Chapitre 13

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Une routine s’installa dans la vallée. Jake et Kaufman passaient le plus clair de leur temps à améliorer leur maitrise du Pouvoir pendant que Gale s’occupait des corvées quotidiennes : pêcher, ramasser fruits et racines, cuisiner, faire le ménage dans la cabane et changer les pansements de Mandra. Cette dernière se remettait enfin de ses blessures et vint un soir où elle eut quelque chose à annoncer à ses deux subalternes.

— Je vais partir, déclara-t-elle.

Étonnés, les deux intéressés braquèrent leur regard sur leur cheffe.

Nous allons partir, pour être exact, compléta Gale. Mandra est désormais suffisamment remise et j’ai quelque chose à lui montrer.

— Hein ? fit Kaufman, confus. Ne doit-elle pas s’entraîner au Pouvoir, comme nous ?

La vieille femme lâcha un petit rire amusé :

— Ça fais un bon moment que je sais me servir de mes capacités, gamin, ne t’en fais pas pour moi.

— Pourquoi ne nous avoir jamais aidé à le faire alors ? demanda Jake, du reproche dans la voix.

— C’est une excellente question, répliqua Mandra d’une voix plus sérieuse. Je n’ai pas de réponse exacte ni de justification qui paraisse suffisamment crédible à vous donner.

— C’est un peu facile, critiqua Kaufman.

— J’en suis navrée. Si je devais trouver une explication, je dirais que j’ai été aveuglée par ma foi dans le système d’Abta. Je me suis convaincu que mon rôle était celui d’une administratrice de chasseurs de primes et non celui d’une professeure. Je laissai cette charge aux institutions des Défenseurs et leur éducation au Pouvoir. Bien sûr, une telle éducation n’était pas fournie aux chasseurs de primes mais je n’ai jamais pensé que ce monopole de compétences pourrait se retourner un jour contre nous.

Elle soupira et paru soudain accuser le poids de ses années, une grande tristesse dans le regard.

— J’ai été bien naïve, n’est-ce pas ? continua la femme d’une voix tremblante.

Ni Jake ni Kaufman ne surent comment réagirent à l’aveu de culpabilité de leur cheffe. Ils n’avaient pas d’habitude de la voir dans une telle position de vulnérabilité.

— Enfin, se repris Mandra après quelques secondes de silence. Il est trop tard pour les regrets. Je vous présente mes excuses messieurs, et vous promets que je ferais tout mon possible pour me racheter. Et ceci commence dès aujourd’hui par ce voyage que je vais entreprendre avec Gale.

— Ce quelque chose que vous devez lui montrer, dit Jake en s’adressant à son mentor, c’est loin d’ici ?

— Tout est relatif, répondit-il en souriant. Pour tout vous dire, je ne sais pas exactement quelle distance il nous faudra parcourir ni le temps que cela nous prendra, mais je sais en revanche que ce n’est pas ici que nous le trouverons.

— Comment pouvez-vous savoir ou vous rendre si vous ne connaissez ni le temps ni la distance à parcourir ? protesta Kaufman.

— Vous recommencez à poser trop de question, le sermonna Gale avec la désapprobation feinte d’un père qui aurait surpris son enfant à répéter la même bêtise une énième fois.

Les chasseurs de primes durent se résigner. Ils veillèrent tard ce soir-là, se remémorant des anecdotes de chasses aux Monstres et autres souvenirs communs de Jake, Kaufman et Mandra.

Cette dernière partit de la vallée le lendemain à l’aube accompagnée de Gale sans trop s’attarder sur les aurevoirs. Elle se contenta d’une poignée de main à Kaufman et d’une petite tape amicale sur l’épaule de Jake avant de partir sans se retourner. Gale fut encore plus bref en n’esquissant qu’un simple clin d’œil.

Livrés à eux-mêmes, les deux confrères restèrent un moment sans rien dire, fixant le point ou leurs mentors avaient disparus.

— J’espère qu’ils s’en sortiront, déclara Kaufman.

— T’en fais pas, le rassura son collègue, Mandra est solide comme un roc, il ne leur arrivera rien.

— Je suis curieux, comment vous êtes-vous connus, elle et toi ? Vous avez l’air très proche.

— Ah ! Il y a bien longtemps. Je vivais encore chez ma grand-mère à cette époque, dans un petit village aux abords de la Grande Forêt. Un puissant Monstre avait été détecté dans le bois et c’est Mandra ainsi que quelques autres chasseurs de primes qui avaient été dépêchés sur place. Ils arrivèrent presque à temps pour…

Le regard de Jake se perdit quelques temps dans le vague avant qu’il ne poursuive :

— Je m’étais réfugié dans la cave de la maison. Peu s’en sont sortis.

— Quel âge avais-tu ?

— Douze ou treize ans. Elle m’a alors ramené à la capitale et donné une chambre et une place chez les chasseurs de primes. J’ai bien débuté grâce à mon Pouvoir et mon Artefact, seul héritage qu’il me restait de ma famille. Tu connais la suite, dans les grandes lignes.

L’épéiste acquiesça. Il avala une dernière gorgée de bouillon de poisson et se leva en direction de la clairière au rocher. Jake le suivi sans un mot ; rien ne les obligeait à s’entraîner dans ce lieu mais ils s’y rendirent tout de même tous les jours des prochains mois qui suivirent, gorgés d’espoir et de détermination.

Un seul évènement vint troubler leur routine : un hurlement de Monstre se fit entendre en contrebas de la vallée un soir d’été. Ils reconnurent de suite un guerrier démon, Monstre classifié rang 1 par le système de puissance des Défenseurs allant de 0 à 3 : dans la moyenne donc. C’était une créature rouge de la taille d’un homme mais assez stupide.

Kaufman s’empara de l’épée laissée dans le cabanon et assura à Jake qu’il pouvait s’en charger. Ce dernier accepta l’offre de son camarade sans sourciller, conscient des progrès qu’ils avaient effectué depuis plusieurs semaines, et resta au feu de camp pendant que Kaufman descendait la vallée. Les deux hommes n’étaient plus exténués à la nuit tombée comme lors de leurs premiers jours d’entraînements et le Monstre ne constituait donc pas une réelle menace.

Quelques minutes plus tard, un grand flash de lumière blanche éclaira la nuit sur plusieurs dizaines de mètres à la ronde et l’épéiste revint, à peine essoufflé, l’air très satisfait de lui-même.

Au même moment, bien loin de là, un poing brisait la mâchoire d’une énorme créature. Le Monstre était un reptile géant à la peau sombre : couvert de boue et enfoncé dans la vase, il avait attendu patiemment que sa proie se rapproche de lui. Sa victime fit malheureusement preuve de plus de répondant que la bête ne l’avait anticipé.

Mandra se trouvait dans un marécage faiblement éclairé par des lucioles violettes et d’énormes champignons brillant d’un vert fluo. Repoussant la bave et les brisures de crocs qui lui étaient tombées dessus après l’impact destructeur de son point sur le Monstre crocodile, elle tâcha de dégager la créature de son chemin en pestant contre son poids.

— Marche sur lui pour passer au lieu de t’évertuer à le déplacer, petite effrontée ! se moqua Gale à quelques mètres derrière elle.

Grognant de frustration, elle s’exécuta néanmoins et escalada la bête, puis s’enfonça au milieu de plantes carnivores, arbustes toxiques, branches tortueuses et autres lueurs rouges menaçantes l’observant dans l’obscurité.

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