Chapitre 8

10 minutes de lecture

D’un signe de tête, je demandais aux soldats d’ouvrir la porte. Je tendis ensuite ma main à ma sœur qui la prit, nerveuse. Les portes ouvertes, les regards tournés vers nous, je souris et serrais la main de ma sœur pour la rassurer. On avançait dans la salle de bal, sous le regard de toutes ses têtes couronnée. Iléna le remarqua et ses épaules s’affaissèrent.


– Fais-moi confiance, Lena, lui chuchotais-je dans notre langue secrète.


Elle me regarda surprise puis sourit. Je n’avais pas oublié notre langue secrète, celle qui nous avait permis d’avoir bon nombre de secrets pour notre mère. Rassurée, elle releva les épaules et je retrouvais la sœur sûre d’elle que j’avais toujours connue. Je lui fis un clin d’œil puis continuais d’avancer en direction de Véra. Quand elle la reconnut, ma sœur s’agenouilla.


– Votre Majesté.

– Relevez-vous, mademoiselle Aubelin. Vous êtes aussi ravissante que le prétendait votre sœur.

– Hé ! Interdis de draguer ma sœur !

– Jamais mon ange. Une seule Aubelin me suffit.


Je rougis immédiatement et ma sœur tourna la tête vers moi. Elle n’avait rien compris et je n’étais plus capable d’aligner le moindre mot. Véra s’approcha, bloquant mon visage entre ses doigts et mon regard dans le sien. Je déglutis face à tant de beauté.


– Tu seras à jamais la seule Aubelin que je draguerais, chuchota-t-elle au creux de mon oreille

– Heu… Lena..ahah, tentais-je nerveuse.

– C’est un plaisir de vous rencontrer enfin, Mademoiselle Aubelin. Élia m’as beaucoup parlé de vous.

– C’est un honneur, Votre Majesté. Ma sœur m’a dit qu’elle travaillait pour vous. Comment…

– Elles vous expliqueras tout en tant voulu.

– Lena…


Ma sœur me cloua sur place d’un seul regard. Quand elle faisait ça, elle avait quelque chose en tête. Ou plutôt des reproches. Je savais que j’allais subir ses foudres sans rien pouvoir faire d’autre qu’attendre qu’elle termine et se calme.


– Tu n’es qu’une pauvre idiote, Élia Aubelin ! Je peux savoir ce que tu faisais toute seule dans la forêt, alors que tu devais être avec maman ? Pourquoi tu ne m’écoutes jamais, tête de mule ? S’ils avaient su que tu étais là, ils t’auraient tuée toi aussi. J’aurais quoi moi sans toi, hein ? As-tu seulement imaginé ce que j’ai pu ressentir en te voyant caché dans ce buisson ? Quand vas-tu apprendre à faire attention à toi ? Tu crois que c’est facile pour moi de toujours veiller à ce qu’il ne t’arrive rien ? S’il t’avait quoi que ce soit, je t’aurais étripé moi-même, pauvre idiote.


Je baissais la tête et les larmes coulèrent en silence sur mes joues. Elle avait raison et je ne pouvais le nier. Je l’avais suivi ce jour-là, parce que j’avais entendu Glen demander sa main à ma mère. J’avais fui la surveillance de ma mère pour être témoin de ça, alors que j’aurais dû rester avec elle pour l’aider à la maison.


– Qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire à maman maintenant ? Que tu es une tête brûlée sans cervelle ?

– Elle le sait déjà, rigolais-je malgré tout.


Ma sœur se calma enfin et me prit dans ses bras. La tempête était passée et je l’avais supportée avec succès.


– Je suis contente que tu n’aies rien, p’tit moineau. J’ai eu tellement peur pour toi.

– Excuse-moi Lena. Je voulais seulement assister à sa demande en mariage, avouais-je en pleure. Je ne savais pas que… qu’il s’en prendrait à toi aussi. Pourquoi ? Pourquoi toi aussi ?

– J’ai refusé d’être sa pute, Élia, avoua-t-elle de but en blanc. J’ai refusé de payer la dette de papa avec mon corps. Je l’ai défié, pour qu’il ne t’approche jamais et j’en aie payé le prix. J’ai simplement eu de la chance d’être enceinte. Il m’aurait tué sinon.

– Ne refais plus jamais ça. Je ne supporterais pas de te perdre à nouveau.

– Je ne peux rien te promettre, bébé. Je serais prête à tout pour assurer ta protection.

– Je ne suis pas un bébé !

– Votre sœur ne court plus aucun danger, intervint alors Véra en posant sa main sur mon épaule. Élia est sous ma protection, et celle de toute ma famille. Celui qui s’en prendrait à elle devrait répondre de ses actes, directement devant moi. Vous n’avez plus à vous sacrifier pour votre sœur.

– Merci, Votre Majesté mais…

– Élia fait partie de la famille. Elle et moi, si elle le veut bien sûr, on vous dira tout ce soir.

– Très bien.

– On danse ? questionnais-je ma sœur.

– Tu ne m’as pas présenté à tout le monde.


