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    William se charge d'acheter le paquet de Marlboro. Pour patienter, je survole d'un œil lointain les revues disposées sur les rayons. Jason en fait de même. Il y en a pour tous les goûts : motos, jardinage, archéologie...

    — Dany viens voir !

    Jason me montre une revue avec en couverture Ophélie Winter vêtue d'une minijupe de cuir. FHM. For Him Magazine.

    — Y a souvent des meufs à poil dans cette revue !

    Nous feuilletons les pages dans l'espoir de trouver notre bonheur. Mouais... Pas grand chose à se mettre sous la dent. Hormis Ophélie Winter et une actrice d'American Pie 2 qui ne nous dévoilent pas grand chose... Sinon beaucoup d'articles quelconques, beaucoup de pub mais pas beaucoup de gonzesses ! Jason se lasse et rejoint William dans la file d'attente. Je tourne encore quelques pages, au cas où... Tiens ! Une image m'interpelle. Des types masqués prennent la pose. Ils semblent sortir d'un film d'horreur. Un clown malsain à gauche, un monstre à dreadlocks au milieu, un type juste derrière portant un masque à la Vendredi 13, puis d'autres aux masques non moins glauques. Tous portent la même combinaison. Je suis sur la page Musique, il doit donc s'agir d'un groupe... Slipknot... La nouvelle sensation du métal US...

    — Dany ! Viens ! On a les clopes ! Faut qu'on passe à Casino et y a du monde...

    Je regarde vite fait. Il m'inspire ce groupe, les mecs ont l'air bien allumés. Comment il s'appelle leur disque ? C'est écrit en bas : Iowa. Je vais me le procurer.

    — Dany !

    — Oui j'arrive !

    Nous sortons du kiosque, parcourons la petite galerie marchande et rentrons dans le Géant Casino sous l'œil terne et agacé d'un vigile faussement viril. William et Jason inspectent le rayon jeux vidéos, tandis que je parcours un rayon adjacent, celui des CDs. Avec un peu de bol je vais trouver mon Slipknot. Peut-être dans Variétés internationales. J'y crois moyennement, ce serait étonnant de l'apercevoir perdu quelque part entre Kylie Minogue et Usher. Voyons voir dans les S. Petit coup d'œil en bas... Tiens ! Une pochette argentée avec un bouc de face. C'est lui ! Je l'embarque.

    Je rejoins mes potes. Ils sortent du rayon les mains vides.

    — On a pas trouvé le Resident Evil...

    — Dommage pour toi William. Moi j'ai trouvé mon bonheur ! On peut passer à la caisse ?

    Jason me demande de quoi il s'agit...

    — Slipknot. C'est du metal.

    — T'es fou d'écouter des trucs comme ça...

    Je n'attendais pas grand chose de Jason, mais William semble intéressé. Il fixe la pochette en silence, les yeux ronds, dubitatif, à croire qu'il a un avis mitigé sur ce disque mais le garde pour lui, puis nous enclenchons le pas vers une caisse rapide.


     C'est ici que s'achève cette après-midi en compagnie de deux amis. Des types sympas. Surtout Jason pressé de retrouver sa copine du moment. William aussi est cool, mais plus dur à cerner. Mystérieux. Du genre peu causant. Je les accompagne aux abords de leur quartier. Une jolie blonde enthousiaste attend Jason. Mes deux potes s'éloignent dans une allée bordée de lampadaires allumés, puis je reprends mon chemin, seul dans la nuit qui s'impose, sournoise, sans qu'on ne l'ait vu arriver.

    Deux filles, dans les treize ans, croisent ma route. L'une d'entre elles chuchote à sa copine que je fais flipper. Je les fixe, les yeux froids, écarquillés, et avance tout en maintenant mon regard. Surprises par ma réaction inattendue, elles accélèrent le pas. C'est toujours aussi drôle de faire peur avec un simple maillot à tête de mort.

    Allez ! Je sors mon baladeur et découvre ma dernière trouvaille. Le disque commence par une intro bizarre, faite de bruitages électroniques et de hurlements malsains que j'imagine être ceux d'un homme qui regarde, impuissant, une bête affamée déchiqueter ses entrailles. Ensuite, après un bref silence, survient un gros riff de guitare vite suivi de cris déments, d'un martèlement frénétique de percussions et de larsens. Ouah cette violence ! Voilà ce que je veux entendre !

    Enfin de retour au bercail ! Je commence à prendre froid. Aucune forme de vie apparente dans le lotissement, si ce n'est un chat roux courant sous un pick-up. Je vais poursuivre mon écoute dans ma chambre, allongé sur mon plumard, au chaud. Mais je dois d'abord appeler Agathe. Je veux en savoir plus sur cette histoire de menace de mort par lettre anonyme.

    Je franchis le pas de la porte dans l'indifférence de mes parents. Mon père râle sur Maman qui l'empêche de suivre son jeu télévisé. Elle parle trop fort au téléphone. Du coup j’appellerai Agathe plus tard, quand Maman aura fini. Mais maintenant, direction la chambre, ma petite bulle...

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