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    Une plage de La Ciotat en plein mois d'août, ça relève plus du bain de foule que du bain de mer. Des vieilles femmes font dorer leurs seins flasques enduits de crème. Leurs maris, rouges et ventripotents, reluquent du coin de l'œil des adolescentes bronzées jouant au beach-volley avec des mecs eux aussi bronzés et sèchement musclés. Et nous, pendant ce temps-là, nous complaisons dans le farniente, hormis Ludo qui barbote loin du sable, submergé jusqu'au cou, qui nous fait signe de le rejoindre.

    Jason et Roubine décident d'acheter des glaces et s'en vont rattraper le vendeur déjà loin avec sa charrette. À quelques serviettes de nous, une brune mince, d'une chevelure noir corbeau, regarde dans notre direction. Elle porte un deux-pièces blanc qui donne un semblant de bronzage à son teint clair.

    C'est William qu'elle regarde. Il traîne ses yeux partout sauf du côté de la fille. Il a repéré le manège mais stresse trop pour entreprendre quoi que ce soit.

    — Psst ! William ! Accroche !

    Il fait mine de ne pas comprendre.

    — Vas-y elle t'envoie des signaux la brune d'à côté !

    — Tu sais très bien que c'est Jason qui l'intéresse, pour changer.

    — Dis pas de conneries il est pas là.

    — Ça fait un quart d'heure qu'elle mate vers nous, et c'est Jason qu'elle regardait. Là elle surveille son retour.

    — Qu'est-ce que tu racontes ! Elle est en train de te dévorer du regard. Vas lui parler, c'est maintenant ou jamais, demain on rentre à Villefranche.

    — Elle est pas si terrible que ça.

    — Arrête ! Je t'ai vu mater son petit cul tout en muscle quand elle bronzait à plat ventre, tout à l'heure en arrivant.

    — Qu'est-ce que tu veux que je lui dise ?

    — Bah demande-lui son nom... Fais la rire... Fais quelque chose quoi !

    Ça va se finir comme ça. Une amourette – peut-être plus qui sait ? – avortée dans le cocon. Il avait l'occasion d'apporter sa contribution à la longue série des histoires d'amour de jeunesse. Mais son histoire ne naîtra jamais. Si seulement elle pouvait aussi ne pas s'épanouir dans ses pensées...

    Jason et Roubine reviennent avec nos glaces. Roubine aurait agi, lui. Maladroitement, mais il aurait pris le taureau par les cornes. Quant à Jason, inutile d'en parler. En cet instant, il serait déjà derrière les dunes avec la fille à se rouler dans le sable chaud. Ce qui, cela dit, est plus facile pour quelqu'un comme Jason qui, depuis tout gamin, dès lors qu'il intègre le champ visuel d'une fille, la voit transformer ses yeux en diamants et offrir son plus beau sourire. Quand on parle du loup...

    — Hé ! Les gars ! Faites pas la tronche ! Prenez une glace...

    Ludo nous rejoint. Jason mord son sorbet framboise et l'engloutit à toute vitesse, à croire qu'il est doté de dents insensibles.

    — Elle est belle la sèche Jason !

    — Ta gueule le rouquin ! Laisse-moi profiter c'est les vacances.

    Et William, de son côté, drapé dans un étrange silence expressif, laisse fondre sa glace le long du bâtonnet, les yeux vierges d'émotions, rivés sur l'horizon bleu...

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