Chapitre 17

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— Vous voyez les gars, c’est la base de la négociation. J’ai dit deux mois alors que dès le départ, je visais un seul. Si on veut trois, toujours annoncer qu’on veut six ! Cela vous permet de paraître faible aux yeux de l’autre ! Souvent, cet abruti croira qu’il a le dernier mot et qu’il fait une affaire…

Gale donnait un petit cours sur la négociation sur le chemin du retour à la clairière. Jake et Kaufman avaient beau avoir insisté pour avoir plus de détails sur l’enlèvement de la Reine de leur royaume, ils n’avaient rien pu obtenir de plus de la part de l’homme.

— J’ai promis de vous donner des explications, mais pas toutes, alors ne soyez pas trop gourmands !

Voilà le genre de réponse qu’il donnait à la moindre demande d’éclaircissement.

Kaufman commençait à s’habituer à cette frustration, aussi il abandonna rapidement et se résigna à faire confiance à son mentor, aussi excentrique soit-il.
Le chemin fut bien plus rapide que la première fois : sans deux blessés à porter dans les chemins escarpés des cols et versants rocheux, ils avalaient les distances efficacement.

Ce fut même étonnement facile pour le duo. Jake le remarqua assez tôt : il avait moins besoin de reprendre son souffle, la concentration qui lui était auparavant nécessaire pour ne pas glisser et escalader certains rochers lui semblait bien moins épuisante qu’il n’en avait l’habitude.

Il se confia à Kaufman un soir et ce dernier lui confirma qu’il avait la même impression. Ils retrouvèrent donc rapidement la vallée et une Mandra en bonne forme, occupée à réparer le toit de la bâtisse qui avait quelque peu souffert des intempéries.

Maintenant qu’il n’y avait plus de trace d’épuisement sur son visage, son changement était davantage marqué. Quelque chose d’étrange se dégageait d’elle, à la fois majestueux, puissant, mais également effrayant.

— Elle est comme Anita et Gérald… observa Jake après quelques secondes de réflexion.

— C’est comme ça que tu me salues, petit con ? blagua Mandra avant de prendre le chasseur de prime dans ses bras. Ne me compare pas à ces pourritures, je t’en prie.

— Pardon, pardon. Tu m’as manqué.

— Vous avez réussi à ce que je vois, félicita sa supérieure en s’écartant. Bravo à vous deux ! Encore un peu de temps et je pense qu’on sera fins prêt.

— Fin prêts pour quoi ? demanda Kaufman.

— Et bien, comme à dis Gale. Botter le cul de ces Défenseurs !

Kaufman se gratta la tête l’air hésitant :

— L’idée est bien sûr satisfaisante et je ne doute pas de ta progression dans le périple que tu as réalisé, Mandra... Mais pour ce qui est de Jake et moi, même si nous avons appris deux trois trucs en frôlant la mort une énième fois dans cette caverne, je ne vois pas comment cela nous rendrait apte à nous frotter à des haut gradés…

— Et bien détrompez-vous messieurs ! intervint Gale. Il nous reste un peu de temps avant le coucher du soleil, venez avec moi.

L’homme balafré les conduisit à la clairière au rocher. Sans se retourner, il s’adressa au duo :

— Messieurs, n’avez-vous pas remarqué une différence chez vous depuis que vous avez vaincu le drake ?

— Oui, c’est vrai, avoua Jake. Je me sens… Bizarre. Non, ce n’est pas le mot. Je me sens plus fort, plus capable.

— Effectivement, acquiesça son camarade. C’est une sensation déstabilisante, mon corps me semble plus résistant, plus puissant, plus endurant. Est-ce grâce à cette grotte ?

Gale sourit de toutes ses dents :

— Perspicace, comme à ton habitude. Oui, c’est cette grotte. Plus précisément, c’est le fait d’avoir réussi l’épreuve qui s’offrait à vous en rentrant dans cet endroit. Sans aller chercher des détails inutiles, je vais tout de même vous révéler deux ou trois choses.

Jake et Kaufman étaient suspendus aux lèvres de Gale.

— Hm, hm… poursuivi ce dernier en s’éclaircissant la gorge. Ordinairement, réussir ce genre d’épreuve n’est pas pour des types comme vous.

Les chasseurs de primes eurent l’air un peu déçus.

— Non, continua leur mentor, généralement ce sont des gaillards beaucoup moins expérimentés qu’on envoie dans ce genre d’endroit.

Si on regarde votre expérience du Pouvoir, bien sûr, vous avez – ou plutôt aviez –, pas mal de retard.
Mais pour ce qui est de l’expérience du combat et de l’état de votre corps, vous avez plusieurs années d’avance sur les jeunots qui passent cette épreuve habituellement. C’est pour ça que j’étais persuadé que vous y arriveriez.

— Ça n’explique pas le changement que nous ressentons dans notre corps, fit remarquer Jake.

— Et bien, en partie, si. Voyez-vous messieurs, cet endroit dans lequel vous avez affronté cette puissance créature, il en existe en réalité beaucoup d’autres, à la fois très similaires et très différents. Ces lieux contiennent quasi-systématiquement une épreuve, un test. Et qui dit épreuve, dit récompense.
Cette récompense ne s’articule jamais de la même manière mais on y trouve cependant quelques constantes. L’une de ces constantes, si l’on vulgarise, est l’augmentation de vos capacités physiques comme la force, l’endurance ou encore les réflexes.
De plus, vous n’avez pas dû le remarquer car vous êtes encore des néophytes en la matière malgré votre entraînement intensif, mais votre Pouvoir devrait normalement également avoir pris du poil de la bête.

Gale désigna l’énorme rocher au milieu de la clairière.

— Tu te souviens du premier exercice que tu as tenté sans succès Jake ?