Comme par enchantement, Marcus en profita pour s’inscruter dans la discussion. Il se présenta avant tout comme mon meilleur ami et partenaire de danse et je dus ajouté la partie où était Prince de Carandis. Ce fut ensuite au tour de Lizéa de se présenter. Avant que ma sœur n’ait le tournis, je l’attirais à l’écart et Véra nous suivit.


– Élia m’as beaucoup parler de votre danse, en duo. J’aimerais beaucoup être témoin de ça.

– C’est-à-dire que j’ai perdu ma clé USB avec toutes mes chansons et…

– Ta clé USB est actuellement branchée sur la chaîne Hi-Fi de la salle de bal, Lena, la coupais-je.

– Bon pourquoi pas.

– On a le temps de se changer ? questionnais-je Véra.

– Bien sûr.


Sans attendre plus, j’attrapais la main de ma sœur et on remonta dans ma chambre. Tandis que je la laissais se changer, j’en fis de même avec l’une de mes plus belles tenues de danse. Pour le peu que j’en avais pour le moment. Je me recoiffais rapidement puis sortir de la chambre ou ma sœur et mon neveu m’attendais.


– On dirait qu’il est temps que je te présente à ma fille, souris-je.

– Mais avec plaisir, petite sœur.

– Faut que je t’explique quelque chose avant.


Je me dépêchais de retourner dans la chambre pour récupérer ma bague de fiançailles, cachée dans ma table de nuit.


– Elle est magnifique, commenta ma sœur.

– Comme tu peux le voir, j’ai moi aussi ma bague de fiançailles.

– Tu es fiancée ? Avec qui ?

– Avec celle qui avec qui j’ai adopté Lianna. Même si c’est plus compliqué que ça.

– Et c’est ?

– Véra. L’impératrice Véra De Stinley. Voilà pourquoi je suis aussi proche de toute la famille impériale. Voilà pourquoi c’est Elena en personne qui est venu te secourir.

– Attends… tu… tu ne blagues pas ?

– Pas du tout, Lena. Je l’aime plus que tu ne pourrais l’imaginer. Comme j’étais incapable de continuer à vivre sans toi après ton enlèvement, je suis incapable de vivre sans elle. Mon rôle de Dame de chambre n’est qu’une couverture. Et toute sa famille le sait. Comme Maman et Jordan d’ailleurs.

– Je suis la dernière à savoir, c’est ça ?

– En quelque sorte oui. Qu’est-ce que tu en dis ?

– Je ne sais pas, Élia. Je ne la connais même pas. Laisse-moi quelques jours, laisse-moi l’évaluer et je te donnerais ou non ma bénédiction. Mais si maman a déjà accepté, c’est qu’elle doit être quelqu’un de bien.

– Elle est incroyable, tu verras.

– Et si on allait danser ?


C’est prête à danser qu’on retourna dans la salle de bal. Lianna revint alors vers moi et fit sa timide. Anton dans les bras de sa mère, elle ne cessait de le regardais. Il était bien plus jeune qu’elle, il n’avait même pas encore un an.


– Iléna, je te présente Lianna.

– Quel magnifique petit ange.


Indimidée, Lianna se réfugia des mes bras et cacha son visage dans mon cou.


– Ne lui en tiens pas rigueur. Il n’y a que moi et Véra qu’elle accepte.

– Que s’est-il passé ?

– J’avais oublié ça. Maman m’a expliqué pour ton… hypersensibilité.

– La traitresse ! Elle m’avait promis de ne jamais te le dire.

– Lianna l’est aussi. Enfin maman pense qu’elle l’est. C’est pour ça qu’elle m’en a parlé. Ses parents sont morts dans un incendie peu de temps avant que je ne rentre à la maison.

– Pourquoi es-tu rentrée ? Quand es-tu rentrée ?

– Longue histoire.


Lianna dans les bras, je n’avais pas envie d’en parler à ma sœur. Je n’avais pas envie que toutes les personnes qui nous écoutaient entendent ce qu’il s’était passé avec Margot et ma dépression qui avait suivi. Je m’éloignais de ma sœur pour ramener Lianna à Véra mais, comme je m’y étais attendu, elle m’en empêcha en m’interpellant, reportant à nouveau, tous les regards sur nous.


– Dis-moi ce qu’il s’est passé.

– Non.

– Élia bon sang. Arrête de faire ta tête de mule pour une fois.

—Battle? Pour s’échauffer ?

– Et si je gagne, tu me racontes tout ?

– Si ça peut te faire plaisir.

– Que la meilleure gagne.


La rage dans les yeux, elle confia Anton à une domestique et je demandais à Lianna de rejoindre. Tout en retira mes chaussures et en commençant à m’échauffer, je rejoignis les musiciens. Ils avaient champ libre pour choisir la musique tant que ça bougeait et qu’on pouvait faire une battle dessus.


– Comptez sur nous, Mademoiselle.


