Chapitre 35

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Dès notre arrivée à la maison, j’envoyais un message à Véra pour la rassurer et les soldats se mirent en place, jusqu’à installer une caméra à l’entrée.


— Tout ça, est-ce vraiment nécessaire ?

— Votre fille est la fiancée de l’Impératrice, Madame Aubelin. Sa sécurité est aussi importante que la sienne, lui répondit Sacha. Avec le soldat Jones, nous la suivrons où qu’elle aille. Les deux autres resteront aux alentours de la maison.

— Ne t’inquiète pas, maman. Sacha assure ma protection depuis mon retour au palais, ça va aller.

— Très bien. Je vais aller vous faire un double des clés de la maison, Lieutenant.

— Merci, Madame Élia, avez-vous votre propre chambre ?

— Non, lui répondis-je. Je la partage avec ma sœur. Ainsi qu’avec Lianna et Anton, je suppose.

— Cette maison est devenue trop petite, rigola Iléna.

— Où dormirez-vous, Lieutenant ? ajouta ma mère

— Nous allons nous organiser dans le jardin. Ne seront totalement autonome, ne vous inquiétez pas.

— Bon très bien.

— Maman, je vais passer à l’orphelinat prévenir Jordan de mon retour. Et pour les soldats aussi. Tu veux que je fasse quelques courses sur le retour ?

— Ça ne fera pas de mal. Fini de t’installer, je te prépare une liste.


Le soldat Jones et Sacha m’aida à monter mes valises. Je changeais ma tenue pour une plus passe-partout. Un chemisier rose, un jean et une ceinture marron. Les températures étant un peu fraiches, j’ajoutais un blazer noir. J’allais devoir refaire ma garde-robe pour l’adapter à la campagne et le froid agréable du début d’année.


— Lia, pas école moi ? me questionna Lianna sur le chemin.

— J’ai informé ta maitresse de la situation. Elle m’enverra tout.

— Et eux, est qui ? désigna-t-elle les deux hommes en uniformes et armée qui nous suivaient.

— Ils sont gentils. Ce sont des super-héros pour nous protéger des méchants.

—Whoa !


Arrivée en ville, les deux militaires attirèrent l’attention, reconnaissable. Leurs armes plaquées contre leur poitrine étaient visibles de tous.


— Élia ? m’interpella Leslie, un sac de courses sous le bras. Tu es rentrée depuis quand ?

— Je viens d’arriver. Je comptais passer à l’orphelinat avant de faire des courses. Vous vous entrainez toujours là-bas ?

— Évidemment. J’y allais justement, j’apporte le repas. On y va ensemble ?

— Avec plaisir.

— Qui sont les gorilles derrière toi ?


Je lui expliquais tout. De l’opinion publique qui se dressait contre Véra à cause de notre liaison, à la guerre qui se préparait. Raison pour laquelle j’étais de retour à Edel, pour une durée indéterminée.


— Mademoiselle Élia ? J’aimerais faire un tour du bâtiment avant de vous laisser entrer, nous stoppa Sacha en arrivant.

— Il n’y a aucun souci à se faire ici. Le directeur est…

— S’il vous plait, c’est un grand bâtiment.

— Sacha, il n’y a que des enfants ici. Et les adultes, je les connais depuis longtemps.

— Très bien.


Il chuchota quelques mots au soldat Jones qui s’éloigna. En entrant dans l’immense hall de l’orphelinat, Lianna se cacha derrière moi. Tout en faisant attention à mon poignet blessé, je la portais. Tous les enfants arrêtèrent de jouer en apercevant le soldat armé. L’une des nourrices me reconnut et réussi à calmer les jeunes. Elle m’informa alors que Jordan était dans son bureau. Même à l’intérieur de l’orphelina, Sacha me suivait. Leslie partit dans la salle de danse tandis que je partis rejoindre mon ami. Je toquais à la porte et entrais quand il me l’autorisa.


— Élia ? Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je peux te parler un instant ? C’est important.

— Assis-toi, je t’en prie.


***


— Donc si j’ai bien compris, nous sommes en guerre et toi et Véra êtes les deux personnes les plus en danger ?

— En gros, oui.

— Il sort d’où ce royaume de Thiera ?

— Aucune idée. Mais Elena Stinley avait l’air de bien les connaitre.

— De toute façon, ce ne sont pas nos affaires. Tu restes combien de temps ?

— Je ne sais pas. De toute façon, j’ai cette attelle pendant au minimum quatre semaines, avant de pouvoir envisager de retourner au Conservatoire.

— Et comment ça se passe là-bas ?

