Le spationef Coincé (16)

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Donc, si je comprends bien toute cette histoire…je n’y comprends pas grand-chose. D’un côté, je fais la connaissance d'une bande de rigolos qui vivent comme des taupes sous ma ville bien-aimée. D’un autre côté, j’ai affaire à une clique de marrants qui ne m’ont toujours pas expliqué pourquoi je suis là.
C’est vrai qu’ils m’ont sorti d’une situation qui commençait à sentir un peu le roussi mais, pour autant, je dois avouer que c’est le noir qui domine dans mon esprit.
J’estime après m’être consulté avec moi-même que le jour mérite de revenir un peu. C’est vrai, quoi, je ne peux pas rester indéfiniment sans savoir les pourquoi des comment ! Alors, puisque les Agents en sont encore à se fendre la pêche comme des enfants contents d’une mauvaise blague, j’en profite pour m’inviter in petto à une petite conférence personnelle.
Quels sont les éléments en ma possession ?

Une ; ceux d’en bas veulent que je fasse joujou avec des armes de gros méchant. Pour en faire quoi ? Je ne sais pas.
Deux ; ceux d’en haut ne veulent pas que je m’en serve. Pourquoi ?
Voilà une autre bonne question.
Qu'aurais-je dû faire avec tout cet attirail ? Les Agents ont liquidé le fou furieux du parking, ramassé une des deux bombasses avec une éponge et incarcéré la seconde. Qui étaient ces gens-là ? Quelque chose me dit que je ne le saurai jamais. De toute manière, j'ai d'autres problèmes plus immédiats à résoudre, je crois. N'empêche, j'aurais bien aimé voir la suite prévue par Obi.
A mon avis, je pense que ce dernier attendait que je trucide quelqu'un de célèbre ou d'important. Peut-être les deux choses en même temps.
Et si je devais en supprimer plein ? Je me le demande parce que, franchement, avec ce que j’ai acheté sans le vouloir, j’avais de quoi éradiquer la population d’un quartier entier ! Dommages collatéraux éventuels, comme on dit chez les militaires ? Probable.
Malgré le sévère de la situation, je ne peux pas m’empêcher de rigoler un peu. C’est vrai, moi qui n'ai pas fait mon service militaire ! Celui qui voudrait m’expliquer comment remplir le magasin à munitions d’un pistolet serait le bienvenu. Pourtant, je tremble un peu en me rappelant que Max, mon esprit frappé, celui qui parle et agit en mon nom aux moments cruciaux paraît savoir s’en servir, lui…
Mais il reste un problème important ; je ne sais pas qui serait ma cible. Je me dis rapidement qu’il s’agit peut-être du Président lui-même, sa femme, son chien, ses poissons rouges, sa maîtresse ? Une personne de son entourage immédiat, pour le moins. Son facteur ? Pourquoi pas ; s’il rentre à la Maison Blanche, il présente peut-être une menace. Moi, quand le facteur se pointe à la maison, c'est toujours pour me remettre une lettre d'un huissier qui me menace d'expulsion !
Bref, je me mets en tête que les projets de mes ennemis souterrains sont de cet ordre, ce qui expliquerait la mobilisation de tous ces Agents autour de moi. Ceux-là semblent déterminés à mettre des bâtons dans les roues d'Obi Wan.
Je suis donc, et comment ne pas en convenir, entre le marteau et l’enclume. Ou comme un clou entre le marteau et la planche de bois. Ou comme…bon, je suis mal !

-    Bon, AGENT, que voulez-vous de moi ? fais-je enfin, excédé de constater qu’ils en sont toujours à se moquer du pauvre Agent Napasdodeur.
-    Hein ? Ah, oui, c’est juste. Qu’on vous dise… Silence, chers confrères, j’explique au monsieur !
-    Il serait temps ! riposté-je avec humeur.
-    Bon, je vous la fais courte : Obi Wan veut déclencher une guerre grand format, genre l’Empire Sino-Russe contre le Centre Commercial Américano-Européen. Vous voyez la dimension que ça pourrait prendre ? me fait-il, redevant pro en un clin d’œil.
-    Je préfèrerais pas trop voir mais j’imagine un peu, oui.
-    Ils vous ont programmé pour faire un petit truc qui déclencherait des hostilités générales à grande échelle et…
-    Qui dois-je tuer ? coupé-je.

