Chapitre 20

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Gérald n’avait pas attendu pour révéler son Pouvoir. Juste après la déflagration de flammes envoyée par Anita sur Mandra, une dalle en pierre s’était détachée toute seule du sol pour foncer droit sur Kaufman.

Ce dernier esquiva aisément le projectile malgré la rapidité de l’attaque.

— Je ne ferais plus l’erreur de m’attaquer au bonhomme de sable cette fois ci, lâcha le vieillard.

Sur ce, trois dalles se levèrent et plongèrent vers l’épéiste avec des angles variés, rendant l’esquive bien plus difficile : une venait du haut et les deux autres de chaque côté.

Calme et concentré, Kaufman sauta et asséna un coup de sabre violent et précis sur la dalle qui lui fonçait dessus depuis les airs. L’objet faisait bien vingt centimètres d’épaisseur ; cela ne l’empêcha pas d’exploser en mille morceaux qui retombèrent sur l’homme sans faire le moindre dégât. Les deux projectiles en dessous de lui se croisèrent et manquèrent leur cible.
Il retomba souplement, juste à temps pour constater avec horreur un lampadaire entier lui foncer dessus.
Trop tard pour esquiver : Levant ses bras pour se protéger, il espéra que le choc ne serait pas fatal.

Heureusement pour lui, aucun choc n’eut lieu : un robuste et épais carré de sable vint s’interposer entre lui et le lampadaire. Les deux objets se fracassèrent l’un contre l’autre en un son étouffé.

Ainsi ses capacités de manipulation dépassent les éléments en pierre, réalisa Kaufman.

La télékinésie du Défenseur semblait capable d’affecter tout et n’importe quoi, sauf des êtres humains, apparemment. Ils seraient en effet déjà morts si cela avait été le cas.

— Voyons si tu peux bloquer ça vermine ! gronda Gérald le visage crispé par l’effort.

D’un seul coup, une dizaine de dalles se soulevèrent et s’agglutinèrent avec force. Les multiples couches de roche grise se brisèrent et se concassèrent sous la puissance du Pouvoir du Défenseur et bientôt l’amas de dalle ne fut plus qu’une boule de roc géante lévitant dans les airs.

L’objet semblait si dense et lourd qu’il parut invraisemblable aux chasseurs de primes que Gérald puisse le faire se mouvoir.

Et pourtant la sphère de pierre fonçait tout droit sur Kaufman, à une vitesse tout à fait raisonnable. Ce dernier voulut esquiver mais ses pieds furent incapables de quitter le sol.

Sans s’en rendre compte, l’épéiste avait été pris au piège : de la pierre concassée provenant des dalles autour de lui s’était lentement agglutinée sur ses pieds, lui formant des chaussettes de pierres dont il lui était impossible de s’extraire dans l’urgence.

Bilan : le projectile de plusieurs tonnes lui fonçait dessus sans possibilité de retrait. Voyant son camarade en très mauvaise posture, Jake fonça s’interposer devant Kaufman et transforma son corps tout entier en un coussin de sable prêt à accueillir le projectile.

Priant de tout son cœur pour que cela soit suffisant, Kaufman mis tout de même son sabre en position de parade devant son torse dans un maigre d’effort de limiter les dégâts si Jake n’arrivait pas à stopper la sphère.

Cette dernière entra en contact avec le sable : un important bruit de succion se fit entendre et le coussin enveloppa le projectile tout entier, ralentissant considérablement ce dernier.
Cela ne suffit cependant pas à arrêter complètement la course de l’objet manipulé par Gérald et Kaufman cru une fois encore son heure arrivée.

L’objet s’arrêta finalement, in extremis à quelques centimètres de son nombril.

Jake réapparut en lieu et place du sable et la masse de roche retomba lourdement sur le sol. Il transforma son bras estropié jusqu’à l’épaule et agglutina le sable obtenu en une petite pointe devant son bras gauche qu’il tendis vers les pieds entravés de son acolyte.

En une explosion sonore, la roche éclata ainsi que la chaussure et une partie de la peau du pied de l’épéiste, qui ne put retenir un juron étouffé. Ignorant les plaintes de son collègue, Jake répéta le processus sur l’autre pied, cette fois avec plus de maitrise.

— Tu as décidément toujours besoin de ton petit copain pour faire le travail à ta place ! se moqua Gérald en constatant cependant avec frustration que son attaque avait encore été déjouée.

