Chapitre 8

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Isadora courait. Encore. Cela faisait trois jours qu'elle courait...

Enfin, "boitait" aurait été plus adéquat. La veille, elle était tombée en se prenant les pieds dans un dalle mal placée et, depuis, sa jambe droite refusait de plier.

Qu'à cela ne tienne !

Le roi Shu avait été clair : Monsieur Olda déménagerait à Kum dès le chantier des obélisques terminé.

Or... Il l'était presque !

Isadora avait bien vu et entendu ce qu'il se passait... Et il ne restait plus que deux colonnes à dresser avant l'inauguration !

Les Olda vivaient en périphérie de la capitale ce qui, en plus de lui rallonger le trajet, l'emmenait en territoire inconnu, les cartes du Capitaine Herbert - Ou était-ce Hubert ? Elle ne savait plus... - étaient déjà loin dans sa mémoire surchargée.

3 rue du Petit Bois...

Il en existait plein des rues du Petit Bois ! Elle savait bien qu'il n'existait pas de cartes de voyage. Le seul moyen de trouver un endroit était de rencontrer quelqu'un le connaissant.

Malgré ses pauses régulières, la douleur dans sa jambe la fatiguait plus qu'elle ne l'aurait souhaité.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas couru aussi longtemps, ni subi une blessure aussi importante, ni aussi peu mangé… En réalité, elle était épuisée, mais refusait de l’admettre. Après tout, tant qu’elle était en vie, tout allait bien !

Lors d'une pause, elle s'assit au bord de la route, se remémorant tout ce qui l'avait conduite ici... Les douleurs, la fatigue, la faim endurée...

Elle se souvenait de ce qu'elle avait été, une petite fille brisée qui s'était reconstruite trop vite et qui avait perdu des pièces en chemin.

Elle avait abandonné ses rêves de pouvoir en tuant Brutus.

Ce n'était pas drôle, de tuer.

Et pour gagner, il faut tuer.

Mais, surtout, elle avait compris qu'elle n'était pas surhumaine, et que tout ce qu'elle s'était imposé, elle aurait pu le faire différemment. Mais le passé était si présent dans son esprit qu’il était déjà en train d'empiéter sur son avenir… Un avenir qui ne la faisait pas rêver.

Souvent, elle se demandait quel âge elle avait.

Surtout sur les places de marché, lorsque cela finissait en bataille de nourriture. Et qu'elle ne faisait qu'en profiter pour grappiller quelques fruits gratuitement...

Elle avait douze ans.

Elle était déjà fatiguée de vivre.

Isadora secoua la tête afin de chasser son passé de sa tête. Il surgissait toujours lorsqu'elle n'en avait pas besoin !

Lâchant un soupir torturé, elle se releva et recommença à marcher.

Courir ne servait à rien, sauf si elle souhaitait se briser l'autre jambe, ce qui n'était pas dans ses projets immédiats.

Les routes étaient encombrées de chariots et de soldats à cheval. Elle s'était toujours demandée pourquoi ces derniers continuaient à patrouiller. Même les pires racailles de la ville étaient presque inoffensives... De simples voleurs et prostituées qui tentaient de survivre. Il n'y avait aucun mal à tenter de vivre, tant qu'il n'y a pas de mauvaises intentions derrière les "crimes" commis.

Elle le savait bien, elle, que le travail n'était pas offert à tout le monde.

Plus elle s'éloignait de la capitale, plus les maisons perdaient leurs couleurs et plus les rues étaient grises, mornes et sans attirance.

Qui était donc l'imbécile qui avait laissé le plus beau profil de la ville tourné vers la mer ? Il aurait dû être partout !

Isadora continua sa "promenade" jusqu'à ce qu'elle aperçut une enseigne au-dessus d'une porte...

Homaï, Chirurgien-barbier

Sans plus réfléchir, la douleur prenant le dessus sur la raison, elle entra dans la maison.

一 Bon sang, mais qu'est-ce qui t'es arrivé ? clama la dame derrière le bureau miteux qui occupait tout un pan de mur.

一 Oh, un acci-

Mais elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, la femme l'avait poussée dans un fauteuil moisi et inspectait sa jambe.

一 Je n'ai rien vu de tel... Et tu continue de marcher ?

一 Ben... Oui ?

一 Bon sang, bon sang, bon sang, marmonna-t-elle avant de poser solidement ses mains sur la jambe et de serrer fort.

Un Crac ! se fit entendre et les larmes montèrent aux yeux d'Isadora.

一 Mais vous êtes folle ! C'est douloureux !

一 C'est mon métier. Et puis, si tu ne fais pas trop d'effort, ta blessure sera complètement guérie d'ici deux jours.

一 Deux Jours ! Et puis, c'est le travail du docteur Homaï, non ?

La femme eu un rire.

一 Je suis le docteur Homaï… Mais il faut un nom d'homme pour exercer un tel métier.

一 Je comprends…

Tout devenait bien plus logique… Elle l’avait jugée bien vite !

Avec un sourire amical, bien que légèrement édenté, la femme la poussa à l'extérieur en lui servant un monceau de recommendations comme : "ne pas courir, ne pas y toucher, ne pas tenter de faire la même chose qu'elle, ne pas sauter..."

Mais il lui restait tant de chemin à faire !

Conseils de prudence ou non, elle reprit sa route.

Elle savait qu'elle était proche du but, au loin, elle voyait l'arche qui séparait la capitale de la ville sa plus proche... Qui y était tout simplement accrochée comme une moule à son rocher.

3 rue du Petit bois...

一 Continuez tout droit puis tournez à gauche, fit un gros barbu non loin.

一 Euh... Merci.

Sa solitude devait être réellement grande pour qu'elle se mette à penser à haute voix. Les Dieux eux-même ne savaient pas à quel point elle avait hâte de trouver cet Élu, d'être persuadée que "Flamme" était bien le fils Olda.

Ne plus être seule.

Discuter.

Rire.

S'entendre.

Être écoutée.

Être aimée.

Avoir un ami.

Avoir un allié.

Elle avait passé son temps avec Brutus.

Elle avait discuté avec Carlo.

Elle avait ri avec les garçons de ferme.

Elle s'était entendue avec Maï.

Elle avait été écoutée par les marins dans le port.

Elle avait été aimée par Will.

Herbert avait été son ami.

Shu était son allié.

Était-il possible que quelqu'un puisse être tout cela à la fois ? Les Élus se complétaient-ils parfaitement ? Quel était le caractère de ce "Flamme" ? Et des autres ? Serait-elle, pour une fois, acceptée sans condition ?

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