désormais sa descente, les jeunes gens se trouvaient toujours au même endroit. Ils venaient tout juste de finir une attraction, ce qui commençait à peser sur Gadriel. Ce dernier manège particulier qui était une énorme boule transparente munie de deux sièges et projetée à plusieurs kilomètres de hauteur avait un plus gros impact tant positif que négatif sur le jeune garçon. En effet, bien avant de mettre les pieds à l’intérieur de cette sphère, le jeune garçon ne s’était pas senti à son aise, ce qui avait été tout le contraire de son amie qui l’avait encouragé.

Cependant, malgré ses encouragements, Gadriel n’était toujours pas parvenu à se débarrasser de son malaise. Il avait alors découvert qu’il avait peur du vide.

- Imagine que quelque chose tourne mal ? avait-il dit.

- Tu ne vas pas me dire que tu as peur ? T’inquiète pas, c’est totalement sur. Mais tu n’en as pas envie, personne ne te retient. Je peux très bien le faire tout seul.

Une fois de plus, le jeune garçon s’était retrouvé en face d’un choix. Et comme la fois précédente, il avait décidé de rester aux côtés de Jessabiel, et ce malgré le fait que son corps tout entier lui avait dit de ne pas rentrer dans cette sphère transparente.

Assis à côté de la jeune fille, Gadriel avait attendu le départ du manège les yeux fermés, ce qui avait poussé Jessabiel à lui dire qu’il ne verrait rien s’il les maintenait clos. Il avait cependant refusé de les ouvrir, du moins jusqu’à ce que Jessabiel prenne soudainement sa main.

- Tout va bien se passer, avait-elle rétorqué.

À ce moment précis, Gadriel avait temporairement oublié l’endroit où il avait été et avait repensé à ce qu’il avait voulu lui dire le jour précédent, aux sentiments qu’il ressentait envers elle. Il s’était alors dit que ça aurait été l’occasion idéale de tout lui avouer. Toutefois, ce qui était sorti de sa bouche à cet instant avait été le prénom de la jeune fille suivi par un énorme cri de terreur. Sans crier gare, le manège avait été lancé, propulsant les deux à plusieurs mètres du sol en quelques secondes.

Tandis que la sphère avait continué son ascension, le cri de terreur de Gadriel s’était accentué. Le jeune garçon s’était alors dit qu’ils allaient tous les deux mourir. De son côté, Jessabiel n’avait pas pu s’empêcher de rire devant ses dires. Elle avait pensé que c’était totalement ridicule de se mettre dans un état pareil, d’autant plus qu’il avait crié en gardant les yeux fermés, manquant alors tout ce qui avait défilé devant eux et ne remarquant pas ainsi que leur trajet avait été guidé depuis le début.

Au bout de quelques minutes, la sphère avait atteint son altitude maximale. Jessabiel avait alors à nouveau demandé au jeune garçon d’ouvrir les yeux, ce qui avait refusé de faire dans un premier temps, trop effrayé par ce qu’il aurait pu voir. Elle avait alors dû insister et convaincre Gadriel qu’il n’y avait rien à craindre. Se laissant une fois de plus persuader, il avait ouvert ses yeux uniquement pour découvrir un majestueux spectacle.

- Magnifique.

- Tu vois à côté de quoi tu as failli passer, avait rétorqué Jessabiel.

Gadriel et Jessabiel s’étaient retrouvés au-dessus de l’une des dernières couches nuageuses d’Exoduus, flottant momentanément avec les gracieux gamals et observant le ciel étoilé marqué par la majestueuse présence de Géoshia et ses anneaux. Le jeune garçon s’était alors dit que cela devait être ce que les Célestes voyaient chaque fois qu’ils déployaient leurs ailes pour voler au-dessus de leur tête. Il les avait tellement enviés à cet instant, eux qui étaient capables de faire ce qu’il était incapable de réaliser. Cela avait cependant été avant que la sphère entame sa brusque descente. Et comme précédemment, il s’était mis à hurler à pleins poumons.

- C’était plutôt divertissant, tu ne trouves pas ? rétorqua Jessabiel après être sortie de la sphère.

Elle se retourna ensuite vers Gadriel qui avait alors beaucoup de mal à tenir sur ses pieds. Elle lui demanda alors si tout allait bien.

- Tout va bien. Je ne suis juste pas habitué à ce genre d’activités.

- Tu sais, tu devrais t’amuser un peu plus au lieu de passer tout ton temps à te cultiver. C’est ce que font généralement les enfants de ton âge.

