Passion meurtrière
Il se tient devant la porte de sa chambre, une main hésitante posée sur la poignée.
Il s'est habillé du mieux qu'il pouvait, du mieux qu'il sait faire : une chemise noire ouverte de quelques boutons et un jean bleu clair.
Ses longues boucles brunes, il y a passé une éternité inhabituelle. Il veut être parfait.
Le cœur battant, tremblant comme une feuille, il ouvre la porte.
Sa chambre est plongée dans une obscurité que seule la lune éclaircit. Et au milieu de celle-ci, une femme.
Elle est terrifiée, chevilles et poignets liés à une chaise en bois. Ses yeux s'écarquillent encore plus lorsqu'elle le reconnaît. Elle lance un cri qui s'étouffe dans un bâillon de tissu.
— Tu ne sais pas à quel point tu me fais mal, Zoé, s'exclame l'homme s'écroulant en larmes.
Après une brève pause, il continue :
— Un an et deux mois que tout est parti en vrille à cause de cette dispute puérile. Tu étais tout ce que j'avais, tout ce que j'aimais, tout ce que je voulais être.
Il se relève, se rapproche doucement d'elle et lui caresse le visage tendrement, avant de continuer son monologue, une rage montant :
— Je suis tombé addict de ta voix, de ton regard, de ton corps, de t'entendre prononcer mon prénom. Je t'ai tellement enviée pour cette emprise que tu avais sur moi et sur les autres. J'ai tout fait pour te ressembler.
Alors, il lui agrippe ses cheveux fins puis, en tirant fortement dans des directions opposées, il s'exclame :
— Quand on s'est quittés, j'étais obsédé par toi. Tu étais PARTOUT ! Regarde ! Cette chemise, c'est toi qui l'as choisie, comme mon style, que j'apprécie tant ! Ma répartie, mon caractère ? Tout vient de toi !
Il hurle de rage et la gifle en criant :
— La moindre pensée de toi, même la plus insignifiante, déclenche une tempête en moi. J'ai envie de vomir, de pleurer, de hurler, de tout casser. Tout ça, à cause de ta stupide susceptibilité, on était si bien à deux !
Il reprend son souffle un instant avant de reprendre de plus belle :
— Tu m'as détruit en partant ! J'ai tout perdu ! Mes parents, mes études, mes talents ! Il ne restait plus que ta pensée pour me hanter, continuer de me pourrir la vie, et me torturer chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Tu vas le payer ! Toi aussi ! Tu vas tout perdre !
Il saisit un objet sur le bureau avant de le lui montrer juste devant les yeux, un anneau en fer accompagné de deux lanières en cuir.
— C'est incroyable ce que l'on peut trouver sur Amazon !
Zoé, affolée, fait non de la tête, accompagnée d’un visage marqué par la terreur.
Lui, avec une brutalité inhumaine, lui arrache le bâillon de fortune, lui rendant l’usage de la voix, qu’elle s’empresse d’utiliser :
— Julian ! Arrête, s’il te plaît ! C’est toi qui es parti ! Je suis désolée, si j’ai été rude. Mais je t’ai jamais demandé de partir !
— Menteuse ! Ton silence assassin, les vues sadiques que tu m’avais laissées ! Tu ne me voulais plus. Tu l’avais dit toi-même : "On n’est plus potes !".
— Mais t’as complètement craqué ! Qu’est-ce qui t’arrive ?
Il lui saisit subitement un sein d’une main et l’enserre fort jusqu’à lui faire mal.
Surprise, elle s’apprête à hurler la bouche ouverte, quand de son autre main il met en place le dispositif de torture, étouffant son cri dans un gargouillis incompréhensible.
— Pas le temps… Les quinze minutes vont arriver si vite !
Il saisit une pince et un ciseau avant de lâcher dans un soupir :
— Ta voix… Même ces quelques mots m’ont retourné. Si envoûtante, elle ne peut perdurer !
Ses larmes coulant à flot, Zoé tente de hurler du mieux qu’elle peut, tout en se débattant de toutes ses forces.
Mais rien n’y fait ou ne semble le perturber. Vide de toute humanité, semblant inarrêtable, il s’approche lentement vers elle, outil à la main.
Les yeux de Zoé fixés sur les instruments chromés, le temps semble ralentir. Puis son cœur s’affole quand la pince pénètre dans sa bouche si vulnérable.
La langue claque dans la bouche comme un papillon en cage jusqu’à ce que dans un claquement la pince se referme sur le muscle qui se débat mais est impuissant face à la prise de l'ustensile, Zoé haletante hurle à plein poumons, son visage livide bientôt transparent.
Lentement, l’appendice est sorti. Totalement concentré, Julian ne dit plus un mot.
Une fois satisfait de cette première étape, il approche les lames du ciseau… les fait glisser sur la muqueuse avant de les refermer lentement, tranchant à travers les cris, le sang et les larmes, la chair.
Un bout tombe à terre, détaché, il semble vivant quelques instants en se débattant avant de se stopper, de se relâcher totalement, inerte.
Zoé, elle, ne s’est pas arrêtée de hurler un son inhumain tandis que bave et sang tombent sur sa poitrine et ses cuisses.
Comme en transe, lui, continue :
— Ta bouche, si belle, si fine, si… séduisante. Elle ne peut rester comme ça. Elle ne doit plus me faire ces sourires qui me rendaient si fou amoureux.
Lentement, les lames se positionnent sur le coin de ses belles lèvres avant de lui déchirer la joue.
Elle s’en étouffe presque, toussant du sang dans toutes les directions, éclaboussant Julian, qui, imperturbable, continue :
— Et puis tes yeux… Ce regard si perçant me rappelle tant de regards envoûtants qui m’ont marqué comme ces lames sur ton visage.
Sans merci, il lui plante le ciseau dans son œil gauche.
Les cris font alors vibrer l’ensemble de la pièce. Tout le quartier est sûrement réveillé quand il retire son œil comme on saisirait un sushi avec des baguettes avant de complètement l’arracher avec sa main libre.
Comme après le bouquet final d’un feu d’artifice, le silence prend place. Elle s’arrête de crier, son corps s’affaisse et devient lâche.
— Zoé, s’écrit-il en la secouant violemment !
Il hurle de rage avant de s’exclamer :
— Pourquoi ? Pourquoi ai-je toujours aussi mal ?
Il pointe son cœur, de la lame des ciseaux, en criant :
— Là ! Là, c’est là que j’ai mal !
Dans un élan de colère, il lui plante les lames en plein cœur, avant de saisir le visage défiguré qui n’a même pas bronché sous l’attaque.
— Tu vas me faire souffrir encore longtemps ? Hein ? Zoé ! Combien de temps encore ?
Sans réponse, il s’enrage une nouvelle fois, donnant un violent coup de genou dans la tête lâche déjà maculée de sang.
Il se relève et se dirige vers la fenêtre de la chambre, l’ouvre, libérant le son étouffé des sirènes. Puis soupire :
— Alors si c’est la seule solution pour me débarrasser de toi…
Sans hésiter, il monte sur le bord et saute du cinquième étage.
Fin.
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