L'envol

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La tour était haute, limineuse, imposante. Son regard dans le vide ne présageait rien de bon. Hotaru savait qu'elle n'avait plus le choix, elle devait sauter. Le pas de course qu'elle entendait au loin sur la dalle se rapprochait indéniablement. Elle prit une profonde inspiration. C'était la première fois qu'elle sauterait d'aussi haut sans être assurée. Elle expira puis sauta. Les bras collés au corps, inspire. Les jambes serrées, expire. Compte jusqu'à dix, inspire. Chante la prière de l'Eole, expire. Elle se transforma enfin. Des ailes blanches majestueuses sortirent de son dos. Les entraînements avaient enfin payés. Elle ajusta son vol tant bien que mal et traversa l'entremèlement de ponts aériens qui surplombait Dagos, la capitale. Le soleil brillait haut dans le ciel bleu et faisait miroiter les toitures de verres typiques de la cité de verre. Elle devait faire vite et rejoindre les troupes à la bordure ouest où son frère Ryo l'attendait. A l'annonce de la mort de feu l'Empereur, ils avaient été traqués par les opposants de l'Empire laissant la cité à feu et à sang. Hotaru devait désormais porter le fardeau de son père et protéger son peuple des ailes noires qui gangrénaient le royaume. Mais elle était encore jeune, et son frère bien plus. Elle arriva enfin à destination. Ryo lui sauta dans les bras :

- Hota, tu t'es transformée !

- Oui Ryo, j'y suis parvenue. Où est le capitaine Kenji ?

- Je suis là votre Majesté. Il faut partir au plus vite. La ville a été prise. Nous devons nous rendre en Yagos chez votre oncle pour vous protéger.

- C'est impossible Capitaine. Il faut les prendre de court en contre-attaquant. Ils s'attendent à ce que nous fuyons.

- Votre Majesté, je comprends mais il va falloir patienter avant de pouvoir reprendre la ville. Nos troupes ont été surprises par leurs attaques et leur nombre. Les ailes noires ont enrôlé bien trop de recrues.

- Comment cela est-il possible ? Comment n'avez vous pas pris la mesure de cet organisation ?

- Je suis navré votre Altesse.

Hotaru était rouge de colère. Elle se sentait trahie. Trahie par son père qui n'avait pas fini de la former. Par son peuple qui l'avait chassée de ses terres. Par son armée qui n'avait pas su protéger la ville. Elle n'avait pas le temps d'attendre de grandir pour récupérer son dû. Alors qu'elle réfléchissait à une stratégie, son petit frère dormait profondément dans la cariole qui les transportait en Yagos, le royaume de son oncle. Après plusieurs semaines de voyage, elle se décida. Elle lancerait le défi du Triumphus au chef des ailes noires. Et pour cela, elle devait se préparer.

                     ***

Cela faisait maintenant deux ans qu'Hotaru et Ryo vivaient en Yagos. Le royaume d'Ertios était désormais sous le joug d'un gouvernement tenu par les ailes noires. D'après les lettres clandestines qu'elle recevait de ses fidèles restés sur place, Hotaru imaginait la capitale croulant sous les dettes et la corruption. Elle avait enfin l'âge de se présenter à la porte de la ville pour réclamer le Triumphus. Elle avait mûri son plan pendant deux longues années, s'entraînant chaque jour. Son oncle avait compris très rapidement ses intentions. Et il s'était bien gardé de l'en empêcher. Elle devait reprendre son royaume et si elle gagnait le Triumphus, elle s'assurerait le respect de son peuple et de ses ancêtres. Il était temps. Depuis peu, il avait remarqué de larges colorations bleutés sur les ailes d'Hotaru. Signe qu'elle portait en elle la marque sacrée des Grands Empereurs. Elle devait ceindre la couronne avant la coloration totale sans quoi, elle mourrait. Elle était vouée à un grand destin et il n'avait aucun doute qu'elle serait celle qui réunirait le Yagos et l'Ertios une fois qu'il serait passé dans l'autre monde. Mais gagner le Triumphus ne serait pas chose aisée. Yaiko fit demander sa nièce dans son bureau un beau matin du temps des cerises. Assise sur une chaise richement sculptée, elle regardait le dos courbé de son oncle. Ses longs cheveux blancs tenus par un ruban d'or caraissaient une tunique brodée de soie bleue. Il regardait par le croisée de la pièce.

- Mon enfant, il est temps que tu partes.

- Pardonnez moi mon oncle, ai-je mal agi ?

Il se retourna et lui offrit un sourire doux et engageant.

- Point du tout ma très chère. Il est temps pour toi de regagner ton royaume. Je sais que tu t'entraînes pour le Triumphus. Tu es prête désormais.

Il s'approcha d'une armoire blanche dont il ouvrit les portes. Il se munit d'une paire de gants de cuir noir et à l'intérieur, il prit une magnifique épée qu'il tendit à Hotaru. Lorsque sa main se posa sur la garde, l'épée se mit à luire d'une teinte bleue. Surprise, elle regarda son oncle l'air perplexe.

