Le Spationef Coincé (33)

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Mes esprits retrouvés, je cavale vers les lieux de la bataille dont je ne doute pas un instant qu’elle sera dantesque. Et je ne suis pas loin de la réalité !

J’arrive probablement entre deux assauts. Tout autour d'eux, tout n'est déjà plus que ruines et désolation, décombres fumants. Les ennemis se sont regroupés sur un promontoire qui les isole du reste de la foule. Celle-ci, agglutinée sur les pelouses qui cernent les lieux, regarde et ne semble pas comprendre que le sort du monde est en train de se jouer sous leurs yeux. On se croirait à la finale de Flushing Meadows. Il y a déjà des vendeurs à la sauvette qui vendent hot-dogs et autres merveilles américaines !

Il fait un soleil radieux et Superman en profite pour nous offrir un spectacle hallucinant de ses capacités aériennes. Il évolue comme un grand rapace affamé, choisit ses proies avant de plonger vers le sol, ne relevant le nez qu’à la toute dernière seconde, ce qui oblige la foule à pousser de grands cris d’effroi et d’admiration. Trop content d’entendre tous ces cris de liesse, l’autre ne se fait pas prier et renouvelle ses acrobaties pour en inventer de nouvelles. Il stoppe parfois sa course en l'air pour saluer, ce con...
Bref, le monde continue de marcher sur la tête et je considère avec un peu de mépris toutes ces forces qui perdent leur temps à faire les belles alors que tout risque de se jouer dans les minutes qui viennent.

Il est plus que temps… Je me rue sur une cabine téléphonique, appelle mes potes en un rien de temps, leur intimant l’ordre de lancer enfin mon propre plan de sauvegarde du monde. La sauvegarde chez les informaticiens ; une loi divine ! Il est temps, pour vous aussi, amis lecteurs, de comprendre que je ne suis pas resté les deux pieds dans le même sabot pendant toutes ces avanies. J’ai cogité, concocté, mitonné un plan à ma façon, me servant de chaque seconde de répit pour avancer mon pion sans rien laisser paraître à personne, pas même à vous. Et maintenant, je peux laisser tomber le voile pour vous montrer comment on sauve le monde.
Je regrette presque de ne plus avoir la stature du vieux général pour en imposer un peu plus sur les boulevards ! Quoiqu’encombré de mes kilos superflus, celui-ci en avait des stocks d’avance sur moi et je nage dans ses fringues, un comble non ?
Mais il n’est plus question de se perdre en réflexions ingénues ; me voilà enfin à  ma place de stratège de la planète Terre, pour ce qui pourrait être sa dernière bataille. A la guerre comme à la guerre, donc. Je me ferais faire un costume sur mesure plus tard…Et puis des médailles en chocolat, aussi.

Bien dissimulé à l’angle le plus en retrait du champ de bataille où les autres hurluberlus continuent de se regarder en chiens de faïence et, armé de ma cabine téléphonique, je donne mes premières instructions dont je sais qu’elles feront vite effet…

C’est mon pote Jojo, un as du réseau internet qui est chargé de la première contre-attaque. Je me marre à l’avance des résultats… Faudrait que je vous présente mon ami Jojo ; vous l’adoreriez. Certes, avec ses grosses lunettes et ses verres presque aussi gros que les lentilles d’un télescope, il fait un peu peur au premier abord mais, une fois qu’on a compris que c’est bien un être humain aux solides valeurs morales, il ferait fondre n’importe qui. Doué en tout, surtout pour casser tout ce qu’il touche, il erre depuis des années à la recherche d’une Terre Promise où tout serait de marbre ou d’acier. Élève acharné devenu ingénieur après bien des vicissitudes, il est juste handicapé par cette fâcheuse maladresse qui fait de lui l’homme catastrophe par excellence. A chacun ses super-pouvoirs, après tout !
Je lui ai donc demandé de se rendre au lieu même de ma première rencontre avec les extra-terrestres. Pas difficile ; en plein centre de San Francisco, là où une plaie béante gêne encore la circulation des célèbres tramways. J’ai assorti ma demande d’une rencontre obligatoire avec un certain Marcel, mécanicien de l’Espace de métier. Ces deux-là risquent fort de faire un mélange détonnant. Si Jojo ne sait encore rien des arcanes d’un moteur anti-matière, je sais d’avance qu’il sera curieux d’en faire la découverte…avec les catastrophes qui iront avec, inévitablement.
Alors, de deux choses l’une : ou il fera péter le vaisseau en entier, ou il le réparera. De la sorte, on aura un résultat, ce sera déjà ça de gagné. Je sais que tous ces machins fonctionnent forcément par voie informatique. Parce qu’Obi Wan m’a confié qu’il était à l’origine de la plupart de nos progrès technologiques, je me suis dit qu’il nous avait aussi appris les ordinateurs. Donc, son étron spatial doit être contrôlé par un ordinateur, sûrement plus évolué que les nôtres mais, au final, Jojo devrait s’y retrouver quand même. Donc, il sera mon virus, mon cheval de Troie dans le programme de ce premier camp ennemi.