- C’est toujours mieux de s’instruire que de s’adonner à quelque chose d’aussi dangereux.

- Il n’y avait rien de dangereux dans ce manège. Si tu n’as pas gardé tes yeux fermés durant l’ascension et la descente, tu aurais remarqué les anneaux d’attraction qui assuraient notre sécurité. En plus, l’un n’exclut pas l’autre, tu sais ?

- Je préfère garder mes pieds sur terre.

- C’est toi qui vois. Je pense qu’il…

À ce moment, la jeune fille reçut un message sur son bracelet électronique, ce qui la mit dans une profonde colère après avoir lu son contenu.

- Bande d’incapables ! s’exclama-t-elle brusquement, attirant l’attention de nombreuses personnes sur elle et surprenant également Gadriel.

- Est-ce que tout va bien, Jessabiel ?

La jeune fille ignora complètement la question de Gadriel et se mit à insulter une personne à travers son bracelet avant de lui dire de régler le merdier qu’elle avait causé. Une fois de plus, le jeune garçon se retrouva en face d’une autre version de Jessabiel, une version qui le mettait très mal à l’aise.

Deux minutes plus tard, Jessabiel arrêta de hurler, mais continua de dénigrer la personne avec qui elle avait été en communication. Gadriel profita alors de cette occasion pour lui demander si tout allait bien.

- Non, ça ne va absolument pas ! Et non, j’ai pas envie d’en discuter avec toi, répondit-elle agressivement. J’arrive pas à croire qu’ils aient laissé une chose pareille se produire.

- Jessabiel, où est-ce que tu vas ?

- Me changer les idées, encore. Tu peux soit venir avec moi, soit rentrer chez toi, dit-elle en s’éloignant.

Gadriel avait désormais le choix et il choisit de partir avec elle. Certes, elle était de très mauvaise humeur, mais c’était toujours mieux que de rentrer chez soi et passer le rester de la nuit à pleurer en espérant son retour. Le choix du jeune garçon fut vite fait et il suivit une fois de plus Jessabiel.

-----*-----

Cela faisait plusieurs dizaines de minutes que la nuit était tombée. Gadriel et Jessabiel étaient toujours dehors, traînant dans les rues de leur bourgade. Malgré certains moments très riches en émotions, le jeune garçon avait énormément apprécié la compagnie de son amie pour qui il avait des sentiments. Il en était certain, cette journée allait rester gravée à tout jamais dans sa mémoire. Un problème demeurait cependant. En effet, bien qu’il éprouvait des sentiments pour la jeune fille, il n’était absolument pas sûr que ces derniers étaient réciproques. Parfois, elle agissait comme si c’était le cas, et à d’autres moments, elle se comportait s’il n’y avait rien entre eux. Il fallait qu’il en ait le coeur net.

- Jessabiel.

La jeune fille, qui à ce moment marchait devant lui, se retourna après avoir entendu son prénom. Elle se demanda alors ce qu’il voulait lui dire, mais ce dernier resta silencieux. Gadriel n’arrivait pas à lui avouer ses sentiments, se disant qu’elle se moquerait sans doute de lui. Il devait néanmoins dire quelque chose. Étant soudainement pris de panique, la seule chose qui sortit de sa bouche fut un « merci ».

- Et pourquoi ces remerciements ?

- Pour tout ce que tu as fait pour moi aujourd’hui. Quand tu m’as dit que tu allais engueuler l’agent des forces de l’ordre, j’ai d’abord cru que tu blaguais. Mais tu l’as vraiment fait…

- Il le méritait amplement. Traiter les gens de « gamine », mais quel toupet !

Le jeune garçon esquissa un léger sourire devant les propos de Jessabiel avant de continuer en lui disant qu’il avait apprécié tout ce qu’elle avait fait pour lui durant la journée.

- Ça faisait longtemps que je n’avais pas passé une journée aussi agréable.

- Sans souci, on remet ça quand tu veux.

- Merci beaucoup. Mais la prochaine fois, évitons les manèges. C’est beaucoup trop pour moi.

- Tu exagères, Gadriel. Bref, peu importe. Ça m’a aussi fait ri…plaisir de passer la journée avec toi, dit-elle en arborant un sourire ravageur. Rentrons chez nous, il commence à se faire tard.