- Cette épée ne peut être tenue que par les Grands Empereurs aux ailes bleues. Elle t'aidera à gagner le défi.

- Les Grands Empereurs aux ailes bleues ne sont qu'une légende !

- En es-tu certaine mon enfant ?

Alors qu'il posait la question, son regard guida celui d'Hotaru vers le miroir. Et c'est là qu'elle les vit luire aussi. Les tâches bleues sur ses ailes.

- Il est temps pour toi de partir. Ton destin est grand.

Elle avait un millier de questions à poser mais son oncle mit fin à la conversation en la reconduisant hors du bureau.

                     ***

Après des adieux larmoyants, elle laissa Ryo au palais et pris la route accompagnée d'une délégation. Le Capitaine Kenji était de la partie. Le voyage fut long avant d'arriver sur le territoir qu'ils avaient quitté deux ans plus tôt. Les terres étaient désolées. La nature ne verdoyait plus et les rares villages n'étaient que tas de ruines. Le roi Fijey n'avait pas aider le peuple à se relever. Sa colère faisait rage en elle mais elle n'en montrait rien. Ils montèrent le camp à quelques kilomètres de la cité et elle fit envoyer un messager. Il revint 5 jours plus tard. Il lui manquait un oeil. Il tremblait de tout son corps lorsqu'il tendit la réponse tant attendue.

" Le Roi Fijey accepte de rencontrer l'Impératrice déchue"

- Je vais l'occire moi-même !

- Calmez-vous Capitaine. Cet idiot ne se sent pas menacé. Voilà ce que cela dit. Il pense pouvoir m'humilier.

                     ***

Hotaru se rendit à la cité de verre accompagnée de sa délégation. Arrivée devant la Grand Porte, ils s'annoncèrent. La porte leur fut ouverte et ils traversèrent la cité détruite. Même la tour du palais faisait montre d'une grande négligence. Elle repensa à son père. Au saut qui lui permit de survivre et fut à l'origine de son premier envol. Aurait-il été fier ? Ils arrivèrent enfin aux portes du palais. La foule commençait à s'accumuler. Très vite les habitants reconnurent Hotaru et vinrent s'agglutiner autour d'elle. Elle entendait leurs plaintes dans ces mains qui la touchaient et elle lisait leur espoir dans ces regards qui croisaient le sien. Elle se hissa plus haut sur son cheval et pris son envol. A peine plus haut que les têtes relevées qui s'exclamaient, elle proclame :

- Je viens ici pour réclamer le Triumphus au Roi Fijey ! Que la ville soit mise au courant ! Si le Roi refuse le défi, alors il sera indigne de porter la couronne !

Elle se retourna devant les gardes postés devant la Grand Porte et leur ordonna d'aller transmettre son message au Roi. Ce qu'ils firent sans se faire prier.

Les portes s'ouvrirent sur une grande esplanade qui autrefois accueillaient les habitants pour les festivités en l'honneur de la nature naissante. Le temps que le message soit transmis en haut lieu, les citadins avaient eux aussi diffuser la nouvelle ameutant ainsi tous ceux et toutes celles qui se trouvaient alentours. Quand le Roi accueillit Hotaru, la foule avait envahie l'esplanade. Grand, mince et le visage couvert de cicatrices, Fijey avait l'oeil vif.

- On me dit que tu réclames le Triumphus ?

- Tu es bien renseigné Roi Fijey.

- Et qu'est-ce qui te donne le droit de le réclamer ? Tu n'es dirigeante d'aucun royaume.

- Par mon droit de naissance et par ceci !

Elle déploya ses ailes dont les tâches bleutées s'étaient élargies durant ce mois de voyage.

- Des tâches bleues ? Crois tu vraiment que cela m'impressionne ?

- Je suis de la lignée des Grands Empereurs et ....

- Pfff ! Sans l'épée, ce ne sont que des ailes bleues.

Il ricana avec mépris juste avant qu'elle ne sorte l'épée. Alors ses ailes se mirent à luire à l'unissons avec l'épée. Il ne pouvait plus reculer. Elle venait d'offir au peuple une raison d'espérer et de se rebeller. Il devait relever le défi. Et il lui fallait trouver un moyen de gagner.

- Soit, je relève le défi. Je te rencontrerai dans 3 lunes ici même.

                     ***

- Monseigneur ...

- Quoi Daishiko !?

- Pardonnez moi de vous déranger pendant que vous vous détendez mais les conseillers sont inquiets.

- Pourquoi donc ?

- Le Triumphus est un défi à mort interdit depuis presque 100 ans et ...

- ET QUOI !!!!?

