Chapitre 1

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Isadora, huit ans, fille de marchands, habitante de Mahatalma, capitale de l'Empire du Nord, accompagnait ses parents au palais, comme tous les jeudis, pour vendre leur production. Là-bas vivait le Prince Brutus, son ami avec qui elle jouait lorsqu'elle venait au palais. Ce jour-là, il faisait beau, les oiseaux chantaient et il n'y avait pas un nuage en vue. Une fois ses parents entrés dans la salle d'audience, Isadora partit en direction de l'aile des Princes où vivait son ami. Il lui avait tant manqué !

Elle traversa d’un pas vif les couloirs blancs. Tout était blanc dans le palais de l’Empereur. L’enfant trouvait cette couleur morne et triste, sans vie, mais qui était-elle pour critiquer la décoration impériale ?

Depuis leur naissance, Brutus et elle s'étaient toujours retrouvés ensemble lorsque leurs parents discutaient prix et colifichets... Ils étaient devenus amis et, malgré leur différence au niveau social, tous les deux étaient inséparables. Mais Isadora savait bien, au fond d'elle, que, une fois devenu Empereur, leur amitié disparaîtrait, aussi, la petite profitait de chaque instant.

Elle frappa à la porte, un coup fort, deux faibles, c'était leur code de reconnaissance, ainsi il savait que c'était elle et non pas son envahissant précepteur, sans quoi il n'aurait pas répondu. Immédiatement, la porte s'ouvrit sur Brutus qui l'attrapa par le poignet et se mit à courir, l'entraînant avec lui à travers les corridors alambiqués du palais.

Les deux enfants se rendirent discrètement au chenil, où ils firent sortir leur petit favori : Griffe, un chien d’un blanc immaculé et d’une fidélité sans failles. Enfin, ils sortirent du palais par une porte dérobée dans la pierre du mur de la façade sud, qui donnait sur la ville, avant de se mettre à courir comme des fous dans la forêt avoisinante.

Isadora ne posa pas la moindre question, habituée à ce qu’il l’emmène partout où ça le chantait, toujours prêt à lui montrer ses dernières découvertes sur le royaume. Grâce à lui, elle en savait plus que bien des enfants et avait les mêmes connaissances que les Princes, alors qu’elle était née de parents commerçants.

一 Viens, je vais te montrer quelque chose, lui cria le Prince alors qu'elle s'arrêtait pour reprendre son souffle.

Ils reprirent leur course jusqu'à l'entrée d'une grotte dans une falaise, à l'intérieure, on aurait dit que le temps était suspendu, les parois de cristal reflétaient les couleurs de l'arc-en-ciel, les murs de la grotte étaient ornés de menhirs sculptés à même la roche et au centre se trouvait un majestueux dolmen. Soudain, le Prince se retourna :

一 Où est Griffe ?

Ils cherchèrent partout, le chien avait disparu. Sans réfléchir, Isadora monta sur le dolmen et cria :

一 Griffe ! Viens à moi ! Viens moi! Viens à moi !

Brutus lui avait dit qu'il était dressé à répondre à cet appel. Cela leur avait déjà servi, mais si rarement qu’ils étaient paniqués à l’idée d’avoir perdu l’animal. L’enfant trouvait l’ordre étrange, mais, encore une fois, n’avait rien dit, se contentant de crier.

Mais ce n'est pas le chien qui apparut mais un phénomène étrange : les menhirs se soulevèrent dans les airs et, une fois à trois mètres du sol, se stabilisèrent et, peu à peu, se métamorphosèrent en êtres humanoïdes. Douze êtres qui la regardaient avec reconnaissance, avec intérêt, respect, mais aussi avec surprise. La peur s'empara du Prince, il s'enfuit en hurlant :

一 Monstre ! Mon père te fera châtier ! Ne m'approche plus jamais, toi et tes démons ! Comment ai-je pu te faire confiance ? Monstre !

Un larme solitaire coula sur la joue de la petite fille, blessée. Elle n'y était pour rien ! Elle ne savait même pas ce qui venait de se passer ! Elle avait peur, elle aussi, mais elle était tétanisée, incapable de bouger...

Les douze personnages descendirent lentement et se posèrent à quelques centimètres du sol.

一 Qui êtes-vous ? balbutia-t-elle lorsqu’elle reprit l’usage de la parole.

