Confidences entre amis

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La fin de l’été s’annonçait lentement et les deux amis n’avaient pas encore cherché l’occasion de passer du temps seuls tous les deux depuis l’accident. Cédric finit par inviter Adrien dans son loft, en soirée. Pour ses quinze ans, ses parents lui avaient fait aménager un espace personnel dans leur manoir, sous les combles. L’adolescent qu’il devenait pouvait y recevoir ses copains à l’abri de la curiosité un peu trop bruyante de Ludivine. Il avait perdu son statut d’enfant unique au profit d’une petite sœur trop gâtée, mais cela lui avait offert une grande liberté. Puis un jour, sa mère s’est rendu compte qu’il se sentait délaissé et elle avait suggéré cette idée à Philippe.

Le loft mansardé comprenait un lit à deux places, un coin douche, un canapé trois places et une table entourée de quatre chaises. Un lieu idéal pour passer du temps avec quelques amis le soir. En journée, Cédric préférait occuper la cabane au fond du jardin, derrière la piscine. Adrien avait été invité pour une soirée pizza.



Lorsqu’Adrien arriva dans l’antre de son ami, celui-ci avait déjà commandé les pizzas, en les sélectionnant selon leurs goûts préférés. Après avoir demandé à Adrien de choisir entre du vin et de la bière, Cédric se dirigea vers la cave de ses parents. En revenant dans le loft, Cédric trouva Adrien assis à table, un verre d’eau servi devant lui.

Quelques semaines auparavant, Cédric aurait retrouvé celui qu’il considérait comme un frère avachi sur le fauteuil. Ils auraient grignoté un paquet de noix de cajou avant d’attaquer leurs repas, maintenus au chaud dans leurs cartons. En voyant Adrien, droit sur sa chaise et les pizzas posées sur des assiettes, Cédric remarqua à quel point leur cheminements récents les avaient éloignés.

Ils n’étaient plus sur la même longueur d’onde depuis l’accident. Adrien avait accepté le suivi psychologique prévu pour les personnes ayant subi un traumatisme. Cédric avait décliné cette offre, s’imaginant que le destin lui avait juste envoyé un signe lui prédisant de grandes réalisations futures pour avoir survécu. Adrien ne lui avait encore rien dit de ses conversations avec la psychologue de l’hôpital, mais Cédric avait observé un début de métamorphose dont il espérait discuter.

Cédric empoigna le tire-bouchon déposé sur la table et entreprit d'ouvrir la bouteille.

— Zut, il est cassé.

— Pas grave, on va le servir tout de suite. Il n’aura pas le temps de prendre le goût.

— Attends, je vais demander une carafe et une petite passoire pour retirer les débris à Véronique. Mon père le laisse toujours éventer un peu avant de le boire.

Cédric se précipita vers la cuisine, trouvant ainsi une occasion de s’échapper de cette scène atypique. À son retour, il était prêt à aborder le sujet trop longtemps laissé en suspens.

— En voilà un changement de décor. On dirait déjà des vieux, comme nos darons, entama-t-il maladroitement.

— J’ai toujours aimé le vin, mais tu ne m'en avais jamais proposé avant ce soir. Mais puisque tu m’as demandé de choisir…

— Encore un aspect de ta personnalité inconnu de moi. Et, pour être honnête, je ne te reconnais pas depuis notre accident.

Après un long silence teinté d’hésitations, Adrien lui répondit d’une voix monocorde :

— Je tiens beaucoup à notre amitié et j’espère que ce que je vais te dire ne va rien changer entre nous. En tout cas, cela dépend surtout de toi.

Cette annonce inquiéta un peu Cédric, mais il l'encouragea à poursuivre d'un petit signe de tête.

— Notre accident m’a beaucoup affecté. Anna, ma psychologue, m’a aidé à admettre qu’il avait fait sauter un verrou qui me protégeait d’une réalité. Je ne peux plus la nier. Ma première décision a été d'être honnête avec Solène. J'ai préféré rompre avec elle et, à mon soulagement, elle a compris. J’espère qu’il en sera de même pour toi, Cédric.

Cédric ne marqua pas sa déception d’être seulement le deuxième à récolter les confidences de son ami et il le laissa poursuivre.

— Jusqu’ici, c’était facile d’accepter une sorte statu quo. Je n’ai jamais eu l’envie d’enchainer les conquêtes comme toi, mais j’étais bien avec Solène même si au fond de moi… J’ai l’impression d’être une femme née dans le mauvais corps.

Abasourdi par la révélation, Cédric ne put m’empêcher de lancer une vanne.

— Ah, ah ! Bonne blague. C’est vrai que tu as parfois des manières un peu efféminées, surtout lorsque tu joues du violon. Mais de là à être une fille ! Je te connais mon pote t’as sans doute reçu un coup sur la tête lors de notre naufrage. Ça va passer.

— Non, c’est sérieux.

— Cette psy devrait être rayée de l’ordre des médecins pour te retourner l’esprit de la sorte. Je vais demander à mon père de faire contrôler cette folle.

— Non, laisse là tranquille, s’interposa Adrien.

Puis, pour essayer de calmer une situation mal engagée et protéger celle qui l’avait tant aidé, Adrien poursuivit.

— Je suis peut-être encore un peu confus.

Cédric était rassuré, son ami confirmait ses conclusions. Cela pouvait être une idée saugrenue, facilement pardonnable à quelqu’un qui ne s’était pas totalement remis d’un choc récent. Voulant clore le chapitre, Cédric changea de sujet.

— Trinquons plutôt à la fin des vacances… Et au retour des compétitions de natation. Cette année, je sens que je vais te battre. Tu as perdu un peu de muscle ce mois-ci.

Pour l’instant, Cédric avait réussi à lui tirer un sourire triste. Ils allaient passer une bonne soirée, sans revenir sur les divagations de son ami. Mais, dans son empressement à tourner la page, Cédric ne remarqua pas le trouble d’Adrien.

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