Le Spationef Coincé (2)

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Alea jacta est ! comme disait Jules…
C’est fait, je suis à l’intérieur. Le courait d’air provoqué par l’ouverture de la porte à soulevé un nuage de particules qui flottent autour de moi, au point que je ne vois presque rien. Alors, j’ai une bonne idée : je cherche et trouve mon portable dans mes poches ; avec un peu de chance, il aura survécu à la chute, lui aussi. L’écran est en morceaux mais l’affichage fonctionne encore, même si ce n’est qu’en partie et j’espère, surtout, que le flash fonctionne encore, ce qui me permettrait de jouer à Dieu pour dire « Et la lumière fut ! »

Après bien des tâtonnements, je finis par trouver mon Graal. Certes, c’est un Graal de second choix parce que le flash clignote quelques secondes puis s’éteint avant de se rallumer mais, en attendant, ça me suffit pour découvrir la suite.

Je m’attendais à être au seuil d’un vaste hangar où patienterait une escadre entière de transports de troupes interstellaires, ou encore une flottille de Fighters armés jusqu’aux dents. Au moins quelques uniformes et des armes atomiques, une vue panoramique sur la Voie Lactée.

Mais rien de tout ça.

Si je ne suis pas trop déçu pour le panorama, compte tenu du fait que je me trouve quelques mètres sous la ligne d’horizon, pour les Fighters par contre, j’admets que je fais une drôle de tête. En guise de hangar, je découvre un vulgaire placard à balais. Parce qu’un minuscule local rempli de seaux crasseux et de balais… je ne sais pas quel autre nom je pourrais lui donner.

Mais là  n’est pas le plus irritant : il y a encore une porte.

Je veux bien croire que des E.T. peuvent être passionnés de ménage domestique mais ils commencent à me courir avec leurs portes ! D’autant que celle-ci n’a pas de poignée non plus. Je me sers de mon flash, dans toutes les positions possibles, dans l’espoir de renouveler le miracle lumineux de tout à l’heure mais en vain.

Je soupire de découragement. Quoi, faut-il que je retourne à mon point de départ pour attendre du secours ou une mort lente ? Mécontent, je me dis que le métier d’Indiana Jones n’a rien de bien exaltant. Si je dois m’arrêter tous les deux mètres pour fracturer des portes, je renonce tout de suite ! Fatigué et irrité, je me résigne à faire demi-tour quand, je ne sais pas comment, je me prends les pieds dans un obstacle invisible et je m’offre un nouveau vol plané avec réception sur le nez, contre la porte.

Qui s’ouvre sans autre effort…

Il suffisait de la pousser. Oui, je sais… mais bon ! Au train où vont les choses, si je tombe à chaque fois que je butte sur un obstacle, je mourrai avant de savoir le fin mot de cette aventure.

Un peu étourdi, le nez en sang, je me relève en prenant soin de ne pas me cogner la tête, des fois que le plafond ne serait pas à hauteur conventionnelle… et c’est à cet instant que le rêve commence, c’est maintenant que la féérie débute !

Je suis dans un long boyau, éclairé par une lueur bleue qui vient du sol, avec une multitude de couloirs qui bordent les côtés à espaces réguliers. Le sol est souple et assourdit le bruit de mes pas. L’éclairage est suffisant, idéal pour ne pas brusquer la vue d’un type qui vient de passer plusieurs heures dans la pénombre. Le cœur battant comme un adolescent à la veille de découvrir tout de l’amour, je presse le pas, tout droit devant moi.

Loin devant moi, je distingue encore une porte, massive celle-ci, et visiblement pas du genre à s’ouvrir sur la pression d’un nez en capilotade. Encore une porte ? Certes, mais en m’approchant je réalise qu’elle  n’est pas fermée. Cool, je vais économiser un sparadrap ! J’aurais pu décider, aussi, d’aller à droite ou à gauche mais j’ai peur de m’égarer… Et puis, si je tombe sur un extra-terrestre affamé, le chemin pour le fuir n’en sera que plus simple.

J’arrive enfin à la porte que je franchis sans encombre . Je débouche sur une vaste pièce. Pas d’aliens ici mais un bazar total, comme après une manifestation estudiantine qui aurait tourné vinaigre. Ça me fait penser à un self, une cantine, un restaurant. Un endroit où se restaurer, à n’en pas douter. Les murs sont couverts de placards ouverts, le sol est jonché de déchets qui puent la poubelle oubliée depuis des semaines, et puis il y a une autre odeur dans l’air, comme du tabac froid ou une chose de ce genre. Pourtant je ne trouve aucun mégot d’aucune sorte, pas de cendriers non plus. Partout dans la salle, des tables rondes et des chaises, dans un désordre indescriptible.

Là encore, je suis un peu déçu de constater que mon vaisseau spatial n’est pas un quatre étoiles. Ce qui est dommage pour un navire destiné à circuler entre celles-ci, il faut bien admettre… J’avance dans ce fouillis, en prenant soin de ne pas mettre un pied sur les débris. On ne sait jamais.