Pour ce qui sera des Agents, c’est Adolphe qui s’en chargera. Ce fut autrement plus difficile pour localiser la base stratégique de ces gugusses. Si vous vous souvenez bien, je me suis retrouvé chez eux sans savoir comment. A mon pote, donc, je n’ai pu parler que des lieux où je fis leur connaissance, en pleine bataille contre je ne sais toujours pas qui. Celui-ci, fin limier parce qu’amateur invétéré de toutes les séries télé du monde, n’a pas perdu de temps pour reconnaître l’endroit ; une zone militaire désaffectée dans la périphérie sud de Los Angeles. La configuration des bâtiments, la nature du sol, la température apparente lui ont suffit pour entamer son enquête. Pour vous expliquer comment il a pu retrouver ensuite le siège social, si je peux dire, des Agents, j’en serais tout simplement incapable. Ce diable d’Adolphe a ses petits secrets de cuisine qu’il refuse de dévoiler, même à ses plus proches amis, que voulez-vous ! Accompagné de quelques amis de ses connaissances, il est chargé de mettre la main sur l’arsenal des Agents, dont j’ai pu avoir un bref aperçu pendant mon court séjour chez eux.
A mon avis, avec les appareils qu’ils possèdent, je pense qu’on va pouvoir rivaliser et, si mon plan fonctionne sans accroc, nous allons pouvoir mettre tout ce petit monde au pas.
Encore faudra-t-il qu’ils puissent tous agir au moment propice, celui que je déciderai, en l’occurrence…

Pour ma part, après m’être assuré des phases de sabotage avec jojo et de la logistique avec Adolphe, il me reste encore à mettre la population à l’abri. On ne fait pas d’omelettes sans casser quelques œufs, me direz-vous, pourtant je préfère protéger mes congénères parce qu’il y a toujours des imprévus dans une bataille, paraît-il.

Et ça, c’est ma première tâche à accomplir. Alors, après avoir un peu bricolé ma cabine téléphonique, c’est-à-dire après avoir arraché le tableau de commande de celle-ci, j’ai modifié quelques branchements pour l’utiliser à mon profit. J’avoue que j’ai un peu le sentiment de jouer au brigand mais, je vous l’avoue aussi, cette sensation me fait vibrer de bonheur…
Après quelques branchements ficelés à la va-vite, j’obtiens enfin ce que je veux ; le contrôle de tous les panneaux publicitaires de la ville. Vous ne me croyez pas ? Ben, regardez vous-même : pas une affiche lumineuse qui ne dise « Attention ! Grande promotion gratuite dans tous vos magasins préférés ! Tout est GRATUIT ! »
Comme je sais que les gens sont souvent dans la lune, un comble quand on assiste sans le savoir à la première guerre des mondes, je bricole encore quelque petits trucs pour ajouter des messages sonores. Et là, miracle ! La foule semble réaliser qu’il se passe enfin quelque chose d’exceptionnel en ville. C’est la ruée vers le centre–ville ! Tout le monde s’éloigne rapidement de l’ONU, laissant les grands du monde régler leurs problèmes entre eux, comme d’habitude.  

Superman en est fort déconfit… Il redouble d’efforts pour retenir son public mais il doit se résoudre à accepter sa défaite : il ne vaut pas plus qu’un écran télé, voire moins encore, parce qu’une télé gratuite…ça n’a pas de prix !

Goguenard dans mon petit coin, je savoure cette mise en bouche qui est tout à mon crédit.
La fête va enfin commencer…





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