Le labo secret

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Trekker était appuyé sur la console de commande, réfléchissant à toute vitesse. Pour sa première fois en tant que dirigeant du stage de survie des scouts, il fallait qu’un problème de cette taille survienne.

— Nous ne pouvons pas stopper le stage, finit-il par lancer. Cela compliquerait trop les choses.

— Mais la vie des scouts est potentiellement en danger ! répliqua Mélissandra. Ce type est capable de tenir tête à des agents de sécurité comme Karine et il semblait en vouloir à la petite Galata !

— Dans ce cas, c’est l’affaire des Rangers, décréta Trekker. Je vais aller moi-même trouver cet individu, quitte à explorer la planète entière. En attendant, je veux que ton équipe aille sur le terrain pour surveiller les scouts durant leur exercice. Il faut deux agents par recrue.

— Mais est-ce vraiment prudent ? N’allons-nous pas perturber leur exercice ?

Trekker la regarda droit dans les yeux, toujours avec son maintien rigide et froid.

— Les agents de sécurité d’Alkor ne sont-ils pas réputés pour leurs aptitudes à la discrétion ?

— Toujours à avoir le dernier mot, soupira Mélissandra. Tu ne changeras jamais… Très bien, j’envoie mes équipes sur le terrain pour surveiller tes scouts. Mais je te préviens : n’impose pas la responsabilité à mes hommes de ce qui peut se passer là-bas !

— J’en prendrais moi-même la responsabilité. N’aie de crainte là-dessus.

— Je peux au moins te louer cette vertu, admit la jeune femme. Tu es un homme de parole.

— Toujours !

— Par contre, ce n’est pas la modestie qui t’étouffe.

— Je suis conscient de mes qualités et de mes défauts. Je sais qui je suis et ce que je vaux. Cela m’a valu du temps mais au moins je connais mes limites.

— Mouais… reste quand même prudent avec cet agresseur.

— Tu t’inquiètes encore pour moi ? s’étonna Trekker. J’en suis flatté.

Mélissandra le fusilla du regard avant de répliquer :

— Ne te méprends pas ! Mes inquiétudes sont purement professionnelles. Dois-je te rappeler que notre relation est terminée ?

— Oh que non, je m’en rappelle fort bien…

Un silence pesant s’installa dans la salle. Les autres agents les regardaient, gênés par la scène.

— Je vais aller préparer mes équipes, déclara alors Mélissandra, rouge de confusion.

Trekker, lui, semblait rester impassible. Il la laissa s’en aller, son regard bloqué sur les fenêtres.

— Je pars à la recherche de cet individu, finit-il par dire. Je serai en silencieux, si vous me contactez, ne soyez pas étonné si je ne réponds pas.

Et il partit à l’opposé de la cheffe de la sécurité d’Alkor.

Cette dernière, se dirigeant vers le cantonnement de ses troupes, bouillonnait de rage.

Cet imbécile de Trekker… Toujours aussi condescendant ! Comment peut-il être un Ranger avec une attitude pareille ?

En passant vers l’infirmerie, elle entendit des éclats de voix qui venait de l’une des chambres, la faisant sortir de ses pensées. Elle reconnut celle de Karine qui y a été déposée pour être soignée.

— Remettez-vous au lit, jeune fille ! tempêta une voix forte.

— Non ! répliqua Karine. Laissez-moi sortir d’ici !

Mélissandra soupira et entra dans la chambre pour savoir ce qu’il se passait, bien qu’elle en eût déjà une forte idée.

— Quel est ce vacarme, Karine ? demanda-t-elle d’un ton autoritaire.

— Cette mégère m’empêche de retourner travailler ! cria Karine, sa tenue de patiente en lambeaux, dévoilant une partie de son corps couvert de contusions.

— Comment ? s’offusqua l’infirmière, une dame forte au visage cramoisi. Petite mal élevée !

— Karine, je t’ordonne de te calmer ! lança Mélissandra. Ton état ne te permet pas de retourner faire ton tour de garde. Tu as besoin de soins alors reste tranquille !

— Mais… ?

— C’est un ordre !

