Un souvenir.

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Boum boum boum …

D'impressionnantes secousses me tirent d'un sommeil profond. Je n'ai même pas le temps de me demander où je suis qu'un vase en terre cuite s'écrase sur mon torse et explose en une multitude de morceaux. Je me lève rapidement de ce qui s'avère être un lit alors qu'une vieille paire de ski manque de m'éventrer. Les tremblements sont tellement puissants qu'ils me font décoller du sol. J'atterris sur le ventre avec une telle violence que cela coupe ma respiration. A peine ai-je le temps de reprendre mes esprits que je glisse, la maison semble tomber dans un précipice. Ne trouvant pas de prise solide, je dégringole et mon crâne est à un cheveu de se fracasser contre le foyer de la cheminée, encore crépitante. La chute me paraît interminable, et pourtant je ne remarque pas de variation de lumière à travers la fenêtre. Est-ce un séisme ? La réponse devra attendre car je me sens plonger vers le côté opposé. Cette fois, je n'ai pas autant de chance que tout à l'heure. Je vois les braises rouler dans ma direction, je ne peux plus les éviter. J'ai été trop lent. Je hurle de douleur lorsqu'elles rentrent en contact avec mon jean. Je tente de me dégager, mais la morsure du charbon chaud pénètre au-delà du vêtement, et me paralyse instantanément. Je me parle à moi-même, essayant de dompter la terreur qui s'est emparée de moi. « Calme-toi. Tant qu'une brûlure te fait mal, c'est que les tissus sont vivants ». N'arrivant pas à me convaincre je m'époumone :


- La douleur, c'est la seule preuve que tu es encore en vie !


A croire que les dieux ont entendu ma souffrance car c'est après un bruit sourd qui a l'aspect des profondeurs de l'Enfer que la maison revient dans sa position d'origine. Les braises tombent, me libérant ainsi d'une partie de la douleur qui hante désormais tout mon être. Je tente de me relever, ma jambe me lance tellement qu'elle tremble violemment à chaque infime contraction musculaire. J'observe la plaie, appuyé sur un meuble en bois. De la cendre reste collée à ma chair, tout comme une partie du jean. Je me mets alors en tête de trouver de l'aide : « je ne dois pas être seul au monde, si ? »


Je scrute autour de moi, haletant. Tout paraît venir d'un ancien temps. Comme dans un souvenir d'antan, anéanti en quelques instants par un tremblement de terre. En tentant de me rappeler de la manière dont je suis arrivé ici, je réalise rapidement que je ne me souviens même pas de mon prénom. Il me faut une piste, j'ai besoin de savoir. Je regarde mes vêtements qui ne me disent rien, d'ailleurs je remarque qu'il n'y a pas d'étiquettes sur ceux-ci. Comme s'ils avaient été cousus sur-mesure. Juste pour moi.


Quelque chose me tire de mes pensées, par la fenêtre, il neige. Le ciel, voilé et sans soleil me renvoie pourtant une forte intensité lumineuse, m'obligeant à fermer mes yeux larmoyants. Et c'est en clopinant que je me déplace, que dis-je, que je me traîne jusqu'à la porte d'entrée, faite dans un bois vieilli. Elle semble bloquée mais après de nombreux jurons et coups d'épaule peu assurés elle cède et, dans l'élan, je m'écrase dans la neige. Instantanément, ma cuisse me fait moins mal. Me voilà stupéfait, je suis en chemise et en jean et je n'ai même pas froid. Pourtant, la neige, elle, est bien réelle, elle fond dans mes mains, mais elle semble tiède. Je crachote de l'air, qui ne se transforme pas en brouillard. Je ne comprends plus rien. Suis-je en train de devenir fou ? L'algie peut-elle rendre un homme aliéné ?


Je me relève, trempé. Ne ressentant toujours aucun frisson, je décide d'ôter ma chemise et de la fourrer de neige afin de refroidir la brûlure tout en la protégeant. Je choisis de marcher, tout droit, sans but précis excepté celui de trouver un autre être vivant. N'importe quoi du moment que son cœur pulse autant que le mien. Je regarde à l'horizon et aperçois un sapin, d'un vert étonnant, presque irréel. Il est couvert de poudreuse et ne semble pas avoir été impacté par le séisme, en effet, aucune branche n'est tombée et les aiguilles sont parfaitement alignées, je m'approche de l'écorce et en arrache un morceau. Ce sapin est bien réel, bien vivant. J'en conclue donc que la démence m'a pris sous son aile, ce n'est pas possible autrement, la maison n'a pas pu être la seule victime de cet événement. En me retournant pour la regarder, je remarque que son toit est intact, tout comme ses murs. Pourtant elle paraissait ancienne. Pourquoi ne s'est-elle pas écroulée ? De nouveau je me parle à moi-même en cachant mes yeux grâce à mes mains : « C'est un cauchemar, tu vas te réveiller ». Sauf que je suis déjà réveillé. Je décide d'avancer. Encore. Cherchant de nouveau ce qui est réel et ce qui ne l'est pas.


Au loin je vois comme du vide, là-bas il ne neige plus. Je m'approche rapidement, étant à quelques mètres de ce vide, me voilà ébloui, et soudain, les tremblements de terre recommencent ! Je vole et atterris dans la neige, ce qui me sauve sûrement. Le sol se dérobe sous mes pieds, je suis en suspension dans l'air et en dessous de moi le monde virevolte. Je ferme les yeux et prie chaque dieu dont le nom m'évoque quelque chose. La gravité reprend ses droits et je chute dans la neige, une nouvelle fois. Je sens quelque chose sur moi et je regarde le ciel. Il neige de nouveau.


En une seconde, me voilà debout, l'adrénaline anesthésiant ma cuisse, je m'approche de ce vide. En voulant me pencher en avant pour voir ce qu'il y a, je me cogne. Plus par surprise que par réelle douleur je me tiens la tête avant de pencher les mains en avant.


Une vitre. Je hurle quand un visage géant apparaît avec un grand sourire, juste en face de moi. C'est un gamin. Mes poumons s'emplissent de tout l'oxygène présent, j'expire et de la buée apparaît.


Avec horreur, je réalise que je ne suis qu'un souvenir, une marionnette du théâtre d'une boule à neige.


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