L’aube

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J’ai commencé pour la première fois hier. Pourtant, cela faisait longtemps que j’y pensais. Depuis la primaire peut-être. À l’époque, je n’avais que ça, mes pensées, alors j’imaginais. Quoi que cela restait une idée, une scène, pas vraiment d’action. Mais rien que de pouvoir me le permettre : une piece, une table, le placer dessus, le voir allongé là. C’était déjà une victoire. Ça rééquilibrait la vie.

Oh et puis j’ai grandi. J’ai pensé à lui pendant de nombreuses années, après l’avoir vu pour la dernière fois. Comme une énigme intérieure, un pourquoi qui reste en suspens, qu’on essaye de comprendre, on ne sait pas qu’il nous manque beaucoup trop de cartes pour trouver une réponse. Alors on avance, rempli de doutes, de vide. Ou plutôt trop plein de questions.

Il y en a eu d’autres, chacun a laissé sa marque, son trop, son vide. Est-ce que j’imaginais encore ? Non. Il n’y a qu’avec lui que je l’ai fait. Pour les suivants cela ne me venait même pas à l’esprit. Ils m’éloignaient sans doute tous un peu plus de moi-même.

J’ai fini par accepter et puis j’ai plongé. Tête la première dans la drogue, les soirées, cet autre vide qu’on croit si plein. Ces multiples relations, aussi facile que d’acheter des bonbons. Moi qui croyais que je ne plaisais pas. Plusieurs ont abusé. Peut-être un m’a drogué.

Mais hier je n’ai pas supporté. Hier je l’ai frappé. Avec la lampe de chevet. L’angle s’est coincé dans son crâne. On a beaucoup plus de force avec l’adrénaline ajouté aux amphétamines.

J’ai vu le sang. Sur le moment j’ai juste été soulagée qu’il ne puisse plus bouger. Il me semblait juste allongé là, à côté de moi. Je me suis décalée délicatement, comme s’il s’était endormi et que je ne voulais pas le réveiller. Je suis allée prendre une douche.

Quand je suis revenue, les draps étaient maculés. Ça saigne beaucoup la tête. C’est ce que tout le monde dit. Eh bien, oui c’est vrai.

Il n’était pas très grand. Je me suis demandée si je pouvais le déplacer, j’aurais voulu nettoyer. Je n’ai pas pensé appeler la police, pas confiance. Qu’est-ce que j’allais faire ? Alors bien sûr dans les films ou les séries, on trouve toujours une solution pour se débarrasser d’un corps, mais moi, non.

J’ai réfléchi longtemps, jusqu’à midi. Puis j’ai eu faim. Alors j’ai quitté la pièce. J’ai bien fermé la porte et je suis allée prendre un petit déjeuner dehors. Finalement des potes m’ont proposé open air, j’y suis allée. On a enchaîné avec une soirée, je suis rentrée avec un autre.

En mettant la clé dans la serrure, je me suis souvenue. Alors je l’ai dirigé vers le salon. Je lui ai demandé de nous rouler un petit, pour nous détendre. Je suis allée dans la chambre et en revenant je l’ai frappé. Il est tombé d’un coup. Elle est très efficace cette lampe. J’ai fini de rouler et j’ai fumé. Je suis restée un moment à la fenêtre, dans le calme de l’aube. Puis je suis retournée dans la chambre. Elle est vraiment loin de l’entrée. Je n’ai pas réussi à me débarrasser du corps. J’ai acheté de la litière, de la sciure en quantité, en très grande quantité. C’est étrange. Pourtant je croyais que c’était hier.

Mais il n’y a pas qu’un corps dans ma chambre, bientôt il y en aura quatre.

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