Karine soupira à la manière d’une petite fille capricieuse et s’enroula dans ses draps, boudeuse. L’infirmière eut un sourire satisfait et prit une seringue sur un plateau.

— Il va falloir vous administrer un calmant, dit-elle avec un réjouissement non dissimulé.

— Ah non ! répliqua Karine. Pas de piqûre, j’en suis allergique !

— Et moi aux petites impertinentes !

— Alors je vais vous provoquer une éruption cutanée dont vous vous souviendrez longtemps !

— J’en ai maté des plus coriaces, croyez-moi !

Voyant sa camarade se débattre farouchement, Mélissandra vint prêter main-forte à l’infirmière qui injecta la seringue dans la cuisse de Karine.

— Traîtresse ! Je… ooooh, gaaaaaaaah…

L’effet fut quasi immédiat. Karine s’endormie au grand soulagement des deux autres femmes.

— Nous voilà tranquille pour quelques heures, dit l’infirmière en s’essuyant le front. Quelle véritable teigne !

—Il faudra la surveiller de près, dit Mélissandra en la recouvrant de ses draps. Elle est capable de s’enfuir dès qu’elle en aura l’occasion.

— Ne vous inquiétez pas, je vais verrouiller la porte.

En partant, Mélissandra n’était pas tranquille. Mais sachant qu’elle s’était fait battre par cet inconnu, il valait mieux qu’elle reste alitée.

Les deux Rangers attendaient patiemment, près de la bouche d’égout, que le commandeur Rayzen les rejoignent. Encore une fois, ils étaient assignés à une mission dans les sous-sols de la ville, dans la crasse et l’odeur les plus immondes de l’univers en pleine nuit, un dimanche soir.

— J’en ai plus qu’assez de descendre en enfer ! se plaignit Kinay. Pourquoi c’est toujours nous ?

— Parce que les copains sont tous envoyés dans les missions les plus intéressantes et qu’on est les seuls clampins à rester ici… Et tais-toi, tu vas encore te faire surprendre par le commandeur !

— Ouais… il est toujours là dès qu’on parle de lui… genre tu prononces son nom et il apparait !

— En effet, dit la voix du commandeur dans leur dos.

Drey et Kinay eurent un sursaut, comme s’ils avaient reçu une décharge électrique dans le dos. Rayzen était derrière eux, s’équipant du masque respiratoire.

— Où est-ce qu’on va cette fois, commandeur ? demanda Drey, espérant détourner la conversation.

— On retourne au même endroit, répondit l’officier, impassible.

Kinay eut un visage dépité :

— On va encore devoir creuser ? Cette paroi est indestructible !

— Ce n’est pas une paroi, mais une porte cachée.

— Une porte cachée ? Mais comment… ?

— Je l’ai découvert par hasard après votre départ. J’ai pu aller assez loin mais j’ai été surpris par un déchargement d’eau qui m’a emporté jusqu’à la mer du quartier sud.

— Et vous avez survécu ? s’étonna Drey. Comme vous êtes fort, commandeur !

Ce dernier ne répondit pas, avançant dans la pénombre du couloir humide.

— Fayot…, souffla Kinay.

Le trio s’aventura un long moment. L’odeur de moisissure était toujours aussi forte, bien que mélangée à un parfum d’iode et d’eau salée.

Ils arrivèrent à l’embranchement où le commandeur était arrivé la dernière fois. La partie gauche était toujours remplie de gravats et ne semblait pas avoir subi la fureur de l’eau qui s’était déchainée sur lui.

Il y a quelque chose d’anormal, pensa-t-il. D’où est venu ce torrent ?

— On va passer par-là, déclara-t-il en montrant le tas de gravats.

— Et c’est parti pour creuser…, souffla Drey.

— Ça ne devrait pas trop poser de soucis, dit Kinay en examinant le sommet du tas. On dirait qu’il y a un passage par-là, en dégageant un peu on devrait pouvoir passer.

Ils gravirent les débris de béton, dégagèrent les morceaux accessibles pour se frayer un chemin et passèrent de l’autre côté. Le tunnel continuait encore comme une voie sans fin. Mais contrairement au reste derrière eux, les murs, le plafond et le sol étaient d’une grande propreté.

