Et à la fin, triomphe le bien ?

8 minutes de lecture

Un bruissement fit tourner la tête de Malthor. Un corbeau, noir comme la cendre, était perché sur le torse du cadavre juste à côté de lui.

L’oiseau pencha la tête, l’observa en train d’agoniser puis plongea son bec dans la chair sans hésitation.

Un bruit sec et répétitif qui lui rappela la montée des soldats sur les remparts pour observer le démon de feu qui approchait lentement.


Il semblait avoir été forgé dans de la lave en fusion. Haut de près de quatre mètres, sa carapace était une armure de basalte craquelée, laissant entrevoir des veines incandescentes. Des cornes torsadées, semblables à des pics volcaniques, jaillissaient de son crâne et une crinière de flamme dansait dans son dos projetant des étincelles à chaque mouvement.


A chacun de ses pas, le sol se consumait, laissant derrière lui des empreintes brûlantes.

Les compagnons se regardèrent très impressionnés puis tournèrent leur visage vers Malthor qui, heureusement, ne laissait transparaître aucune émotion.

La seule bonne nouvelle était que le flot des wendigos se tarissait enfin.

Mais ces derniers avaient entamé l’ascension de la seconde enceinte, grimpant rapidement et en silence, collés à la paroi.

Enguerran organisait la défense :


— Archers, décochez les flèches ! Les autres, allez chercher tout ce que vous trouvez : pierres, sauts, bâtons et jetez-leur pour les faire tomber !


Mais ce n’étaient pas les remparts relativement hauts qui inquiétaient le chevalier, c’était la porte en bois qui donnait accès à la seconde enceinte. Elle avait beau être massive, elle ne résisterait pas longtemps. Pourtant les ombres noires ne semblaient pas chercher à la défoncer et préféraient escalader.


Le chevalier répartit les hommes restant sur les remparts mais ils avaient subi de lourdes pertes : seule une centaine de mercenaires et un tiers des soldats et paysans avaient survécu. La cour extérieure était tapissée de cadavres.


Mandrax observait le démon qui approchait :


— Ma magie ne pourra pas faire grand-chose contre lui.

— Comment s’en débarrasser ? demanda Mathor soudain inquiet.


Le magicien lissa lentement sa barbe et quitta des yeux le monstre enflammé pour se tourner vers eux :


— Aucune de nos armes ne l’atteindra. Seule la dague que j’ai donnée à Aure peut le neutraliser, si nous lui plantons dans le cœur.

— Mais il ne nous laissera jamais atteindre son cœur, s’étrangla Raguard.

— Nous devrons le combattre ensemble de façon synchronisée, proposa Skögul.

— Et en évitant les flammes qu’il crache, tempéra le magicien.

— Nous devons d’abord éliminer les wendigos restant conclut Aure d’une voix qui ne tremblait pas.


D’ailleurs, les premiers hommes en noir commençaient à atteindre le haut de la seconde enceinte. Les combats reprirent avec la plus haute intensité, ces wendigos semblaient inépuisables.

Soudain, des cris vinrent du ciel et Enguerran vit les aigles à 2 têtes qui revenaient lâcher leurs pierres. Mandrax réussit à s’extirper des combats pour leur envoyer des sorts mais ni Skögul ni les autres archers ne purent l’imiter.

Les aigles lâchèrent donc leurs lourdes pierres sur les murs de la deuxième enceinte. Sentant qu’ils ne résisteraient pas longtemps, Enguerran cria à ses compagnons de descendre des remparts. Et effectivement, ils avaient à peine rejoint la cour intérieure que des morceaux de mur s’effondrèrent peu à peu, emportant autant de soldats et paysans que de wendigos.


Ils se regroupèrent avec les quelques hommes restant devant la petite porte en fer qui menait à la dernière enceinte et au donjon.

Il restait une centaine d’ombres noires et le démon atteignait les premières ruines du château.

Ils étaient moitié moins nombreux pour les combattre.

Et les paysans enfermés dans la dernière enceinte avec la comtesse et quelques gardes n’avaient pas l’intention d’en sortir pour les aider. Tout comme les quelques paysans à l’extérieur encore en vie qui préféraient fuir avec leurs familles par les trous béants faits dans les remparts.


Aure ne faiblissait pas et continuait à tuer autant de wendigos qu’elle le pouvait. Skögul était à ses côtés. A chaque tête décapitée, à chaque torse transpercé, elle pensait à son père, à son frère, à sa sœur. Tous les hommes autour d’elle étaient impressionnés et se sentaient galvanisés par son ardeur.


Dans un flash, Malthor se remémorait découvrant la toison d’or de l’intimité d’Aure et chatouillant lentement son clitoris. Elle se cambrait et entamait un lent va et vient avec ses hanches, envahie par une chaleur nouvelle et délicieuse. Puis il se mit à mordiller ses tétons en même temps et elle ne put réprimer un cri de plaisir. Les yeux fermés, concentrée sur sa jouissance, elle cherchait le membre de Malthor pour lui rendre la pareille…


Mais l’odeur de chair brûlée qui régnait encore sur le champ de bataille le ramena au combat.

Le démon avait surgi dans la cour et se mit à brûler tous ceux qui étaient à sa portée, ne faisant aucune distinction entre les wendigos et leurs ennemis.

Il était encore bien plus impressionnant de près, surtout ses yeux : deux orbes flamboyants, sans pupilles, irradiant une haine millénaire. Un petit rugissement guttural précédait ses vomissements de flammes.