Alors qu’elle s’éloignait de lui, Gadriel se rendit compte qu’il venait à nouveau de perdre l’occasion de tout lui dire. Pourquoi les mots avaient-ils refusé de sortir de sa bouche ? Peu importe la cause, le jeune garçon ne perdait pas espoir. Ils allaient se revoir le jour suivant et il aurait donc une nouvelle opportunité pour lui avouer ce qu’il ressentait.

Après une dizaine de minutes de marche, les deux passèrent devant un parc, celui que Gadriel avait vu dans son rêve. Il ne put alors pas s’empêcher de jeter un coup d’oeil à l’arbre sous lequel Jessabiel et lui s’étaient assis avant de faire de même avec l’horizon. Cette étrange brume noire avait tout détruit autour de lui, ne laissant rien d’autre que lui et cette mystérieuse voix. Parce qu’il n’avait aucune idée de ce que tout cela signifiait, il se dit qu’il poserait la question à Eve lorsqu’il serait chez lui, si tant est qu’elle veuille bien lui adresser la parole. De son côté, Jessabiel remarqua l’air préoccupé de Gadriel et lui demanda donc ce à quoi il pensait.

- Rien d’important. Je pensais juste à un cauchemar que j’ai fait la nuit dernière.

- Un cauchemar ? Et qu’est-ce que tu as vu exactement ?

- J’étais poursuivi par une étrange brume noire qui réduisait tout en cendres et m’appelait constamment, répondit-il.

- Une brume noire qui parle. Drôle de cauchemar, quoique l’on ne contrôle pas vraiment ce qu’on voit dans nos rêves. Il paraît qu’ils sont le reflet de nos désirs et préoccupations, des envies que nous cachons au plus profond de nous. Peut-être qu’inconsciemment, tu as envie de tout détruire autour de toi.

- Je ne sais pas vraiment. C’est pour ça que je compte demander à Eve si elle a une idée de ce que ça peut signifier.

- Excellente initiative. Elle sera sans doute en mesure de t’aider.

L’heure de la séparation était désormais arrivée pour Gadriel et Jessabiel. Pour l’un c’était un moment très anodin, tandis que pour l’autre cela signifiait un retour à une triste réalité.

- Jessa…

Le jeune garçon n’eut même pas le temps de débuter sa phrase que Jessabiel l’embrassa soudainement sur la joue. Surpris par ce geste, Gadriel recula de quelques pas, son visage était désormais légèrement rouge. Il lui demanda immédiatement après pourquoi elle avait fait ça, ce à quoi elle répondit que c’était pour le remercier pour la journée qu’il avait passe ensemble.

- Mais je n’ai rien fait de spécial pour mériter ça.

- Bien sûr que si. Tu l’as amplement mérité, Gadriel. Tu es resté avec moi toute la journée malgré mes sautes d’humeur, dit-elle avec le sourire.

Gadriel était vraiment confus et se demandait si elle l’avait vraiment embrassé en guise de remerciement ou si c’était sa façon à elle de lui avouer de ses sentiments. S’il s’agissait de ce dernier, est-ce que cela signifiait qu’ils sortaient désormais ensemble ? Si oui, alors cela faisait d’elle sa petite-amie ou un truc du genre. Et si son geste était réellement une preuve d’amitié et qu’il n’y avait aucun autre motif derrière ? Et si elle le considérait vraiment comme un simple ami ? Cela lui ferait beaucoup de mal si c’était le cas. Certes, leur amitié serait toujours intacte, mais ce ne serait pas ce qu’il désire vraiment. L’esprit du jeune garçon était rempli de questions qui nécessitaient des réponses.

Il n’eut malheureusement pas le temps de poser la moindre interrogation, Jessabiel venant de lui souhaiter de passer une bonne soirée. Tandis qu’il la regardait s’éloigner, Gadriel ne trouva pas le courage nécessaire pour la retenir et clarifier leur situation. Tout ce qu’il put faire était de la regarder disparaître progressivement au loin.

-----*-----

Sur le chemin le conduisant chez lui, Gadriel ne pouvait s’empêcher de penser à ce qui s’était passé quelques minutes auparavant. Il se repassait la scène encore et encore, et il ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait décidé de l’embrasser. Certes, ils étaient amis et ils avaient passé toute la journée ensemble, mais à ses yeux, cela ne justifiait en aucun cas son geste. Il devait forcément y avoir une intention particulière derrière. Oui, Jessabiel n’agissait jamais spontanément, ce n’était pas dans son genre. Ou peut-être pas.