Marcus, qui avait compris, libéra la piste de danse. Iléna et moi, on se plaça d’un côté diffèrent de la salle. D’un signe de tête, je donnais le feu vert aux musiciens et laissais le loisir à ma sœur de commencer. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que je m’étais longuement entrainé pour ce jour-là. J’avais investi, discrètement, la salle de bal, un nombre incalculable de fois pour ne serait-ce qu’envisagé de la battre. Quand la musique démarra, Iléna défit ses cheveux. Sa stratégie pour me déconcentrer. Sauf que cette fois-ci, ça n’allait pas fonctionner. Je connaissais la moindre de ses tactiques. Elle commença à danser et mon cœur se mit de lui-même à battre au même rythme que la musique. Mon plus gros obstacle pour la battre, l’envie de danser avec elle et non contre elle. Nous étions trop liée pour que j’arrive à m’en décrochais alors qu’en dansais.

Je la laissais faire quelques pas avant de danser à mon tour et de prendre le dessus. Quand une battle entre ma sœur et moi était lancée, il s’agissait toujours d’une lutte de pouvoir. Iléna en tant que grande-sœur, moi en tant qu’élève voulant dépasser le maitre. Mon objectif avait toujours été de la surpasser. Plus la musique avançait, plus elle enchaînait les coups critiques. Si je ne réagissais pas au plus vite, si je ne me reprenais pas, elle allait gagner, comme à chaque fois. Je fermais alors les yeux, essayant de me reconcentrer mais j’entendis Lianna pleurer derrière moi et je perdis toute ma concentration. Iléna en profita pour m’achever avec son combo mythique, que je n’avais jamais réussi à contrer et la musique se termina. Elle encore debout, moi à terre.


– Tu disais, petite sœur ?

– C’est simplement un coup de chance, lui tirais-je la langue.

– Allez, arrête de faire l’enfant. Tu as très bien dansé.


Elle me tendit la main pour m’aider à me relever mais Lianna courut vers moi, les yeux rouges, plongea dans mes bras et me plaqua au sol. Iléna voulu l’attraper mais elle se mit à hurler à et a se débattre dans les bras dans ma sœur.


– Qu’est-ce que j’ai fait ? paniqua-t-elle aussitôt.

– Je t’avais prévenu, Lena.


Dans mes bras, Lianna tremblait de peur et elle était inconsolable. Quand je parvins à me relever, j’aperçus une piqure dans son coup. C’était bien trop rouge et gonflé pour être une piqure ordinaire. Quand j’entendis un bourdonnement, je compris aussitôt. Elle venait de se faire piquer par une abeille. Je déglutis, tentant de garder mon calme.


– Rosalie ! hurlais-je. Cours dans ma chambre. Dans ma table de nuit, tiroir du bas, tu trouveras de l’adrénaline.

– Tous de suite.


Rosalie partit en courant et Véra me rejoignit alors. Mes larmes voulaient couler mais je tentais, tant bien que mal de les retenir. Lianna coller contre moi, je faisais plus attention à sa respiration qu’aux paroles de ma fiancée.


– Élia ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?


Quand j’entendis un nouveau bourdonnement, je ne pus retenir mon hurlement et enveloppais encore plus ma fille. Véra comprit alors et demanda aux soldats de s’assurer qu’il n’y avait plus aucune abeille dans la pièce.


– Lianna, regarde-moi s’il te plait. Où est-ce que tu as mal ?

– Mal.


Quand elle désigna sa poitrine, je ne pus cette fois-ci retenir mes larmes. Si Rosalie ne revenait pas au plus vite, ce serait peut-être trop tard.


– Une ambulance va arriver, Élia, me prévint Véra pour me rassurer.

– Merci.


Peu de temps après, c’est Rosalie qui revint, essoufflée. Sans attendre plus, je lui administrais le médicament dans la cuisse. Quand Lianna reprit une grande bouffée d’air, je pouvais enfin respirer moi aussi.


– Elle est hors de danger, mon ange, c’est bon.

– Tu aurais dû voir l’abeille, soufflais-je doucement.

– Excuse-moi. C’est toi que je regardais, pas Lianna.

– Elle était sous ta surveillance.

– C’était la première ? intervint alors Elena.

– La première à lequel on assiste oui, lui répondit Véra.

– Élia, reste avec elle quoi qu’il arrive. Elle est terrifiée et je sais de quoi je parle. Sauf que…

– Je ne comprends pas.


Elena s’assit à côté de moi et posa délicatement la main sur le front de ma fille, qui commençait à s’endormir contre ma poitrine.


– Quand j’ai fait ma première crise d’allergie, j’étais seule. C’est un garde qui m’a trouvé en cuisine, incapable de respirer. Tous les domestiques étaient partis manger et j’avais faim. Je suis descendu dans les cuisines, j’ai vu du pain avec une texture appétissante. Sauf que c’était de la rillettes de saumon, auquel je suis allergique. Tu lui as administré son médicament à temps, elle ne risque plus rien. Ils vont l’emmener à l’hôpital mais c’est juste pour faire un contrôle.

– Merci.


Tout en respirant normalement, Lianna finit enfin par s’endormir. Pour me rassurer, je posais ma main sur sa poitrine jusqu’à l’arrivée des secours. Sentir son cœur battre sous ma main, sentir sa poitrine se soulever à chaque respiration m’évitait de paniquer.

Annotations

Vous aimez lire Le studio d'Anaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0