Il me regarde un peu stupéfait. Je viens de lui couper la chique, on dirait. Bedonnant, mais pas totalement idiot, le reprogrammé, qu'il se dit soudain ! Les autres autour de moi commencent même à me prendre au sérieux.

-    Bien… je vois que le Jedi ne s’est pas trompé en vous choisissant ! C’est bien, nous allons gagner un peu de temps. Alors, vous êtes partiellement possédé, je n’ai pas de meilleur terme pour vous expliquer, par un esprit qui sait qui est la cible.
-    Parce que vous ne savez pas qui je dois abattre ?
-    Bah…non, avoue Agent en baissant le nez. On ne sait pas encore…
-    Donc ?
-    Pour commencer… nous allons l’extraire de votre corps pour l’interroger avec les moyens dont nous disposons. Ensuite, nous allons changer les termes de votre contrat.
-    C’est-à-dire ? Mon contrat ?
-    Oui, un contrat ! Vous savez le genre de papiers qu'on signe sans jamais tout bien lire. Pour ce qui vous concerne, il est question de perpétrer un de ces actes hautement symboliques qui peuvent renverser tous les équilibres mondiaux en quelques jours. Nous allons profiter de l'occasion pour faire un petit coup de ménage dans la basse-cour politique de ce monde…
-    En vous servant de moi !? m’étranglé-je de fureur.

Je viens de comprendre pourquoi ils ne m’ont pas encore fait de misère, ceux-là ! Je ne parlerai pas du méchant sentiment de manipulation qui m’oppresse soudain, mais je pourrais pourtant en parler pendant des heures ! Ces saligauds veulent faire porter le chapeau à ceux d’en bas, pendant qu’ils changeraient quelques pions sur l’échiquier mondial, avec moi au milieu de tout ça !
Il est temps de réfléchir à toute allure, me dis-je, si je ne veux pas finir en bouillie après avoir servi de prétexte à deux gangs de malfrats ! Un contrat ! Je comprends que Max, celui qui est mon démon intérieur, est celui qui se chargera de faire cet acte symbolique. Symbolique... pour les autres, parce qu'il risque plutôt d'être"définitif" pour celui qui en fera les frais...
Ils me laissent un peu de temps pour digérer tout ça sans me quitter des yeux.
Alors, je respire, compte de cent jusqu’à zéro pour redevenir l’enfant zen que ma mère adorait tant puis, une fois calmé, je me dis que, quitte à jouer sur plusieurs tableaux, je vais leur donner une bonne leçon aussi. Je vais faire un paquet du tout et je vais jouer en solo…

-    Bon, admettons que je roule pour vous… qui me garantit que je me survivrai après vos petites salades ?
-    Nous sommes prêts à vous donner toutes les garanties que vous exigerez, pour vous et votre famille, si vous le désirez.
-    Tous ceux que je vous indiquerai ?
-    Sans exception, répond Agent d’un air assuré.

Bon, celui-ci me prend encore pour un amateur.

-    Je veux que vous me débarrassiez de mon « visiteur »
-    Aucun problème, Agent Détachant s’en chargera dès que nous serons tombés d’accord.
-    Et je ne veux pas que vous en profitiez pour me placer un des vôtres, ok ?
-    Mon cher monsieur, nous ne sommes pas vos ennemis… comprenez que nous voulons seulement changer un peu le monde au profit d’une situation exceptionnelle qui se déclenche enfin, après plus de soixante-dix années d’inaction totale…

Je calcule  mentalement à quand tout cela nous ramène… mais bon, je vois pas.

-    Roswell, ça vous parle ? La base 51 ?
-    Bien sûr ! Quel américain pourrait ne pas connaître cette bêtise ?
-    Tout est bidon, c’est vrai. Sauf qu’on y a installé un laboratoire un peu spécial pour des expériences…comment dire ?
-    Un peu spéciales ?
-    Voilà !
-    Du genre ?
-    Du genre de celles qu’il est préférable que vous n’en sachiez jamais rien.


J’ai touché un point sensible… le mec s’est refermé comme une huître en un clin d’œil…

-    Ok… Donc, aujourd’hui, nous sommes sur le point de voir quelque chose que vous attendez depuis longtemps, c’est ça ?
-    C'est ça.
-    Dites-moi, Agent, vous ne paraissez pas l’âge de vos artères ?
-    Normal. Nous vous ferons aussi bénéficier de certains…avantages, si vous voyez ce que je veux dire, me répond-il d’un air complice, tout sourire.