L’intéressé, se remémorant son cuisant échec, acquiesça.

— Et bien, réessaye donc.

Dubitatif, l’homme barbu s’avança vers la pierre. Sa main gauche se changea en lance de sable qui lévita d’abord quelques secondes au-dessus de lui puis fut violemment projetée sur la roche.

La puissance du choc fut assourdissante. Des trombes de poussière s’élevèrent en masse du point d’impact, cachant le résultat de l’attaque de Jake.

— Ha !

C’est avec l’exclamation de Mandra, derrière lui, qui d’un élan de fierté posa une main sur l’épaule de son subalterne, que le spectacle se révéla.

Une impressionnante cavité d’au moins un mètre de diamètre – représentant facilement un dixième du rocher – était désormais présente sur la pierre.

Bouche-bée, les chasseurs de primes restèrent incrédules.

— Attendez, murmura Kaufman, pensif. Je n’ai jamais réussi à comprendre comment ni pourquoi Kurtis semblait me surpasser sur tant d’aspects en dépit de son expérience au combat qui semblait clairement inférieure à la mienne. Ne me dites pas que…

— Si, intervint Mandra. C’est Gale qui me l’a confirmé : tous les Défenseurs qui passent le grade 1 se voient octroyés non seulement un cercle d’or sur leur tunique, mais également une un « laisser passer » pour l’une de ces épreuves. Ils sont bien évidemment lourdement équipés en Artefacts et bien accompagnés pour assurer qu’il ne leur arrive rien et qu’ils réussissent le test.

— Ils ne laissent aucune chance à quiconque de mettre du désordre dans leur système confortable, commenta le mentor. Ils ont le monopole sur ces épreuves et la puissance qui va avec !

— Ces enflures… jura Jake. Quand est ce qu’on part leur rendre la pareille ?

— Un instant avant ça, réagit Gale en levant l’index. Je voulais vous prévenir tous les trois : bien que vous soyez dorénavant beaucoup mieux armés qu’avant pour faire face aux Défenseurs, cela reste une entreprise extrêmement dangereuse. Vous n’êtes pas obligés d’y aller et si vous désirez, je peux vous indiquer comment partir pour…

— Hors de question, le coupa Kaufman d’un ton sans appel.

— Vous êtes fou ou quoi ? s’indigna également Jake. Après avoir obtenu la capacité de leur infliger la correction de leur vie, je ne veux même pas entendre parler d’une quelconque autre option. Ils vont partir chialer chez leur mère après notre passage, si ils sont encore en état de le faire.

Sa supérieure rit aux éclats.

— Ta tête est encore plus brûlée que la mienne ! Je crois que c’est entendu Gale, pas de fuite.

L’intéressé haussa les épaules, feignant la désinvolture.

— Bon, continua Mandra. Déjà, il nous faut un plan. Ça tombe bien, j’ai eu le temps d’y réfléchir pendant votre absence. Je n’ai rien trouvé de très brillant, ne vous réjouissez pas.

— Je propose une méthode simple et efficace, poursuivi-t-elle. La force brute.

Vous deux, vous êtes capable de rivaliser avec les cerclé 1 et avec un peu d’entraînement, vous pourrez peut-être même vous charger d’un cerclé 2. Moi, je pense avoir suffisamment progressé pour faire mordre la poussière à Anita et, avec un peu de chance, à Yakor avec votre aide.

— Est-ce grâce au voyage que vous avez fait avec Gale que vous êtes si confiante ? interrogea Kaufman.

— En grande partie, oui. J’y ai passé une épreuve plus difficile que la vôtre mais comportant également une plus grande « récompense ». Une fois Yakor vaincu, plus personne n’osera s’opposer à nous. Je connais ces couards, ils ne font confiance qu’à la force et écouterons bien sagement tout ce que nous aurons à dire si nous prenons le dessus. Nous avons également tous les chasseurs de primes de la capitale prêt à se ranger de notre côté quand le moment arrivera.

— C’est donc réglé ! félicita Gale. Ma chère Mandra, tu seras ravie d’apprendre que je nous ai arrangé un comité d’accueil réduit : dans un mois, seuls Gérald, Anita, Kurtis et quelques bleus seront présent pour la confrontation. De quoi vous faire gagner pas mal de temps !

Un sourire confiant gagna les lèvres des trois comparses. Il était temps.

***

Le mois suivant s’écoula rapidement. Jake et Kaufman étaient assis à la clairière au rocher et discutaient tranquillement. Le début de journée était animé par le chant des oiseaux, éclairé d’un soleil radieux et d’une température douce et agréable.

— Dire que c’était si facile d’obtenir toute cette puissance, commenta le barbu. J’arrive toujours pas à croire que ces enfoirés aient gardé ça pour eux.

— Ben tient, répliqua son camarade. C’est vrai ça, on a fait que risquer notre vie à deux reprises contre un drake géant, c’était effectivement d’une facilité déconcertante.

— Moais. Bah j’espère que pas mal d’entre eux se sont fait trucider dans ce genre d’endroits. T’imagines le nombre de Monstres qui pourraient être vaincus sans risquer de vies avec ce pouvoir ?

— Tu oublies quelque chose. Gale l’a bien précisé, c’est parce qu’on a écumé les chasses au Monstres – surtout toi en réalité – pendant toutes ces années qu’on a pu s’en sortir.

Le barbu acquiesça, à demi convaincu.

— Jake, Kaufman ! appela leur mentor. Il est temps messieurs. Faites vos adieux à ce petit coin de paradis, on bouge.

Les deux hommes échangèrent un regard confiant et entendu. Ils se levèrent à l’unisson et quittèrent la clairière sans se retourner.

Il ne restait de l’immense rocher qu’une grande trace sur le sol et quelques débris éparpillés.

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