En se remémorant tous les évènements de la journée, Gadriel se rendit compte que la jeune fille avait agi de façon spontanée à de nombreuses reprises. Néanmoins, chaque fois qu’elle l’avait fait, il y avait toujours eu un déclencheur. L’agent des forces de l’ordre et la soudaine communication qu’elle avait reçue, ils avaient été la cause de son étrange comportement. Par conséquent, cela avait également été la même chose avec le bisou. Quelque chose avait poussé Jessabiel à agir de la sorte et cette chose était lui. Il n’avait rien fait de spécial et avait reçu un bisou sur la joue. C’était bien donc une preuve d’amitié.

Mais pourquoi un bisou sur la joue ?! Elle ne l’avait jamais fait auparavant, donc pourquoi aujourd’hui ? En plus, de simples remerciements auraient été amplement suffisants. Qu’est-ce qu’elle voulait vraiment dire avec ce bisou ? Gadriel devait en avoir le coeur net. Il prit alors la décision de lui poser la question lorsqu’ils se reverraient le jour suivant. Et cette fois-ci, il se promit également de ne pas se dégonfler.

Alors que Gadriel se trouvait à moins d’une centaine de mètres de son domicile, il remarqua que ce dernier était complètement plongé dans le noir. Bien évidemment, il trouva cela très étrange du fait que cela ne s’était jamais produit auparavant. Le jeune garçon se demanda si cela n’était pas l’oeuvre d’Eve, une façon à elle de lui faire comprendre que la façon dont il s’était adresse à elle n’était pas correcte. Si cela était bel et bien le cas, alors ça voulait dire que ses excuses n’avaient eu aucun effet sur elle et qu’il devrait fournir un plus grand effort afin de se faire pardonner.

Gadriel pensait donc à ce qu’il allait pouvoir lui dire tout en manquant de remarquer que la rue dans laquelle il évoluait était complètement déserte. Lorsqu’il franchit la porte de son domicile, le jeune garçon appela la femme numérique, mais n’obtint aucune réponse de sa part.

- Eve, je sais que tu es toujours fâchée contre moi et je pensais qu’après les excuses de ce matin, ce ne serait plus le cas, mais il semblerait que je me sois trompé. Honnêtement, je ne sais pas quoi dire et pourtant j’y ai réfléchi. J’ai conscience que ce que je t’ai dit hier n’était pas correct surtout après tout ce que tu as fait pour moi. Je…

À ce moment précis, un bruit sourd retentit dans la salle à manger, interrompant le jeune garçon et le surprenant par la même occasion. Pris de peur, il demanda instinctivement à Eve si c’était elle qui venait de produire ce son. Il n’obtient cependant aucune réponse, ce qui ne le rassura guère. Gadriel essaya d’allumer manuellement la lumière, mais rien ne marchait. C’était comme si toute la maison était privée d’énergie. Il décida donc d’utiliser l’écran de son bracelet comme source lumineuse, attrapa quelque chose pour se défendre ; une sculpture se trouvant sur un meuble ; puis se dirigea vers l’origine du bruit. À mesure que le jeune garçon s’en approchait et plus son rythme cardiaque s’accélérait. Il ne savait absolument pas ce qui l’attendait, mais était prêt à courir au moindre signe de danger.

- Il y a quelqu’un ?! s’exclama Gadriel au moment où il arriva dans la salle à manger.

Juste après avoir prononcé ces quelques mots, le jeune garçon se demanda pourquoi il s’était exprimé. Si quelqu’un d’autre se trouvait vraiment dans son domicile, il ne lui répondrait pas. Pire, en demandant s’il y avait quelqu’un, il avait dévoilé sa position. Peu de temps après, il entendit à nouveau du bruit, provenant cette fois-ci de derrière le plan de travail. Ce ne fut cependant pas la seule chose qu’il ouït et remarqua. En effet, il y avait également d’étranges sons comme si une personne agonisait en plus d’une drôle d’odeur de viande brûlée.

- Qui est là ? Montrez-vous… Les forces de l’ordre ne vont pas tarder à arriver, rétorqua de nouveau Gadriel, complètement paniqué.

- Ga…Gadriel.

Gadriel était désormais certain qu’une autre personne se trouvait dans sa maison, une personne dont la voix lui semblait familière. Il s’approcha doucement de l’endroit où cet individu était localisé, mais s’arrêta brusquement lorsque son pied entra en contact avec un étrange liquide rougeâtre qui jonchait le sol. Alors que son regard était dirigé vers sa provenance, il aperçut la main d’une personne, sûrement celle qui venait de l’appeler.

