Tu viens danser ?

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Alice n'avait jamais consumé de drogue. Pour elle, c'était comme quelque chose d'inexistant, d'imaginaire, présent seulement dans les films ou les séries qu'elle ne regardait que très peu. Jamais elle ne se serait imaginé avancer son visage de cette poudre blanche et l'aspirer par le nez. Ça piquait, c'était étrange. Au début, rien, tout était normal, parfaitement normal. Tous les membres du groupe passèrent après elle successivement, poussant des cris d'exclamation et rigolant pour des choses vraiment absurdes mais terriblement drôles. Puis les effets commencèrent à se faire sentir. Elle eut l'impression de flotter sur un petit nuage, voir tout ce qui se passait de haut, tout en ayant l'impression d'y participer. Tout devint plus léger, plus facile. Rapidement, son esprit se brouilla et Alice se perdit entre les volutes de fumée de la fête. Plus rien n'avait d'importance. Tout ce qui se trouvait dehors, les études, l'argent, la société, tout ça se flouta, se mélangea, s'éparpilla un peu partout, sans savoir où.

Et ça faisait un putain de bien.

Finalement, l'alcool et le cannabis n'étaient rien à côté. Elle qui avait pensé qu'ils s'agissaient des meilleurs moyens pour s'oublier elle-même, elle s'était fourvoyée. Cette poudre blanche – sans savoir vraiment ce que c'était – était mille fois plus puissante. Et Alice en voulait plus. Encore plus. Plus pour ne plus se rendre compte de rien, plus pour divaguer dans le vide, plus pour vivre, vivre sans penser au futur ni au passé, vivre sans devoir faire des choix impossibles. Plus, parce qu'Alice devenait addicte.

Addicte à l'abîme profond qu'avait crée la drogue.

-Tu viens danser ? lui demanda une voix terriblement familière.

Alice cligna plusieurs fois des yeux sans pour autant reprendre conscience du monde extérieur. La seule chose nette qu'elle perçut fut le visage de Sasha et ses magnifiques yeux noirs. On pouvait s'y perdre à l'intérieur. Un grand sourire illumina son visage et elle répondit d'une voix légère :

-J'en meure d'envie.

Il l'attrapa pars la main et la mena vers l'amas bougeant de corps entassés. La musique martelait son crâne et elle y l'impression de s'y noyer, sans arriver à émerger. Sans vouloir y émerger. Les mains de Sasha se posèrent sur ses hanches et son corps se colla près du sien, si près, si près. Le boum boum incessant de la fête les incitèrent à danser sur le rythme, ensemble, comme s'ils ne formaient qu'un. C'était tellement grisant. Etre au centre d'une foule immense, se confondre au parfum capiteux et à la transpiration de la danse, suivre la musique comme si elle était le meilleur chemin à suivre, la seule bonne chose à faire. Le front de Sasha se colla contre le sien, les yeux fermés, les corps se mouvant mollement, l'esprit fuguant quelque part par là.

-Tu aimes mon monde ? chuchota-t-il, la voix étrangement suave.

Malgré le bruit assourdissant de la fête, elle l'entendit et son souffle se saccada. Elle se sentait si proche de lui, elle voulait se confondre en lui, partager son cœur, son air, sa peau.

-J'en suis folle, répondit-elle, enivrée par son odeur sucrée.

Puis entre la folie affluant dans ses veines, tous ces contacts charnels, ses mains sur ses hanches, leur oxygène partagé, ses yeux si noirs, ses lèvres si près, son visage si parfait, Alice n'y tint plus et écrasa ses lèvres contre les siennes. Il y eut comme un moment d'hésitation, de surprise puis Sasha lui répondit et lui vola un morceau de son cœur écorché. Elle sentit un goût amer emplir sa bouche, un goût d'alcool, d'addiction, mais Alice aimait ce goût. C'était quelque chose qui faisait parti d'elle à présent. Quelque chose qui la résumait. Et elle se perdit entièrement, et elle l'embrassa plus passionnément encore, et à chaque baiser, il lui arracha un morceau d'elle, un morceau de son âme, un morceau de sa misère.

Alice devint addicte à son corps, tout comme elle était addicte à la drogue et l'alcool. Elle devint addicte de son monde à lui. S'il restait un peu de raison en elle, alors elle s'envola en cet instant précis.

-Putain, Alice, gémit-il, fou de leurs ébats.

Sans savoir comment, il la plaqua contre un mur, même si elle ne se souvenait pas avoir vu un mur dans la foule dansante. Ses mains glissèrent sur son ventre, dans son dos, dans ses cheveux, si doux. Il en voulait plus. Il voulait la dévorer toute entière, l'entraîner avec lui et ne plus jamais la lâcher, plus jamais. Il voulait que chaque morceau d'elle lui appartienne. Elle fut sa drogue, et ils devinrent chacun addict de l'autre.

De ce qui suivit, Alice ne s'en souvint plus. Il y avait comme des flashs dans sa tête, seuls trace de leur première nuit ensemble. Les draps sous leurs peaux confondus, ses lèvres parcourant chaque pore de sa peau, cette lumière douce et chaude qui les entourait. Tout le reste n'était que souvenir perdu dans un monde imaginaire. Tout le reste n'avait pas d'importance.

Ce soir-là, il n'y avait que

Elle et lui,

Lui et elle.

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