X
- Incline-toi, X, c’est sa majesté le roi Phrastein qui se trouve devant toi.
X, c’est le nom qui avait été donné à Toi pour des raisons de praticité. Celui-ci n’avait encore jamais entendu parler des coutumes liées à la royauté et à l’exercice du pouvoir. Lorsque l’émissaire s’agenouilla, le mieux qu’il put faire était de l’imiter.
- On dit de toi que tu es vraiment fort, X. Est-ce vrai ? demanda le souverain.
- Si l’on me compare aux autres hommes, je dirais que oui, répondit X.
- A quel point ? dit-il en engouffrant un petit fruit rouge dans sa bouche. Ne sois pas modeste.
- Si l’homme le plus fort que je connaisse était une brindille, je dirais que je suis un tronc.
- N’est-il pas un peu vaniteux ? demanda l’un des conseillers du roi.
- Tout dépend de s’il est vraiment capable de prouver ce qu’il affirme. X, sais-tu pourquoi je t’ai fait venir ?
- Vous voulez que j’intègre votre armée pour défaire l’ennemi.
- C’est tout à fait ça. Mais je n’ai pas seulement besoin de ta force, tu vois. Il me faut d’abord ton obéissance. Me l’accordes-tu ?
- Pourquoi ?
- Pardon ?
- Pourquoi vous obéirais-je ?
- Quelle insolence ! s’exclama le même conseiller.
- Attends, continua le roi. Il a raison de se poser la question. Quel souverain serait-je si je lui demandais de se soumettre sans rien lui offrir ?
Il ordonna à ses serviteurs et conseillers de sortir et se retrouva seul avec X. Il l’examina de haut en bas. Hormis le fait qu’il était bien bâti, il avait un air tout à fait ordinaire. Des cheveux raides et bien coupés, un nez droit, des yeux qui ne disaient rien, une bouche qui avait l’air de pouvoir sourire.
- Si les explications que j’ai reçues sont exactes, tu as été recueilli près de la frontière Nord, n'est-ce pas ?
- Oui, c'est cela.
Le roi regarda par la fenêtre. La foule commençait à se réveiller en ville, et à s'affairer.
- Ces villageois, penses-tu qu'ils t'aiment ?
- Je dirais que certains m'aiment, d'autres non.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Quand on a voulu me mettre à mort, certains m'ont défendu, d'autres ont soutenu la décision du seigneur Sternheim.
- Les uns ont-ils essayé de convaincre les autres du bien-fondé de leur décision ?
- Oui, bien sûr.
- Mettre tout le monde d'accord n'est pas une chose aisée. Lorsque mon grand-père est devenu roi, il a étendu son royaume par le fer. Et puis mon père a affirmé son pouvoir par les amitiés, les alliances, les arrangements. Il y a plus d'un moyen de faire regarder les gens dans la même direction, mais cela demande à chaque fois d’immenses efforts. Sinon, comment les Sards et les Stein pourraient partager cette terre ?
- Je comprends ce que vous voulez dire.
- Ah oui ?
- Oui. Si l'on place beaucoup de gens différents devant une épreuve insurmontable, il devient difficile de ne pas s'allier.
- Ton analyse me surprend. Tu n'as vraiment aucune idée d'où tu peux venir ? Je jurerais que ton sang est noble.
- Non, je ne sais rien de plus que ce que j'ai dit à Hern, l'homme qui m'a recueilli.
Phrastein laissa planer un long silence.
- Mais ce n’est jamais si simple. Les coutumes des Sards et des Stein sont si différentes. Quand je regarde le mépris dont ils font preuve chaque jour, mon cœur est peiné à en mourir.
Et puis, il referma le rideau et alla s’asseoir sur son trône de roche noire, sur lequel étaient taillés de nombreux animaux étranges.
- Es-tu curieux, X ? Aimes-tu apprendre ?
- Oui, seigneur.
- Alors apprends ceci : Moi, Anathase Phrastein, je trouverais la force secrète qui unit les peuples. Si tu acceptes de devenir l’instrument de mon triomphe, je la partagerais avec toi.
- Quel rapport cela a-t-il avec la guerre ?
- Tout. Ta force est grande, ton regard, vierge. Je veux que tu participes à ma guerre contre Eibleagan, que me dises ce que tu vois, et que tu me le rapportes.
X comprenait que ce que lui disait le roi était intrigant, rempli d’énigmes et c’est sans doute pour cela qu’il accepta. Rares étaient les choses qui échappaient à sa compréhension et il avait envie d’en savoir plus. Dès lors, il reçut le sobriquet de Xavier et fut engagé comme soldat ordinaire dans l’armée régulière de Sardag.
Le sergent Darsim était le seul au courant de sa réelle identité et devait s’assurer qu’il ne dise rien au sujet de sa grande force, ni de sa mission secrète pour le roi.
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