Je ne tarde pas à découvrir un bar… Décidément, l’image de marque de mes extra-terrestres chute à la vitesse de la lumière. Je longe le comptoir et, figé de surprise, je remarque une jambe qui dépasse de derrière le comptoir. Mazette, mes aliens ont des morphologies d’humains ! Je dis « mes » aliens, parce que je découvre trois corps. Pourtant, même s’ils me ressemblent, ce ne sont pas des humains. Ou alors, on vient d’inventer une nouvelle race de gens : ceux-là sont bleus. Et ils dorment à poings fermés. Je m’approche sans faire de bruit, puis je me penche pour mieux les observer. Deux hommes et une femme. Fasciné, je prends le temps de les regarder en détail.

Et alors, là… les bras m’en tombent. Direct.
Je les connais. Enfin, je ne connais aucun véritable extra-terrestre, mais ces trois-là, je les connais par cœur !

Ils sont habillés dans des costumes en tissus bicolores, genre coton très sale et pas mal rapiécé. Ces costumes-là me rappellent mon enfance et tous ces après-midi passés à dévorer leurs aventures spatiales. Je suis un peu surpris de découvrir qu’ils sont bleus, puisque moi je ne pouvais les voir qu’en noir et blanc à l’époque. Mes parents n’avaient pas les moyens de passer à la couleur… De toute façon, en bleu, ils me plaisent un peu moins que dans mes souvenirs. Ils sont les uns contre les autres, serrés comme des pingouins sur la banquise. Le premier, un grand homme mince aux traits rudes, ronfle comme une forge. Il a posé une main un peu leste sur le corps de la seconde, blonde d’une petite quarantaine d’années, bien roulée. Le troisième, coupe de cheveux à la Bozo le Clown, nez fin et droit, repose sur le dos, les bras en croix, les jambes ouvertes, et ronfle aussi, la bouche grande ouverte pour un concerto de cordes vocales surmenées.

J’ai sous les yeux le Commandant John Koenig, le Docteur Helena Russel et le clown n’est autre que Victor Bergman, le prof genre Géo Trouvetou… en bleu. Le trio infernal de Cosmos 1999

Dès cet instant, je pense que je suis en train de visiter la Base Alpha, installée sur la Lune qui avait quitté son orbite terrestre, suite à je ne sais plus quelle catastrophe. J’ai probablement traversé un Aigle, un des vaisseaux de reconnaissance de la base, raccordé à la coursive où je suis arrivé tout à l’heure. Il faut croire qu’ils ont enfin trouvé le chemin de retour chez nous.

Je suis partagé entre joie de rencontrer du concret, en ce qui concerne des voyageurs sidéraux, et déception de ne rencontrer que cette triade de voyageurs un peu dépassés.
C’est vrai, quand même, qu’ils ne sont plus de la première fraîcheur. A bien les regarder, je constate même qu’ils sont ridés comme de vieilles pommes, que leur silhouette ne semble plus aussi alerte que dans mes souvenirs.
Et puis, ils puent l’alcool !

Un peu dégoûté, je tente de réveiller le Commandant Koenig mais il proteste sans ouvrir les yeux. Je tente alors de ranimer le docteur mais elle ne réagit même pas à mes appels. A mon avis, son alcoolémie pèse lourd. Enfin, je me rabats sur le prof. Une ultime gifle et il ouvre enfin l’œil. Il lève à peine la tête, me sourit bêtement puis retourne au pays des songes.

Je suis abasourdi. Je suis l’authentique témoin d’une Rencontre du Troisième Type, d’ailleurs, ne sont-ils pas trois ? et je tombe sur trois ivrognes !

J’aurais voulu lever les yeux au ciel pour montrer mon mécontentement mais, bien sûr, je ne dépasse pas le niveau du faux plafond. Tout me semble bien hostile aujourd’hui…

J’attrape une chaise, apparemment en plastique made in China, et dépose mon gros popotin fatigué dessus. Il est temps que je réfléchisse un peu à tout ce qu’il m’arrive depuis ce matin.

Et, un peu plus tard, alors que je me suis réfugié au plus profond de mes pensées pour me tenir loin des avanies du jour, j’entends un toussotement derrière moi, un peu gêné.
Mon sang ne fait qu’un tour, je sursaute sur ma chaise, manque en tomber alors que je me retourne d’un geste brusque. Assis à une autre table, près de la porte principale, se tient un type dissimulé sous une grande cape de bure, avec une capuche pointue qui masque la moitié de son visage. Il a posé sa canne en bois sur le bord de la table et il sirote tranquillement ce qui ressemble bien à de la bière…
Je ne vois pas ses yeux mais, sans nul doute possible, je suis en présence d’Obi-Wan Kenobi

Première version. Enfin, je veux dire, le vieux, celui des premiers épisodes de l’épopée La Guerre des Etoiles. Il est reconnaissable à sa barbe blanche qui mange son menton volontaire.

Il lève la tête, me souhaite la bienvenue d’un geste de la main, me sourit et m’invite à sa table…

Mais où suis-je tombé ? Tombé ? C’est bien le cas de le dire !

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