2

2 minutes de lecture

Du dernier étage s'offre à moi un large panorama. Je reconnais de loin Dany et sa bande qui jouent au foot sur un terrain vert près de chez eux. Je sortirais bien moi aussi pour profiter des vacances, ça ne pourrait que me faire du bien. Je passerai voir Boris, certainement en train de squatter devant son immeuble. C'est le seul gars que je connais dans ce quartier de retraités et d'enfants en bas âge.

— Papa ! Je peux sortir ?

— Non Florent. Je sais que tu vas voir Boris et j'aime pas trop que tu le fréquentes.

— Pourquoi ? On s'entend bien.

— L'autre jour, avec ta mère, on l'a vu fumer avec ses copains, caché derrière un buisson !

— Oui mais moi je fume pas ! Puis ils m'ont jamais forcé...

— Ne discute pas ! De toute façon le dîner est bientôt prêt !

Inutile d'insister. Je vais continuer ma lecture du Seigneur des Anneaux. C'est toujours pareil avec mon père ! Il me laisse quelques libertés mais les retire dès lors qu'il décèle le moindre défaut chez mes fréquentations. Avant les vacances, il a refusé de me laisser participer à un anniversaire sous prétexte que l'organisateur avait une drôle d'allure avec ses deux piercings à l'oreille gauche. Bref, c'est mon père. Mais c'est pour mon bien qu'il est si strict. Pour ne pas compromettre mon avenir. Il affirme souvent que le futur des gamins comme Boris est compromis. Et ma mère rentre dans son jeu, même si elle m'accorde, de temps en temps, un peu de répit dans le dos de Papa...

Vivement que je grandisse. Je me vois déjà dans ma vie d'adulte, avec une situation confortable, un appartement avec terrasse, voire une maison. Je n'ai pas encore une idée précise de mon futur métier, je sais juste que j'exercerai une profession épanouissante car j'en ai les moyens. Nombreux sont ceux à voir en moi un futur scientifique, ou un expert-comptable en devenir. Mes parents privilégient la deuxième option. Ma rigueur, mon caractère posé, et mon aisance avec les chiffres, selon eux, me prédisposent à travailler dans la finance. Mais j'ai encore le temps d'y réfléchir.

Participer à une mission humanitaire m'intéresse également. Les brochures et affiches que je trouve dans la rue ou les journaux ont toujours attiré mon attention. J'ai souvent rêvé d'être dans la peau d'un de ces bénévoles visible sur la photo, réchauffé du sourire d'un nécessiteux.

Une femme viendra bien sûr parfaire le tableau. Aimante, radieuse, douce. Un mélange entre Clotilde et Ophélie.

Je ne demande pas la lune finalement. Juste une vie qui s'apparente à des millions d'autres, une vie agréable, certes conformiste mais source de bonheur. Dans ma famille, une seule personne a rejeté cette volonté de réussite chez tous ou presque : ma cousine Gaëlle qui à sa majorité, après une adolescence mouvementée passée à fuguer, sécher les cours, s'adonner à la drogue et zoner à droite à gauche, s'est échappée du foyer parental avec un artiste habillé comme un clochard, de vingt ans plus vieux qu'elle. Aux dernières nouvelles elle faitt la manche à la Croix-Rousse, accompagnée de punks à chien. Il y a aussi mon oncle Georges, mais lui c'est une autre histoire.

Même si à ce jour j'ai encore mes parents sur le dos, je savoure mon bonheur de posséder toutes les capacités essentielles à la construction d'une vie honorable. L'avenir me sourit, et moi je souris à ce présent que j'emprunte comme une autoroute vers l'homme accompli en lequel je m'imagine...

Annotations

Vous aimez lire Frater Serge ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0