Chapitre 4

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7 h 50, c'est l'heure de s'échauffer !

Les garçons du vestiaire et moi, tous en short, débardeur et baskets noires, sortons dans le stade, en trottinant sous les acclamations du public, plus nombreux que tout à l'heure (et donc plus bruyant). Un homme nous attend.

Il a un visage émacié, les cheveux longs, noirs, attachés en catogan et ne sourit jamais : c'est le directeur du stade. Lui aussi est vêtu d'une tenue de sport, sauf que la sienne est rayée, en noir et blanc - d'ailleurs assez moche. C'est sûrement pour représenter filles et garçons mélangés. Je grimace à la simple idée d'avoir ce genre de vêtement dans mon armoire.

Elles nous rejoignent, n'empruntant pas la même porte que nous pour sortir. Sloane vient aussitôt se mettre près de Liago et moi, souhaitant visiblement quitter son groupe le plus rapidement possible. Chose d'ailleurs parfaitement compréhensible.

- Allez ! s'exclame le directeur du stade en tapant vigoureusement dans ses mains. Vous allez faire un tour de terrain pour vous échauffer et ensuite, les filles, vous irez directement vous placer sur la ligne de départ. Vous, les garçons, vous passerez quand elles auront terminé. On fera les podiums quand vos deux catégories auront fini leur course. Plus vite que ça ! ajoute t-il en voyant que personne ne bouge.

Nous commençons donc à courir, la boule que j'ai dans le ventre se desserre légèrement. Nous allons tous à peu près au même rythme, si bien que nous ne formons qu'un seul groupe, et, serrés comme nous le sommes, nous nous marchons presque dessus. Pour éviter de tomber pitoyablement par terre dès l'échauffement, il faut faire très attention. L'endroit où nous posons nos pieds peut s'avérer déterminant pour la suite.

Une fois le tour d'échauffement terminé, nous suivons les ordres du vieil homme grincheux et nous dirigeons vers la ligne d'arrivée avant de nous asseoir au bord du terrain, regardant les filles prendre position.

Le directeur du stade arrive, suivi du directeur de la piscine et du directeur du gymnase. Comme ont dit, le meilleur pour la fin. Après eux, le Sage fait son apparition. La foule applaudit bruyamment (pour changer) et, me tournant vers Liago, je vois que ses yeux jettent des éclairs.

Les plus âgé des trois hommes, celui qui, il y a une semaine déjà, nous avait présenté cette idée tordue, s'empare d'un micro sans fil et prononce son discours :

- Si vous êtes tous réunis ici, c'est pour célébrer la victoire, la réussite et la chance. La chance, la réussite, celle de vos enfants ! De nos enfants ! Cela n'arrivera qu'une seule fois dans leur vie, une seule fois, et cette seule fois, c'est aujourd'hui !

En tant que bonne spectatrice, la foule applaudit à nouveau, et les garçons le font aussi, même si Liago et moi suivons le mouvement à contrecœur.

Quant à Sloane, elle est en position de départ, plus concentrée que jamais, prête à partir dès qu'elle entend le mot "top".

- Ce sont les jeunes filles qui s'apprêtent à partir, poursuit le doyen, elles...

- TOP ! hurle soudain Liago.

Le discours du Sage, plus que répétitif, est enfin interrompu, et cette attente interminable prend fin. Aussitôt, toutes les filles se mettent à courir, et, voyant le sourire satisfait de mon ami, je comprends qu'il a pris sa revanche. Je lui jette tout de même un regard interrogateur, et lui demande, doucement :

- Tu crois pas que c'était dangereux ? Le Sage a énormément de pouvoir, et...

- Honnêtement, je m'en fous, souffle Liago. Il avait qu'à pas me provoquer, ce con.

"Ce con" s'approche de nous à grands pas, visiblement furieux.

- Toi ! s'exclame t-il avec colère, pointant vers mon ami un doigt accusateur.

- Moi ? répète le jeune homme innocemment.

Mais mon ami ne bouge pas d'un pouce, augmentant la rage du doyen , qui hurle à plein poumons :

- Viens avec moi ! TOUT DE SUITE !

Si ami comprend qu'il n'a pas le choix, il semble prendre un plaisir sincère à voir ce visage d'ordinaire si calme, complètement rougir en si peu de temps. Il le suit donc, d'un pas nonchalant, les mains dans les poches de son short, marchant le plus doucement possible. Il met tant de mauvaise volonté que je ne peux que l'admirer : c'est bien le seul à oser s'opposer au Sage - ou en tous cas à le mettre autant en avant.

Les autres garçons, s'ils ont compris ce qu'ils s'est passé, ne laissent rien paraître et suivent la course avec une attention surprenante. Dans la foule, j'aperçois mes parents me faire des grands signes, sans doute en train de se demander où va Liago. Mais même moi, je n'en ai aucune idée.

                    .oOo.

Les filles entament leur dixième et dernier tour, et mon ami n'est toujours pas de retour. Je le cherche des yeux, jetant des coups d'œil nerveux et réguliers à la porte derrière laquelle il a disparu, celle menant au couloir des vestiaires "Hommes".

Je me concentre d'avantage sur Sloane, qui est quatrième pour le moment, devancée par Celeritate et deux filles que je ne connais pas, notre ennemie de toujours menant le petit groupe.

Plus elles se rapprochent de la ligne d'arrivée, plus elles accélèrent, plus je vois mon amie grimacer. Allez, plus que 200 mètres !

Je me lève, incapable de contenir mon impatience : Sloane doit gagner ! Elle fait une course exceptionnelle et mérite cette victoire.

C'est à présent au sprint que tout va se jouer : l'une des deux filles (que je ne connais pas), en deuxième position, semble décrocher, et est aussitôt doublée par les deux autres coureuses. Sloane saisir l'occasion et accélère, double Celeritate, mais la dernière fille, aux cheveux noirs, accélère à son tour et s'éloigne du petit groupe, en tête. Elle creuse trop l'écart !

50 mètres... Dans un ultime effort, mon amie tente de doubler à droite, accélérant de nouveau, mais ce n'est pas suffisant pour rattraper la première, qui passe la ligne d'arrivée devant elle.

La foule applaudit le magnifique sprint, et, déçu, je cours vers Sloane. Elle a tout de même fait une belle course !

- Bravo ! la félicité-je. Tu pourras quand même te vanter d'avoir doublé Celeritate !

- Ouais, me répond t-elle en souriant faiblement, épuisée. Je l'ai battue, ça c'est cool. Mais bon, j'ai pas gagné, et je voulais vraiment sortir d'ici. Respirer un air nouveau, tout ça. Une prochaine fois peut-être.

Elle me sourit, bien que je sache comme elle que ses derniers mots n'étaient pas sincères. Nous sommes tous les deux convaincus qu'il n'y aura aucune autre occasion similaire, et, pour le moment, aucun élément ne vient nous contredire.

Sloane regarde autour d'elle, semblant chercher quelque chose. Les sourcils froncés, elle m'interroge :

- Liago n'est pas avec toi ?

Je lui explique ce qu'il s'est passé, tout en regardant autour de moi à mon tour. Après tout, il n'a pas pu se volatiliser !

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