La Lettre
Je commence cette lettre sur les chapeaux de roues. Au vif de ce sujet qui me tortille le cœur, le corps et l'esprit depuis presque des années déjà. Mais avant de vraiment plonger les bras en avant et les yeux fermés, je tiens seulement à te dire que : cette lettre ne nécessite aucune réponse, elle n'engage à rien et rien ne changera jamais entre nous sauf si tu le décides.
J'ai conscience que mes mots actuels sont seulement en train de faire monter une angoisse pas très agréable chez toi au fur et à mesure que tu lis ces mots mal maîtrisés. Je suis tout autant stressée. Je n'ai jamais su exprimer correctement la teneur exacte de mes sentiments. Et aujourd'hui, sur ce papier, je vais essayer.
Jamais je ne t'ai menti. Même quand je disais que je ne m'envisageais pas dans une relation amoureuse, que je n'arrivais pas à me visualiser avec une personne, que ça me semblait assez absurde. Même au moment où je t'écris ces mots, quelque chose en moi persiste : comment est-ce que je pourrais être un jour avec quelqu'un ? Est-ce que ça ne serait pas étrange ? Je ne sais pas aimer. Je ne sais pas dire que j'aime. Je ne sais pas montrer que j'aime. Je ne sais pas prendre les gens dans mes bras. Je ne sais pas être prise dans des bras. Je ne sais pas être embrassée. Je ne sais pas comment ni quand embrasser. Tenir une main, supporter un regard, enlacer, réconforter, être tendre, être douce, aimer physiquement, aimer avec les mots... Tout ces gestes tendres, si communs mais si doux... Je ne les imagine pas pour moi. Pourquoi les mériterai-je ? Comment puis-je les faire ? Je ne suis même pas capable de ressentir le bien-être que pourtant vous ressentez, que tu ressens quand quelqu'un te prend dans ses bras. Alors, pourquoi mériterai-je de la tendresse, de l'attention, de la douceur si je ne sais même pas la ressentir ?
Et pourtant. Quand je dois imaginer être prise dans des bras, essayer de prendre dans mes bras, c'est avec toi que ça me paraît le moins absurde. Quand j'imagine supporter un regard, c'est avec toi que ça me paraît le moins étrange. Mais je ne fais qu'imaginer, n'est-ce pas ? Dans les faits, en serai-je capable ? Serais-je capable de te tendre mes bras pour que tu puisses t'y sentir bien ? T'y sentirais-tu bien ? Je ne sais pas aimer. Je ne suis pas tendre. Et pourtant, j'aimerais l'être. J'aimerais pouvoir le devenir pour toi.
Je n'ai besoin que de toi. Ça tu le sais déjà, j'ai du te le répéter maintes et maintes fois. Je suis un disque rayée. Je suis désolée. Mais je n'ai besoin que de toi. Je ne peux entretenir une relation stable qu'avec toi. Si je dois m'imaginer parler à quelqu'un, c'est avec toi. Partager quelque chose avec quelqu'un, c'est avec toi. Tu es ma constante, ma constance au quotidien. Le repère dont j'ai besoin pour réussir à me mettre en marche pour de vrai. Le pilier qui m'aide à maintenir mes efforts. La seule personne pour qui faire tout ces efforts valent la peine. La seule personne pour qui ces efforts mêmes me viennent naturellement et ne sont pas vains.
Je m'étends et les mots, même s'ils me viennent de plus en plus naturellement, sont difficiles à coucher ici. Les mots ont un poids. Dès qu'ils sont couchés, ils deviennent vrais et les retirer est trop difficile. Voire impossible. Et ces mots que je veux te donner à lire, à voir, à ressentir, je veux que ce soit exactement les bons. Tu ne mérites que les bons mots, ceux si exacts qu'ils ne peuvent être remplacés. Et si je n'étais pas à la hauteur ?
C'est ma plus grande peur, et tu le sais. Mais je crois que c'est bel et bien le cas, n'est-ce pas ? Je ne suis pas vraiment à la hauteur. Je n'envisage ma vie que si tu es dans celle-ci, c'est assez inconditionnel. Tu apportes et tu es tout ce dont j'ai besoin, alors... C'est inconditionnel. Tu m'as confié également que tu me voyais dans ta vie pour toujours, que ce n'était pas possible autrement. Je te crois. Je veux ce toujours. Je veux apprendre à entretenir ce toujours, à choyer cette vision de ton toujours. Je veux apprendre, je veux savoir, je veux ressentir. Auprès de toi. Mais j'ai peur de ne plus être à la hauteur.
Tu as besoin autant que tu mérites cette tendresse folle, cette douceur spontanée et réconfortante, ces sourires, ces baisers et ces regards que seules deux personnes uniques l'une pour l'autre savent échanger. Mais moi je ne sais pas. Et si je ne savais jamais ? Je veux savoir. Pour toi, je veux savoir, je veux découvrir. Et si je n'étais juste pas assez ? Trop insuffisante ? Trop cassée ? Avec ces pièces de moi qui s'éparpillent parfois quand tout est trop dans le monde et que je ne suis plus assez, j'ai peur que tu ne me trouves pas assez. Je veux l'être. Pour toi, encore une fois, et que ce encore une fois s'habille de ce toujours dont tu me parles souvent.
Je n'envisage un avenir que si tu es à mes côtés, de quelques façons que ce soit. Seulement si tu es à mes côtés. Me tenant la main ou non, peu importe. Ta présence compte plus qu'assez. Déjà, tu es là, avec moi au quotidien. Comment fais-tu ? Moi qui ne sais pas aimer correctement, comment toi tu sais m'aimer ? Ça me fascine. Je veux savoir en faire de même, te le dire, te le montrer pour de vrai et d'un coup, devenir assez. Pour toi.
Cette lettre, elle n'est là que pour te dire ça. Tout ces mots juste pour ça. Juste pour te dire que je veux apprendre. Apprendre à être à la hauteur, apprendre ces gestes, ces mots, les apprivoiser, les faire miens puis les faire tiens. T'offrir toutes ces choses que je ne connais pas encore, et n'en faire cadeau qu'à toi. J'aimerais déjà savoir le faire. Mais je ne sais pas encore, peut-être ne saurais-je jamais. Mais je veux te rendre heureuse.
Si ces mots ne nécessitent pas de réponse, c'est parce que je veux que tu sois heureuse. Quelque soit tes pensées à ce sujet, ce que tu auras envie de me dire ou non, si c'est la décision qui te rend heureuse ; alors je serai heureuse. La seule chose que je demande, c'est ta sincérité et tes mots les plus francs pour ce toujours que tu ne réserves qu'à nous. Tes mots pour que je sache. Tes mots pour que je comprenne. Tes mots pour que je sois à même de savoir te rendre heureuse et voir le bonheur s'épanouir en toi, sur toi, autour de toi, avec toi. Te voir heureuse.
Je ne sais pas aimer, et j'ai peur de ne pas être à la hauteur de ce dont tu as besoin et de ce que tu mérites. Mais quelques mots de toi, et j'apprendrai. J'apprendrai avec toi, pour toi. Parce que je veux te voir heureuse.
Je ne sais pas aimer. Je ne sais pas comment être aimée. Je ne sais pas comment donner de l'amour. Et pourtant, pour toi je veux essayer. Je serai prête à essayer. Pour toi.
Pour toi.
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