Le Spationef Coincé (20)

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Je suis encore sur le trottoir d’en face que les types en uniformes jaunes du plalace m’ont déjà repéré. Ils me jaugent avec dédain. A l’évidence, ça ne va pas être une partie de plaisir. Malgré tout, je traverse le carrefour et me dirige d’un pas décidé vers l’entrée du palace. Comme prévu, l’un des bagagistes m’attrape par le bras.

-    Alors, grand-père, on voudrait se faire un petit plaisir avant de retourner avec les rats ?

-    Je ne vous permets pas de me parler sur ce ton, pour commencer. Ensuite, vous allez me laisser passer parce que je suis attendu, vu ?

J’ai parlé avec assurance et autorité mais les vilains s’en fichent pas mal. Pour eux, je suis un papy grincheux, pouilleux. Je dois leur paraître bien chétif parce qu’ils ne s’encombrent pas de la moindre politesse et se font vite menaçants.

-    Écoute, pépère, on ne voudrait pas te secouer les poux mais, tu sais, les mecs qui viennent là ne sont pas près de te glisser le moindre dollar dans la main. Ils n’en ont rien à faire. Allez, sois sympa et retourne d’où tu viens et tout se passera bien pour tout le monde, ok ?

Je le considère sans rien dire. Je suis un peu voûté. Ben oui, vu que je suis maintenant un vieillard à cause des autres, là. Alors je suis obligé de me tordre un peu pour hisser mon regard à hauteur du sien. Il est grand, le bougre ! Costaud aussi… je ne vais pas pouvoir tenter de franchir l’obstacle comme ça. Si ses poings sont aussi carrés que son menton, je peux redouter le pire. Je peste intérieurement contre Agent qui m’a lâché dans la nature sans plus de préparation. Et puis, quelle idée de me transformer en vieux machin ! Il aurait pu faire de moi un super beau mec, dents blanches et sourire enjôleur, costume sur mesures et bagnole de luxe, accompagné d'une pépée de la mort ! J’ai pas mon permis de conduire ? Ah oui, c’est vrai, j’avais oublié...
Mais quand même !! Il aurait pu me faciliter la vie, au moins pour commencer. Je commence à en avoir plein les bottes de tous ces tordus. Qu’ils me laissent donc retourner à mon ordinateur et mon boulot de programmeur, là qu’est vraiment ma place. Je n’ai rien d’un baroudeur, encore moins d’un espion ! Et puis, ils sont bien beaux tous ces zozos ; ils m'envoient en mission. Mission de quoi, d'abord ? Et que vais-je devoir faire en leur nom, à tous ces débiles sidéraux ? Attendez un peu que je puisse grignoter un casse-croûte bien arrosé de sauce piquante, vous allez voir ! Vais mettre tout le monde au pas, moi, que ça va pas traîner ! L'Agentdarmedesaintropèz de mes noix, il va voir ce qu'on sait faire, nous les terriens ignares ! Te vais leur bazarder leur plan dans le fleuve. Et toc !

Je me dis qu'il y aura bien un moment où ils baisseront la garde, et à ce moment-là, je pourrais me retourner vers mes frères humains pour leur demander assistance. Mais je me dis aussitôt que mes contemporains me prendront pour un illuminé si je leur parle de Dark Vador, Alien et toute la clique... Je suis donc tout seul pour sauver le monde.
Heureusement, j'ai ma petite idée.

-    Bon, tu bouges de là, maintenant ? fait un autre type de la réception avec un tantinet d’impatience.

-    Je vous dis que je suis attendu. S’il vous plaît, renseignez-vous à la réception. Vous verrez, je ne vous raconte pas de salades. Allez, un bon geste. Je vous assure que je ne mens pas. Monsieur Charles Dickens.

-    Charles Dickens, rien que ça ? Je vois, je vois... sourit l'autre. Mais ça ne change rien ; moi je te dis que tu peux pas rester ici. On attend des personnes haut placées, alors faut que tu retournes dans ta banlieue, mon gars !

J’insiste malgré leur refus obstiné. J’ignorais que les esclaves pouvaient être aussi tenaces… Je continue de leur dire qu’il faut me laisser passer mais mes arguments les laissent de marbre. Un troisième homme apparaît, leur chef visiblement. Celui-ci, avec une belle casquette sur la calvitie de sa soixantaine, me considère d’un regard mauvais mais ne s’attarde pas.

Nous palabrons encore quelques minutes puis arrivent, en effet, plusieurs grosses berlines noires et rutilantes. Elles s'arrêtent à l’angle de la rue, juste à notre hauteur. Le chef se presse d’aller ouvrir les premières portières pendant que ses sbires me repoussent franchement . Un peu bousculé, je distingue à peine quelques silhouettes en costume sombre, entourées de gardes du corps costauds, avec un serpentin à l’oreille, comme dans les films. Sur le coup, je me dis qu’il doit s’agir de personnages très importants. Et, sur le coup d’après, je me dis que je tiens peut-être là l’occasion de me faufiler dans la cohue…

Alors, ni une ni deux, je fais mine de disparaitre sous un porche. Quelques secondes d’attente puis je jette un œil prudent vers l’hôtel. Il y a bien une dizaine de voitures maintenant. Les réceptionnaires s’activent avec leur chef pendant que les clients descendent de leur carrosse. Ils ont du boulot, les esclaves ! Des montagnes de valises, de penderies, de chiens-chiens à leur mémère, le tout sous le contrôle sévère et péremptoire de quelques majordomes qui se prennent pour les princes eux-mêmes !

M’est avis qu’ils ont besoin d’un petit coup de main...

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