Levant son majeur en guise de toute réponse au Défenseur, Jake s’adressa à son équipier à voix basse :

— Tu as un plan j’espère ? Parce que ce foutu gaillard à pas du tout l’air essoufflé, et je pourrais pas encaisser beaucoup d’autres machins de ce type.

Il fixait la gigantesque sphère de roche au sol avec anxiété.

— Rien de bien concluant, lâcha Kaufman. Un seul truc me paraît évident : il faut réduire la distance entre nous et lui. Il va pouvoir continuer à nous canarder à sa guise si on reste loin comme ça.

— En d’autres termes, foncer dans le tas et passer à l’offensive ? Ça me plaît.

— On peut voir ça comme ça, oui. Mais il a largement l’avantage de maîtrise sur son Pouvoir et notre seule chance est de l’avoir par surprise.

N’ayant pas attendu sagement la fin de leur discussion, Gérald s’était préparé. Suffisamment malin pour savoir que le duo passerait un jour ou l’autre à l’offensive, une vingtaine de plus petites sphères de roche gravitaient désormais autour de lui, formant une menace dissuasive : il était prêt à écraser quiconque l’approcherait de trop prêt.

— J’ai une idée, fit Jake en constatant la manœuvre. On peut lui renvoyer la monnaie de sa pièce. Pour le reste, je fais diversion et je te laisse gérer.

Après quelques instants pour finaliser le plan, Kaufman acquiesça et braqua son regard sur le Défenseur.

Puis, en synchronisation parfaite, le duo frappa du poing le sol de roche à leurs pieds, brisant les dalles et libérant une gerbe de poussière qui les cacha momentanément aux yeux de Gérald.

Kaufman sorti du nuage en premier, mais sans foncer vers le Défenseur. Il décrivit un arc de cercle autour de ce dernier et Jake sorti du nuage une poignée de secondes plus tard.

— Vous croyez me berner avec vos sottises ? maugréa Gérald qui n’avait eu aucun mal à suivre la manœuvre des deux chasseurs de primes.

Jake ne répondit pas et fonça tout droit vers le Défenseur. Il parvint à esquiver quelques rochers projetés à toute vitesse mais lorsqu’il arriva plus proche de sa cible, il ne put échapper aux trop nombreuses pierres qui fonçaient sur lui.

Les projectiles destructeurs firent voler le corps de Jake en éclats. Ce qui resta de sa silhouette laissa Gérald béat. Le simple buste et morceau de jambe qui restait de Jake était dépourvu de tout contenu.

Il avait attaqué une coquille vide.

Le Défenseur compris trop tard.

Kaufman, arrivant du côté opposé, courrait beaucoup plus vite qu’il ne le pensait capable et esquivait avec bien plus d’habileté que son acolyte les sphères de roche.

Il fut malgré tout évident qu’il ne pourrait pas tout esquiver indéfiniment.

Alors que deux pierres furent prêtes à s’écraser sur lui et lui broyer l’épaule et la hanche, des masses de sable jaillirent de l’intérieur de la tunique du chasseur de prime, formant un bouclier qui le protégea les projectiles.

Écarquillant les yeux, Gérald tendis brusquement les deux mains vers Kaufman : la dizaine d’énormes pierres restantes lévitant autour du vieil homme plongèrent furieusement vers l’épéiste.

Celui-ci réalisa une acrobatie impossible, volant presque dans les airs pour esquiver le plus de rochers possibles. Le sable de Jake, caché à l’intérieur de ses vêtements, le protégea du reste.

Retombant souplement sur le sol, un sourire victorieux sur le visage, Kaufman se jeta sur le Défenseur qui voulut reculer précipitamment.

Voulut.

Du sable provenant de la coquille vide de Jake était agglutiné à ses pieds. Entravant complètement les mouvements de Gérald, ce dernier fut incapable de lever le moindre orteil du sol.

En un cri de rage et de frayeur, le Défenseur ferma les poings et les leva lentement vers le sol. Il semblait rester un atout dans la manche du vieil homme : son corps s’éleva lentement du sol, échappant progressivement au sable qui entravait ses pieds.

Cet enfoiré pouvait se faire léviter lui-même.

Tout le sable restant de Jake s’échappa alors de la tunique de Kaufman et alla renforcer l’entrave aux pieds du Défenseur pour l’empêcher de s’envoler.