Quand le jeune garçon s’approcha un peu plus pour voir de qui il s’agissait, ses yeux s’écarquillèrent d’horreur et il lâcha l’objet qu’il tenait dans sa main. Gadriel se mit alors à pleurer tandis qu’il avait encore beaucoup de mal à concevoir ce qu’il avait devant lui.

- M…M…M…Mère.

La personne qui se trouvait en face de Gadriel n’était nulle autre que la femme qu’il tentait désespérément de retrouver depuis de nombreux jours. Cependant, il n’aurait jamais imaginé que leurs retrouvailles se dérouleraient dans de telles conditions, et ce même dans ses pires cauchemars. En effet, Arya était totalement méconnaissable. Son corps était brûlé à divers endroits dont la moitié de son visage et elle avait un énorme trou au niveau du ventre, trou duquel s’échappait le liquide dans lequel il marchait.

- Eve ! Eve, appelle les secours ! Eve ! s’exclama le jeune garçon tout en se précipitant vers sa mère. Ne vous en faites pas, Mère, les secours vont vite arriver. Eve !

Il n’y eut aucune réponse de la part de la jeune femme numérique. Gadriel essaya alors de les contacter en utilisant son bracelet, le tout en faisant en sorte que sa Mère reste consciente, mais il fut dans l’incapacité d’établir le moindre contact avec le monde extérieur. Son appareil de communication semblait ne pas fonctionner. Le jeune garçon n’eut nul autre choix que de crier « à l’aide ! » et d’espérer qu’un de ses voisins l’entende et vienne à leur secours.

- Ga…dri…

- Oui, Mère ! Je suis là, Mère ! rétorqua le jeune garçon en saisissant sa main.

- Ils…arri…vent…

- Qui arrive, Mère ?! Ceux qui vous ont fait ça ?!

- Fuis…et…trou…ves…ton…père.

Gadriel ne comprenait pas où elle voulait en venir. Pourquoi lui demandait-elle de retrouver son père ? Il ne savait pas même pas qui il était ni même où le trouver. Se pourrait-il qu’elle connaisse son identité et l’endroit où il était ? Le jeune garçon était confus. Néanmoins, il ne pouvait pas penser à ça à ce moment. Il devait d’abord trouver de l’aide. Il ne pouvait pas la perdre comme ça, pas après avoir attendu aussi longtemps pour la revoir.

- Je…t'ai…me…Ga…dri…, rétorqua Arya une toute dernière fois avant de fermer doucement les yeux.

- Mère ! Mère ! Les secours vont bientôt arriver. Je vous en prie, ne me laissez pas, dit-il, les yeux remplis de larmes.

Tandis qu’Arya lâchait son dernier souffle, Gadriel continuait de l’appeler, espérant que cette dernière ouvre à nouveau les yeux. Mais après quelques secondes, il finit par se rendre compte que l’inévitable s’était produit : sa mère s’en était allée dans ses bras. Le jeune garçon versa toutes les larmes de son corps et continuait de crier à l’aide, espérant que, quelque part, quelqu’un serait en mesure de la ramener à la vie. Au même moment, il étendit des bruits de pas dans le séjour, quelqu’un d’autre était dans son domicile.

- Aidez-moi ! S'il vous plaît, je vous en supplie, s’exclama Gadriel, pensant qu'il s'agissait des secours.

Un groupe d’hommes masqués, armés, et vêtus de noir entra dans la pièce et trouva le jeune garçon assis sur le sol, sa mère décédée dans les bras. Gadriel leur demanda une fois de plus de les aider, mais ceux-ci restèrent sur leur position. L’un d’entre eux rentra ensuite en contact avec une personne qu’il appela « Madame » et lui dit que la cible était sans vie. Le jeune garçon comprit à cet instant qu’il ne s’agissait pas des secours, mais des personnes dont Arya avait fait mention et malheureusement pour lui, il n’avait aucun moyen de s’enfuir.

- Et on fait quoi de l’enfant ?… Bien reçu, Madame.

L’homme s’approcha de Gadriel et, sans prévenir, le frappa violemment au visage avec la crosse de son arme, ce qui fit en sorte que le jeune garçon perde connaissance. Ils s’emparèrent ensuite de lui et quittèrent le domicile, laissant derrière eux le corps sans vie d’Arya.

A suivre !!!

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