— C’est génial.


Après avoir discuté pendant près d’une heure avec Jordan, je partie faire un tour dans la salle de danse où Leslie entrainait un groupe de jeune. Elle avait repris mes cours depuis mon départ.


— Élia ! cria l’une de mes anciennes élèves.


Leurs attentions étant désormais focalisées sur moi, Leslie stoppa son cours. Ceux qui me connaissaient s’approchèrent. Trois jeunes, d’une quinzaine d’années, restèrent assis. Ceux-là, je ne les connaissais pas.


— Bonjour tout le monde. Je suis de retour pour quelque temps.

— Rien à signaler, Lieutenant, me coupa le soldat Jones en entrant.


Les jeunes remarquèrent alors les deux hommes, leurs armes et reculèrent effrayer.


— Vous ne pouvez pas baisser vos armes ? Nous sommes dans un orphelinat, je ne risque rien ici.

— Negatif, mademoiselle. Nous suivons les ordres.

— Je vois. N’ayez crainte les enfants, ils sont là pour assurer ma protection.


Je m’approchais des trois nouveaux qui se levèrent alors.


— Je suis Élia Aubelin. Une amie de Jordan, me présentais-je. Et voici ma fille, Lianna. Vous êtes arrivés quand ?

— Il y a un mois. Je m’appelle Simon et voici mon frère et ma sœur, Camilla et Noa.

— Enchantée. Alors comme ça, vous dansez ?

— Ils dansent même super bien, compléta Leslie.

— Montrez-moi ce que vous savez faire.

— Mademoiselle Leslie ?

— Élia est danseuse à l’Opéra-théâtre de Glenharm, appuya-t-elle.

—Whoa.

— Lance la musique.


Les jeunes étaient impressionnés. Aussi bien les anciens que les nouveaux. Intimidés, leurs premiers mouvements étaient brouillons. Ils finirent par se détendre pour dévoiler tout leur potentiel. Ils étaient vraiment doués, surtout la fille.


— A toi Élia, montre-nous ce que tu as appris au Conservatoire.

— Avec plaisir. Mais soyez indulgent, mon entorse date d’hier soir et je ne suis pas dans la tenue la plus adaptée.


Je branchais mon téléphone pour mettre la musique de notre chorégraphie. Je retirais mes chaussures, attachais mes cheveux et m’échauffais, accompagnée de ma fille. Dès que je fus prête, Leslie récupéra Lianna et les jeunes libérèrent la piste. D’autres nous avaient même rejoints. Mon succès avait déjà dû faire le tour de l’orphelinat. Même avec une attelle et un poignet blessé, je ne pouvais m’empêcher de danser. Leslie lança la musique. J’avais choisi une chorégraphie en solo, où je n’avais aucun mouvement au sol pour ne pas devoir prendre appui sur mon poignet. Pendant trois minutes, j’oubliais tous les problèmes qui m’était subitement tombée dessus. La mère de Véra qui refusait notre mariage, la dispute que nous avions eu la veille, l’Empire qui était attaqué et qui avait obligé ma fiancée à m’éloigner de la Capitale. La musique se termina et j’étais à peine essoufflée. Une grande effusion de joie et d’applaudissement retentit dans la salle.


— Tu as en effet beaucoup progressé, commenta Leslie. Même avec ton attelle, tes mouvements sont beaucoup plus fluides.

— Merci. Comme je te l’ai dit, je suis là pour un moment. Si tu as besoin d’aide avec les jeunes, pour des groupes de niveau par exemple, n’hésite pas à me demander.

— C’est noté.

— Lianna ? Tu viens, on rentre. Faut aller faire des courses pour mamie.

— Âteau ?

— Oui, on va acheter des gâteaux.


Je saluais tout le monde et sortie. Pourtant, en arrivant dans le hall, la télévision était allumée sur la chaîne Impérial, où Véra apparaissait.


— Mama ! s’exclama Lianna en la reconnaissant.


Tous les regards dévièrent sur nous, mais je les ignorais. J’attrapais la télécommande et montais le son.