Je ne vois rien du tout mais je fais comme si… on verra bien plus tard. Pour le moment, je n’ai qu’une idée en tête ; me faire enlever le truc en moi et me tirer d'ici.

-    Je veux disposer de ma liberté de mouvement.
-    Aucun problème. Nous vous demanderons seulement de vous tenir disponible au moment où nous lancerons notre opération.
-    Ça me va… conclus-je après quelques secondes de réflexion.
-    Je peux compter sur votre collaboration ?
-    Et moi sur votre honnêteté ? fais-je, du tac-au-tac.

Ma réponse semble lui convenir… Il s’approche de moi, me tend la main en signe d’accord. Je respire un grand coup puis je lui serre la main. Je ne sais pas dans quoi je me lance, mais je sais que je n'ai pas le choix.

-    Bon, vous m’enlevez mon visiteur ?
-    Bien sûr, je vais faire le nécessaire. En attendant, je vous demanderai de bien vouloir suivre l'Agent Perdsmonlatin dans vos quartiers, le temps de vous préparez à une toute petite opération…
-    Euh, une opération ?
-    Trois fois rien, ne vous inquiétez pas. C’est sans douleur, sans séquelle, sans effets secondaires. Une simple formalité, je vous assure.


Je tremble déjà mais je sais que je n’ai rien d’autre à faire pour le moment.
Je crois que je ne vais pas tarder à croire en Dieu…

 

 

***

 

 

L’opération fut en effet une formalité. Enfin, c’est ce que je persiste à croire parce qu’en fait, j’ai dormi comme un bébé. Une fois de plus, je ne sais pas ce qu’ils m’ont fait. Toujours est-il que je peux voir mon hôte…

C’est une sorte de brume colorée qui flotte dans un bocal en verre. Si ça trouve, ils m’ont chanté la messe avec la fumée d’une cigarette, me suis-je d’abord dit. Pourtant, quand j’ai vu cette brume changer de forme pour devenir la silhouette d’une forme de vie peu ragoutante, je me suis empressé d’aller discuter pendant quelques instants avec les toilettes à côté !
J’avais un truc comme ça en moi ?! Quelle horreur ! Revenu de ma déconvenue, quelques minutes plus tard, je reviens près d'Agent et lui fais part d'une question qui me tarabuste un peu :

-    Dites-moi, Agent, je ne vois aucune incision sur ma peau… vous pourriez me dire comment vous avez procédé… ?
-    C’est-à-dire que…

Je vois un air bizarre et amusé dans ses pupilles.

-    Non… ne me dites pas que… ?
-    Baaaah… fallait bien le faire sortir, non ?
-    Mais… !

Il est sur le point d’éclater de rire mais, à ma mine déconfite, il préfère noyer le poisson et me donner quelques informations sur l’ennemi intérieur que j’avais amené sans le vouloir.

-    Il s’agit d’une forme de vie non carbo…nique, commence-t-il en pouffant malgré lui.
-    Oh, ça va, là ! rétorqué-je, humilié.
-    Pardon… c’est un être impalpable, comme vous pouvez le voir, issu d’une galaxie dont nous ne savons pas grand-chose. Simplement, c’est un gaz…


Il a tourné ses yeux vers moi pour me faire comprendre qu’il m’indiquait une chose importante…

-    Un gaz…vous comprenez ?
-    Bah, je vois bien puisqu’il est en face de nous, dans son bocal !
-    Un gaz !
-    Euh…un gaz, oui… Et ?
-    Bah, un gaz ! C’est pour ça que vous n’avez pas de trace de scalpel !
-    Aah…vous voulez dire que…
-    Vous l’avez évacué…disons par les voies naturelles, vous comprenez ?

Je reste médusé quelques secondes puis je comprends ! Et là, comment dire, je suis…soulagé. Dans tous les sens du terme !
Je me sens redevenu homme, quoi ! A tel point que je m’approche très près du bocal, presque à coller mes lèvres dessus pour dire, d’une voix forte ;

-    Bienvenu à l’air libre…face de pet !

Le nuage coloré semble s’agiter dans sa prison, changeant à plusieurs reprise de densité et de couleur… Message reçu !
Agent éclate soudain de rire, et s’empresse d’en parler à ses confrères !  Et moi de me marrer comme une baleine avec eux, me tenant les côtes à deux mains. Cette histoire risque de faire souffler pas mal de… vents sur la planète, mais en attendant, on se bidonne un peu quand même !


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