Le roi sortit de son bain et se précipita sur Daishiko pour la rouer de coups. C'était sans compter sur l'eau savonneuse qui lui offrit une belle glissade, le ridiculisant devant sa Première Conseillère. Elle allait s'enfuir quand il lui hurla de rester ici. Elle se statufia, elle savait ce qui allait suivre. Il se releva et fou de rage il la gifla avec une telle force qu'elle tomba au sol. Les yeux rouges, il la battit jusqu'à ce qu'il soit calme. Quand il eut fini, il la laissa aux soins des domestiques et partit dans sa chambre. Il connaissait ce défi. Trois épreuves. Une épreuve de savoir, une épreuve physique et la dernière épreuve était celle du sacrifice suprême. Seul celui qui était prêt à mourir pour son peuple méritait de le gouverner. Le Triumphus n'avait été créer que pour les dirigeants de ce monde. Il était utilisé pour remplacer les guerres. Mais les abus ont eu raison de ce défi. Les tricheurs et les manipulateurs avaient déshonnoré le Triumphus. Il n'était pas prêt.

                     ***

Le Sage de Dagos avait été désigné Dignitaire des épreuves, c'était à lui que revenait l'arbitrage du Triumphus.

Ainsi, le premier jour, Hotaru et Fijey réussirent tous deux l'épreuve du savoir. Elle consistait à réciter dans l'ordre et dans la langue des anciens, les noms de tous les empereurs du royaume du siècle dernier. Fijey mit bien plus de temps à les réciter puisqu'il les disait au fur et à mesure que sa magicienne les lui soufflait par téléphatie alors qu'elle les lisait dans la bibibliothèque interdite.

Au deuxième jour, lors de l'épreuve physique, chacun des participants devait porter trois fois son poids sur ses épaules et réaliser un parcours périlleux. Il fallait tantôt marcher dans le tumulte d'une rivière, tantôt sauter d'un rondin de bois à un autre ou encore courir sur des cendres encore brûlantes. Hotaru rencontra plusieurs difficultés mais arriva au bout de son épreuve. La potion d'endurance qu'avait bu le roi avait fait son effet et il réalisa le parcours avec légèreté.

Quand vint enfin le troisième jour et la dernière épreuve, le Sage contrôla Hotaru et Fijey afin de vérifier qu'ils n'avaient pas fait usage de magie ou de potion arguant que le réglement avait été changé la veille de l'interdiction du Triumphus il y avait de cela plusieurs décennies.

Cette dernière épreuve était celle du sacrifice suprême. Tout le monde se rendit à la falaise des morts. Les participants étaient vêtus d'un uniforme de vol. Ils s'approchèrent du bord de la falaise. Leurs yeux furent bandés. Leurs mains attachées par magie de telle sorte qu'ils ne pouvaient retirer leur bandeau. Hotaru s'était particulièrement préparée pour celle là. Fendre l'air et déployer ses ailes au dernier moment pour ne pas se crasher. Seulement, elle repérait toujours les lieux de sauts pour ses entrainements. Là, elle devait se fier uniquement à son instinct et ses souvenirs d'enfance.

"Vois-tu ma fille, c'est ici que ton illustre ancêtre à prouver sa loyauté à son peuple"

Son père lui avait raconté tant de fois les légendes. A cette époque, elle regardait tout en bas et le fond lui paraissait tellement loin. Elle allait devoir se faire confiance.

Un coup de fusil retentit. Elle expira puis sauta. Les bras collés au corps, inspire. Les jambes serrées, expire. Compte jusqu'à dix, inspire. Chante la prière de l'Eole, expire. Il respira consciemment. Son corps ne faisait plus qu'un avec l'air qui l'enveloppait. Insire, expire. Elle entra dans un état méditatif et elle fût surprise de constater qu'elle "voyait" à travers ses paupières. Le décor se dessinait sous des traits de crayon peu distincts. Elle se laissa envahir et quand elle vit le sol arriver vers elle, elle attendit le dernier moment pour déployer ses ailes. Alors qu'elle posait ses pieds, les liens magiques se défirent et elle enleva le bandeau. Elle chercha Fijey des yeux et ne le vit pas. Perplexe, elle prit une puissante implusion et remonta comme une flêche. Arrivée en haut de la falaise, elle surplombait un peuple qui l'acclama en la voyant. Ses ailes déployées vibraient d'un bleu lumineux en même temps que la couronne sur sa tête. Cette dernière s'était évaporée de la tête de Fijey lorsqu'il avait tenté de fuir. Elle porta la main à sa tête et comprit. La couronne était venue à elle durant le saut et c'est elle qui l'avait aide.

Tous acclamèrent la nouvelle Impératrice aux ailes bleues.

Elle s'approcha de Fijey qui était resté ligoté par le liens magiques.

- Tu n'es pas digne de servir mon peuple. Par respect pour lui, je le laisse choisir ta sentence.

Fijey se décomposa. Il se détourna pour voir venir vers lui des regards haineux. Plusieurs mains le poussèrent dans le vide. Il tenta de déployer ses ailes en vain.

FIN

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