Kaufman sprinta alors, mangeant en une poignée de secondes la distance restante entre lui et son ennemi et envoya la pointe de son sabre sur ce dernier.

— SOYEZ MAUDITS, hurla le cerclé 2 le visage tordu par la rage.

Beaucoup plus vif que l’épéiste ne l’aurait pensé, le vieillard leva son bras droit et empala sa main sur le sabre.

La lame traversa la paume du Défenseur en une gerbe de sang et les doigts noueux du vieillard se refermèrent sur les poings de Kaufman.

La pointe de l’arme s’arrêta à quelques millimètres de son œil.

Le chasseur de prime fronça les sourcils d’effort et d’incompréhension. Il n’était pas au bout de son allonge, pourtant, il n’arrivait pas à pousser le peu de distance qui lui manquait pour éborgner son ennemi.

Celui-ci ne semblait pas disposer d’une force physique suffisante pour bloquer son sabre uniquement avec sa main tremblante enfoncée dans l’arme.

Une force extérieure était à l’œuvre : lentement mais surement, la pointe de son arme se courbait.

Toutes les veines présentes sur le visage déformé par l’effort de Gérald grossirent de plus en plus.

Les yeux exorbités et injectés de sang, il louchait sur la pointe du sabre de Kaufman. Le Défenseur utilisait tout son Pouvoir pour bloquer et courber la lame.

Et il y parvenait. Lentement, très lentement, l’épéiste constata la lame de son sabre décrire un subtil arc de cercle qui s’accentuait seconde après seconde.

Plusieurs dizaines de secondes passèrent ainsi, les deux hommes haletant sous l’effort fourni.

Kaufman savait que Jake ne pourrait pas l’aider, ce dernier mobilisant sans doute l’intégralité de ses ressources pour empêcher le Défenseur de s’envoler définitivement hors de leur portée.

En un cri, l’épéiste puisa dans ses dernières réserves pour pousser son arme qui s’était reculée de quelques centimètres et courbait à présent sur l’autre œil de Gérald.

Pour son plus grand bonheur, le sabre avança de nouveau vers le visage de son adversaire.

En un éclair, le vieillard planta alors la paume de sa deuxième main dans l’arme courbée. Il la fit coulisser dans une colonne de liquide pourpre le long de l’arme en un gargouillement écœurant couvert par ses cris de douleurs.

— Bande… De… Vermines… haleta-t-il avec un sourire fou, les deux mains jointes au niveau de la garde de l’arme.

— Tss… lâcha Kaufman d’agacement. J’aurais préféré garder ça pour Yakor…Tu fais chier, sale vioque.

Le chasseur de primes lâcha alors son épée. Gérald n’en cru pas ses yeux. Son adversaire abandonnait sans doute la partie, acculé comme il était.

L’épéiste ne battit cependant pas en retraite. Il ferma les yeux et laissa ses bras retomber le long de son corps. Il recroquevilla sa main droite, tournée vers l’avant, et une lumière aveuglante naquis du petit espace entre ses doigts et sa paume.

L’espace d’un instant, toute la place marchande d’Abta fut éclairée.

Kaufman avait au départ été catégorique : il était hors de question pour lui de se ridiculiser en criant un ridicule sobriquet en plein milieu d’un combat. Ce ne fut qu’après de longues négociations et explications que Gale l’avait convaincu du potentiel amplificateur des paroles sur le Pouvoir. Au départ très peu à l’aise, Kaufman avait fini par trouver un nom convenable.

Ou, plutôt, un nom convenable s’était imposé à lui. Sans trop savoir expliquer pourquoi, ces paroles avaient résonné dans sa tête lorsqu’il cherchait quelque chose d’idéal, et il sut instantanément que ces mots étaient les bons.

« Fierté ardente »

Un rayon de lumière aveuglant et éphémère émergea du poing de Kaufman.

Celui-ci, les yeux toujours fermés, fit décrire un arc de cercle à son bras de façon fluide et fulgurante. L’épéiste pria intérieurement pour que son attaque fonctionne : le potentiel destructeur de cette capacité ne durait qu’un infime moment et son timing devait être plus que parfait. Il n’avait eu que trop peu de temps pour s’entraîner.

Il ouvrit les yeux et la lumière disparut de sa main.

Dans une odeur de chair brûlée, la tête de Gérald tomba lourdement sur le sol.

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