Jessica

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1. Quelles étaient les objectifs de la politique extérieure de Bismack ?

Alice fixa la question comme si elle venait de voir un spectre surgir de sa feuille. Son stylo tapota nerveusement la table, d'un rythme agaçant pour ses voisins de table qui n'osèrent pas le lui reprocher au risque de se faire entendre par le professeur. Elle avait relu ses cours la veille et... Les avait-elle vraiment relu ? Ah oui, mais seulement l'unification de l'Allemagne, pas ce qui s'était passé après... Seigneur, qu'est-ce qu'ils en avaient à foutre de l'Allemagne ! Pourquoi fallait-il apprendre toutes ces dates et tous ces faits sur un pays qu'elle se fichait complètement !

Elle passa à la question suivante.

2. Quelles sont les causes réelles de la Première Guerre Mondiale ?

Immédiatement, Alice commença à écrire sa réponse. L'assassinat du duc François Ferdinand et son épouse en... En Autriche peut-être ? En Bosnie, ça lui rappelait plus quelque chose. Un sourire fier plaqué sur le visage, elle passa immédiatement à la question suivante.

3. Quel fut l’événement décisif qui marqua le début de la Première Guerre Mondial ?

Son sourire retomba aussitôt. Cette question sous entendait clairement que la réponse du dessus était la réponse de cette question. Alice poussa un soupir de découragement et s'avachit sur sa chaise. Pourtant, elle avait étudié la veille. Cinq heures elle y avait passé. Elle ne se rappelait plus bien ce qu'elle avait fait par la suite, tout était un peu flou, mais elle avait étudié, ça oui. Alors pourquoi Diable n'était-elle pas capable de répondre ?

Le professeur passa à côté et s'arrêta devant sa feuille vierge.

  • Un manque d'inspiration ?
  • C'est ça, oui, grimaça-t-elle.
  • Ça m'étonne de toi, Alice. D'ordinaire, tu aurais déjà répondu parfaitement à ces trois simples questions.

Alice releva la tête et planta ses yeux marrons dans le regard sévère du professeur d'histoire. La rage tordait ses traits, mêlés à un étrange sentiment de satisfaction.

  • Il faut croire que les gens changent, monsieur.

Un sourire traversa ses lèvres et l'homme en fut déstabilisé. Il releva un sourcil, puis passa son chemin. Son cœur s'emplit de joie. Elle reposa son stylo et demeura immobile devant la feuille d'examen toute l'heure. La peau qu'elle avait revêtit depuis des années, la peau d'une intello, d'une gentille fille studieuse et sage glissait enfin de ses épaules. Qu'ils voient le démon en elle, qu'ils arrêtent de la mélanger à tous ces ennuyeux élèves qui de leur vie ne faisait qu'étudier, qu'étudier et qu'étudier. Oui, Alice changeait, mais en mieux. En une fille intrépide, qui fait rire la classe avec ses réponses à côté de la plaque. C'était mieux ainsi. Elle aimait ça.

Alice fixa son sac avec un attrait qui ne pouvait être ignoré. Il lui restait deux cigarettes. Elle avait tenté de les économiser, en vain, il fallait toujours qu'elle en consume une dans la journée au risque de devenir folle. Dieu qu'elle aimait la sensation que lui donnait ces simples morceaux de papier. Elle en avait besoin, ne pouvait plus vivre sans. Elle avait l'impression de combler un vide trop longtemps ignoré. La fumée l'emplissait, l’enivrait, floutait son esprit trop tourmenté. En ce moment, elle se serait roulé par terre pour avoir le droit de fumer en classe. Brusquement, elle leva la main et interrompit le professeur dans sa ronde habituel.

  • Monsieur ?
  • Oui ?
  • Puis-je aller au toilette ? C'est urgent.

Il la dévisagea un moment puis acquiesça. Une lueur d'inquiétude brilla dans ses yeux gris mais elle disparut aussitôt quand il aperçut du coin de l’œil un papier glisser de la poche d'un élève. Alice s'empara de son sac et sortit sans écouter l'exclamation colérique du vieil homme. Elle traversa les couloirs silencieux en courant et s'enferma dans les toilettes. Le miroir fut la première chose qui refléta sa personne en entrant. Elle eut envie de frapper son poing contre pour briser cette image affreuse mais au lieu de ça, elle resta devant, le souffle coupé.