« … Glenharm doit être évacuée au plus vite. L’armée carandienne ainsi que celle de Thérénia vont bientôt venir renforcer les troupes de l’Empire. Le Royaume de Thiera est une menace que je ne peux prendre qu’au sérieux. Le Roi et la Reine, le frère et la sœur sont… pour les plus âgées, vous devez connaitre le Roi Marc…, le premier mari de ma grand-mère, Elena. Je viens d’apprendre qu’il est aussi le père biologique de ma mère et de mon oncle. Il y a quelques années, lui et sa femme ont tenté de renverser ma grand-mère. Une période sombre de notre histoire. Ma grand-mère, Océane, la tuée. Mais ses enfants, ceux qui nous attaquent aujourd’hui ont, à leur tour, tué…la télévision se figea à cet instant, avant de reprendre. Ils cherchent à nouveau à attaquer l’Empire et particulièrement la Capital et le château. C’est pourquoi j’ai ordonné l’évacuation de Glenharm pour la campagne, au plus vite. Mon frère, le Prince Ilyan, assure ma protection et celle de sa famille. Ses troupes, aux frontières maritimes n’ont malheureusement pas réussi à retenir les troupes Therienne aussi longtemps qu’ils le voulaient. Pour tous les habitants de Glenharm, vous n’avez qu’un jour pour quitter les lieux afin qu’aucun civil ne soit impliqué dans cette guerre. Quant à ceux qui vivent dans les campagnes, je vous demande de recueillir les réfugiés qui viendraient demander votre aide. Je…

— Véra ! Ton putain de Conseil doit déclencher le plan d’urgence immédiatement ! Des éclaireurs-assassins sont déjà aux portes de la ville.

— On s’en fout du Conseil, Ilyan. Je le déclenche. Et confinement total du palais. »


La communication fut coupée et des journalistes reprirent la parole. Je restais bloquée sur place, je ne contrôlais plus les tremblements de mes mains.


— Mademoiselle Élia ?


Sacha posa sa main sur mon épaule et me fit sursauter. Lui, comme le soldat Jones avait sorti toutes les armes, désormais bien visible. Un gros fusil dans leurs mains, pistolets et munitions accroché à leurs tailles, couteaux à leurs cuisses.


— Vous devez rentrer immédiatement chez vous. Nous pourrons mieux assurer votre protection. Des soldats Carandien et Thérénien nous rejoindra dans quelques jours, respectivement envoyé par le Roi de Carandis et la Reine de Thérénia, à la demande de Madame Elena.


Dans ma poitrine, mon cœur s’était accéléré. Mes mains devenaient de plus en plus moites. J’avais besoin de savoir comment elle allait. Sans réfléchir, je sortis mon téléphone de ma poche.


— Je dois l’appeler. Je…

— Non. Vous allez la déranger plus qu’autre chose. Ne vous inquiétez pas, mademoiselle. Je suis en contact avec le Capitaine Ilyan. Je vous informerai au courant de la moindre information importante. Rentrons.

— Je n’ai pas fait les courses… soupirais-je.

— Vous avez le temps d’y aller. Edel n’est pas sur le chemin des troupes ennemies. Sa Majesté ne vous aurez jamais envoyé ici sinon.

— Très bien, je vous suis.


Je n’avais jamais été aussi rapide pour faire les courses. Accompagné de mes deux gardes du corps, armées jusqu’aux dents, aucun commerçant ne refusa de me vendre leurs produits. De retour à la maison, ma mère était paniquée. Elle donna le nouveau double des clés à Sacha et elle ferma la porte à leur sortie. Sur la télévision, la chaîne impériale était déjà allumée, en fond sonore.


— Chérie, est-ce que tu as vu…

— Oui, j’ai vu l’intervention de Véra, la coupais-je. J’ai peur, maman. J’ai peur pour elle. Elle devrait être ici, avec moi, pas au milieu d’un champ de bataille.

— Fais-lui confiance, ma grande. Aie confiance en elle et en l’armée.

— Sacha ne veut même pas que je la contacte. Je suis censée faire quoi ? Attendre sans rien dire ? Attendre qu’on m’annonce qu’elle a été assassinée avant qu’on ait pu se marier ? Je n’y arriverais pas, maman.


Ma mère m’obligea à m’asseoir sur le canapé et Iléna partie s’occuper de Lianna. Elle me prit dans ses bras et je laisser mes larmes couler dans son cou. Dans ma poche, mon téléphone vibra. Véra venait de m’envoyer un message.


« Changement de plan, je t’enverrais un message toutes les heures. On fait un roulement avec Rosalie, quand l’une dort, l’autre est éveillée. Quand je dormirai, c’est elle qui t’informera, toutes les heures, que je vais bien. Je t’aime Élia. »


Je lui répondis, enfin rassurée. Si les troupes ennemies avançaient plus vite que prévu, les combats auraient bientôt lieu. Mais au moins, une fois par heure, je saurais que ma fiancée était toujours en vie, même si je la savais en danger. Je ne pouvais qu’attendre, faire attention à ma propre sécurité et celle de Lianna.

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