— L’endroit est entretenu donc il y a bien une activité humaine ici, conclut Rayzen. Nous touchons au but.

— Vous sentez ça ? demanda Drey en posant sa main sur le sol. Il y a comme une vibration à travers le béton…

— Des machines…

Le commandeur bondit en avant, suivit des deux Rangers. Après quelques minutes, ils arrivèrent à un cul de sac, où la seule sortie était une ouverture en hauteur accessible par une échelle en métal. Rayzen y monta sans attendre et passa à travers le trou béant.

La pièce suivante était très haute. Une lumière noire l’éclairait, faisant deviner les contours de grandes cuves en verre reliées entre elles par de longs tubes où coulait un liquide rendu fluo par l’ultraviolet.

Rayzen fit signer aux deux agents de rester silencieux. Il se plaqua contre la paroi et avança avec précaution. Il ne semblait y avoir personne. Il indiqua à Kinay de partir à l’opposé. Drey resta à sa place, attendant de voir si quelque chose allait se passer.

Pendant un moment, il n’entendit rien d’autre que le bourdonnement des machines. Il observait les cuves remplies de cet étrange liquide. Rien d’autre ne gisait à l’intérieur à part quelques bulles. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’il entendit Kinay émettre un son incompréhensible puis, dans un fracas assourdissant, il le vit voler à travers la pièce pour atterrir contre la paroi d’une cuve qui vola en éclat.

Alerté, Rayzen s’élança vers lui avant de se stopper net. Drey comprit alors pourquoi : un sans-lumière, d’une taille massif, se trouvait de l’autre côté de la pièce, la noirceur dont il était composé s’agitant comme des flammes sombres.

— Ranger Drey ! cria-t-il. Occupez-vous de lui pendant que je sors Kinay de là !

— Bien reçu !

Drey se posta devant l’affreuse créature qui tourna alors sa tête vers lui. On aurait dit un lion de la taille d’un éléphant, prêt à bondir.

Le Ranger n’attendit pas et lança son rayon de lumière dans sa direction mais cela n’eût pas l’effet escompté. Au lieu de désintégrer la forme démoniaque, le rayon ne fit que la repousser de quelques centimètres.

— Quoi ? Mais comment… ?

Rayzen lui-même ne comprit pas ce qu’il se passait. Même aussi volumineuse, la créature aurait dû disparaitre face à la lumière.

Drey recommença en y mettant plus de puissance. Le sans-lumière reçut l’attaque de plein fouet, le poussant contre le mur derrière lui. Toujours pas de désintégration, mais le démon fut bien plus impacté.

— Commandeur ! Je ne comprends pas…

— C’est impossible ! Insistez, Ranger Drey !

Il tenta de réveiller Kinay, encore inconscient. Celui-ci perdait un peu de sang au niveau de la tête.

Il fait peut-être une hémorragie interne… il faut l’emmener d’urgence à l’hôpital. Mais comment sortir d’ici face à ce monstre ?

Drey avait beau lancer ses rayons de lumière, la créature n’était que repoussée. Le Ranger commençait à sentir son pouvoir luminique diminuer, il ne tiendrait pas longtemps. Rayzen reposa doucement Kinay et se releva. Même s’il n’était sorti que depuis quelques heures de l’hôpital, il n’avait pas le choix que d’user de son pouvoir en cet instant.

Drey vit son supérieur s’avancer face à la créature en lui faisant signe d’arrêter.

— Commandeur ! Qu’est-ce que…

— Emmenez Kinay se faire soigner et appeler le capitaine Sanders en renfort ! Je vais m’occuper de lui…

— Mais…

— C’est un ordre, Ranger !

Drey savait que le commandeur ne pouvait utiliser son potentiel luminique comme les autres Rangers et que cela représentait un risque pour lui. Cependant, il se devait d’obéir. Il prit son camarade sur son épaule et sortit de la pièce. Une fois passée l’ouverture qui reliait la salle aux égouts, il entendit le rugissement de la créature puis un flash aveuglant se répandit jusque dans le tunnel avant un lourd silence.

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