De longues cernes entouraient ses yeux sombres, violettes et creuses. Ses cheveux étaient rêches, décoiffés et sa mine était pire qu'un vampire en plein jour. Elle se mordit la lèvre inférieure et se retint de pleurer. Pour la première fois, elle regretta ses belles boucles brillantes qui faisaient la fierté de sa mère, avant qu'elle ne l'abandonne lâchement. Son père n'avait rien remarqué, mais ça ne saurait tarder. En plus des cernes, elle serait maculée de bleus. Splendide.

Une main frappa contre la porte avec force. Alice sursauta.

  • Et merde, marmonna-t-elle.

A contrecœur, elle déverrouilla le verrou et une fille de son âge, une frange noire barrant ses sourcils et un percing ornant son nez s'engouffra dans la pièce et lui lança un regard noir. Elle alla pour s'introduire dans une cabine quand une pensée la fit froncer des sourcils. Elle se tourna de nouveau vers Alice qui était restée pétrifiée tout le long. C'était Jessica, une amie de Sasha. Celle qui l'avait mené vers lui le premier jour. Celle-ci la reconnut également puisqu'un sourire presque machiavélique illumina son visage pâle.

  • Eh ! Mais tu ne serais pas la petite Laena ? Celle dont Sasha n'arrête pas de parler ?

Son cœur s'arrêta de battre. Comme ça « celle dont Sasha n'arrête pas de parler ? » Parce qu'il pensait à elle maintenant ?

  • Euh, oui, peut-être...

Son malaise la rendit euphorique.

  • Les gens n'arrêtent pas de parler de toi maintenant.

Ses yeux semblèrent la scanner de haut en bas, analysant le moindre indice suspect. Alice la trouva plutôt jolie. Ses yeux en amande se plissaient sous ses lèvres rieuses et sa peau paraissait aussi lisse que celle d'un nouveau né. Tous ses vêtements étaient noirs ou rouges, mais cela lui plaisait. Elle songea un instant à s'acheter de nouveau vêtement. Nouvelle personne, nouveau style, c'était évident. Ses gentilles jupes à carreau n'étaient plus faites pour elle.

  • Tu as changé dis-moi.
  • Tu te rappelles des cigarettes que m'a offert Sasha ?

Alice se maudit de parler sans réfléchir, mais c'était la seule chose qui la préoccupait vraiment en ce moment. Jessica ne sembla pas surprise de sa question. Comme si, quelque part, elle s'y attendait.

  • Oui. Tu en veux d'autres je suppose ?
  • Oh, je... enfin...

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre que la jeune fille laissa glisser son sac le long de son bras pour le jeter au sol et le fouiller avec véhémence. Elle se redressa avec un paquet logée dans sa main, un sourire plus grand encore que quelques secondes auparavant.

  • Tient. Tu me rembourseras dans les jours à venir.
  • Combien ?
  • Je les achète à la frontière, donc ils sont un peu moins cher. Je te raccourcis le prix, donc ça fera dix euros.

Alice se retint de demander pourquoi elle achetait de simples cigarettes à la frontière. Elle hocha la tête et s'empara du paquet tant désiré que lui tendait Jessica. Elle supposait qu'en Espagne, le prix était moins cher. Ou en Italie, elle n'avait pas précisé de quelle frontière elle parlait. Enfin, à quoi bon se poser ces genre de question si elle n'y connaissait rien ?

  • Je les ai là.
  • Ah eh bien passe les moi, comme ça c'est fait.

Ce fut au tour d'Alice de fouiller dans son sac et d'en ressortir un porte monnaie de marque, au cuir noir et la fermeture en argent. Jessica ne cacha pas son admiration. Les Laena étaient à la tête d'une grande entreprise, elle le savait, mais ça lui faisait toujours bizarre de voir ces genres de produits de luxe entre les mains d'une élève aux allures de zombie. Cela renforça son euphorie. Sasha serait fier d'elle lorsqu'elle lui raconterait son récit.

Alice lui tendit son billet de dix et Jessica s'empressa de s'en emparer. Elle hésita avant de rentrer dans la cabine puis finalement déclara :

  • Sasha donne une fête la semaine prochaine. Il compte sur toi. Je te passerai l'adresse par message.

Elle lui tourna le dos, ignorant les yeux écarquillés d'Alice. Une fête. Sa première fête.

La semaine allait être longue.


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