Février 1916 - Camp retranché de Verdun  - Secteur Est.

Chère maman

S'il y avait un mot pour décrire l'enfer sur Terre, ce serait "Guerre". Quoi que... Mes connaissances chrétiennes m'amènent à croire que l'enfer de la Bible est mille fois pire que ces horreurs en continu, du moins par sa durée illimitée. Ici, il devrait normalement y avoir une fin, mais depuis le front cela me paraît totalement irréel... presque impossible....

J'ai longuement hésité à t'écrire cette lettre. Je craignais qu'elle ne te fasse plus de mal que de bien. J'avais peur que tu ne sois désespérée de savoir ton fils unique aux premières lignes d'une guerre sanglante. Puis, j'ai pensé qu'il me fallait le faire. C'était important... nécessaire... Peut-être allais-je mourir dans cette vallée en cuvette gorgée de sang. Peut-être que le temps qui me restait se décomptait en nombre d'heures... ou en minutes...

À l'écriture de ce courrier, je ne savais si je verrais le prochain jour se lever. Je ne pouvais donc pas partir et te laisser dans l'ignorance. Te laisser avec des questions sans réponses et des soupirs d'injustice à devoir porter jusqu'à ton dernier souffle. Non. En fils aimant, je ne pouvais décemment pas le faire.

Par cette première véritable correspondance entamée, le reste reçu n'étant que de simples cartes pour te préserver et te réconforter, j'ai choisi de te parler de mon quotidien en évitant les détails sordides qui de toute façon, ne rajouteraient rien d'utile ou de bon à ce journal.