L'un deux, blond, la peau pâle et les yeux verts, celui qui ressemblait le plus à un humain de l'Empire du Nord s'avança vers elle :

一 Nous sommes les Premiers Dieux, des Dieux Maléfiques nous ont entravés.

Isadora fronça les sourcils et recompta pour être bien certaine… Mais quelque chose n’allait pas...

一 Ce n'est pas vrai! Les premiers dieux sont treize! riposta la petite, qui avait l'œil vif.

一 C'est vrai mais Nuit à réussit à se sauver, continua le Dieu.

Il avait une voix douce, calme et assurée, Isadora le croyait, mais elle restait méfiante, par principe, elle avait tout de même perdu son meilleur ami à cause d'eux ! Et puis, qui lui disait que ce n'était pas eux, les Esprits Maléfiques ?

一 Comment arrivez-vous à venir ici, alors ? demanda-t-elle avec sa moue enfantine qui faisait fondre ses parents habituellement.

Une petite femme aux cheveux multicolores s'approcha aussi :

一 Tu est une des douze personnes pouvant nous aider, tu as le Don de nous contacter, mais seulement avec ces paroles : "viens à moi!", dites trois fois. Et avec une circonstance similaire à celle-ci avec douze élément identiques déposés en cercles par Nuit.

La brunette cligna des yeux, prenant le temps d’assimiler l’information...

Un homme dont la peau était noire comme l'ébène lui dit :

一 Retrouve les autres Élus, vous avez tous des habits verts, notre couleur, mais à part vous, personne n'en a conscience, sois discrète, ne parle à personne d'autre de cela sauf si tu n'as pas le choix, tu devras prouver tes dires au premier Élu, pour les autre se ne sera sans doute pas nécessaire. Dépêche-toi, sinon le Chaos s'abattra sur Silisisma, il y aura des sacrifices humains et vous serez tous réduits en esclavage ! Nous te faisons confiance…

Les autres Dieux semblaient la supplier silencieusement.

一 Mais… Je n’ai que huit ans !

Le Dieu blond s’approcha d’elle un peu plus

Il y avait tant de désespoir, de conviction dans sa voix qu'Isadora ne pouvait que le croire. Il était sincère, elle en était certaine.

Isadora ne put en entendre plus, elle s'évanouit, vidée de toute son énergie. Les communications divines seront-elles toujours aussi épuisantes ?

A son réveil, elle repartit vers la capitale. Elle connaissait le chemin par cœur, pas grâce à un quelconque sens de l'orientation sur-développé, non, elle avait simplement l'habitude de parcourir les alentours de la cité. Là elle reçut un choc, ses parent rentraient chez eux, elle les appela, ils détournèrent la tête. Pire, ils semblaient avoir honte de la connaître et avaient l'air de vouloir cacher leur lien.

Elle n'existait plus pour eux. Brutus leur avait sans doute tout raconté, pour eux, elle était désormais un monstre. Pourtant, si les Dieux disaient vrai, c'était tout le contraire !

Abandonner ses enfants était un crime puni par la loi divine. L'Homme se devait d'aimer sa progéniture. Pourquoi l'abandonnaient-ils alors ? Pourquoi est-ce qu'ils ne l'aimaient plus ? Tant de pensées négatives lui traversaient l'esprit qu'elle ne vit pas les autres habitants du palais s'approcher d'elle, un couteau, une pierre, une fourche ou simplement le poing brandit vers elle...

La peur et la colère se mêlaient. Ils n'avaient pas le droit ! Mais elle était seule, sans défense, fragile, et...

La jeune fille évita de justesse un coup de fourche.

Elle réfléchira plus tard, désormais, il fallait fuir. Et vite !

Prenant ses jambes à son cou, Isadora se précipita dans la première brèche de la foule et couru aussi loin et aussi vite qu'elle pouvait. Nombreux étaient ceux qui la poursuivaient et l'insultaient, plus encore ceux qui lui jetaient pierres, lames et autres projectiles.

Comment les nouvelles avaient-elles pu aller aussi vite dans la capitale ?

Jamais elle n'avait rencontré autant de haine. Intérieurement, la petite fille se jura qu'une fois les Dieux libérés, les Esprits Maléfiques détruits, une fois qu'elle serait forte, puissante et couverte de gloire, elle reviendrait, et elle se vengerait. Elle détruirait Brutus et il comprendra, à son tour, la douleur du rejet.

Elle était jeune, fragile, faiblarde... mais déterminée.

Malgré ses huit ans, elle décida de partir et d'accomplir la volonté des Dieux.

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