Les derniers mercenaires s’enfuirent poursuivis par les dernières ombres noires qui ne demandaient pas mieux que de s’éloigner de ce démon.


Le moment était donc arrivé : Aure, Enguerran, Malthor, Skögul, Mandrax et Raguard face à l’incarnation du mal…


Ils se déployèrent rapidement autour de lui, essayant de rester en mouvement pour éviter de se faire rôtir.

C’est Malthor qui le frappa le premier à la jambe avec sa lourde hache. Le démon se tourna vers lui et lâcha un jet de feu que le colosse évita de justesse.

Skögul profita de cette diversion pour lui envoyer un couteau dans l’œil. La lame se mit à fondre une fois rentrée dans sa pupille et le monstre s’agita d’autant plus. Il projeta une flamme circulaire autour de lui en faisant de lents moulinets avec ses bras massifs.


Handicapé par son armure, Enguerran ne put l’éviter et il s’écroula, carbonisé, sur le sol.


Aure voulut aller le sauver mais Skögul la retint en arrière en lui adressant un regard pour lui faire comprendre que c’était trop tard.

Malthor en profita pour essayer d’atteindre le démon qui, d’un coup de ses griffes, lui taillada le bras droit. La violence du choc le fit basculer. Raguard qui se tenait à côté et avait suivi la scène se précipita devant le monstre.

Et c’est lui qui fut brûlé vif à la place du colosse. Malthor se redressa et s’écarta rapidement en regardant son frère d’armes qui s’était sacrifié pour lui hurler avant de succomber.


Tout allait tellement vite.


Aure, sentant qu’ils allaient tous y passer, prépara la dague et Mandrax, resté à l’écart pour éviter les flammes, en profita pour intervenir :


— Sort d’éblouissement, profitez-en !


Il avait à peine fini sa phrase qu’une boule de lumière surgit de ses mains alors que l’extrémité d’une flèche apparut dans sa bouche ouverte.


Et il s’écroula de tout son poids devant les regards consternés de ses camarades.


Les survivants virent alors trois wendigos à quelques mètres qui les visaient avec leur arc. Ils avaient certainement exterminé les derniers mercenaires et étaient revenus terminer le travail.

Malthor, ébloui par le sort du magicien, ne vit pas arriver la flèche suivante qui transperça sa cuisse gauche.


Il mit un genou à terre.


Vive comme l’éclair et malgré le peu de visibilité, Skögul sortit deux couteaux et les lança sur deux hommes en noir qui ne purent les éviter. Mais le troisième décocha sa flèche quelques secondes après et elle transperça son cou.


La valkyrie s’effondra à son tour, le sang giclant de sa carotide.


Tout cela n’avait pris que quelques secondes.


Aure était grimpée sur la jambe du démon pour atteindre son cœur. Ce dernier, encore aveuglé par le sort de Mandrax, la manqua avec sa lourde griffe.

Elle allait enfoncer la dague dans son cœur quand le dernier wendigo décocha une nouvelle flèche. Mais Malthor avait réussi à se redresser entre-temps et il leva son bras gauche pour qu’elle transperce sa main et n’atteigne pas Aure.


Il laissa échapper un râle quand le métal transperça sa chair.


Il aurait sacrifié sa vie pour elle.


Il se souvint alors quand il la pénétra avec toute sa vigueur, la sensation qu’il éprouva dans son sexe chaud et humide pendant qu’elle lui agrippait le dos. Le va et vient au-dessus d’elle, leurs bouches en contact, ses mains caressant son visage. Ses yeux cherchant les siens.


La dague d’Aure s’enfonça dans le cœur du démon qui disparut dans un tourbillon de flammes.

Elle regardait avec soulagement les fumées du démon se dissiper quand une nouvelle flèche tirée par le dernier wendigo qui s’était rapproché lui atteint la cuisse.

Elle poussa un hurlement. La sensation nouvelle du métal froid dans sa cuisse en feu décupla sa rage. Et malgré la douleur, elle bondit vers son dernier ennemi avant qu’il n’ait eu le temps de réarmer son arc ou sortir son épée.


Elle lui trancha le bras gauche avec sa lame.

Dans un râle, le wendigo attrapa son épée avec son bras droit pour frapper Aure mais elle esquiva et lui taillada le mollet. Il mit un genou à terre et au moment où il relevait la tête, elle le décapita.


A bout de souffle et les yeux encore enragés, elle regarda autour d’elle et tout était calme.


Tous les wendigos étaient morts.


Elle était vengée.


Son père, son petit frère, sa jeune sœur.


Ils pouvaient reposer en paix.


Elle s’agenouilla à côté de la dépouille de Skögul et fit lentement glisser ses paupières.

Tout danger étant écarté, la comtesse fit ouvrir la petite porte en fer et se précipita vers le corps de son fils qui respirait à peine. Elle hurla pour appeler à l’aide.

Les quelques hommes postés derrière la porte attendaient, encore traumatisés, un ordre d‘Aure pour s’avancer.


Aure s’approcha.


— Mais qu’est-ce que vous attendez, faîtes-le secourir, vous voyez bien qu’il va mourir ! s’indigna la comtesse penchée sur Malthor en la regardant à peine.


La demoiselle la fixa de son regard noir et lui trancha la gorge.


Elle avait le même regard lorsque Malthor jouit en elle. Il avait son visage gravé dans sa mémoire et avait été marqué par le contraste entre le plaisir que son corps manifestait et l’indifférence froide de ses yeux. Il était incapable de savoir si elle ressentait de l’amour ou de la haine.


Aure jeta un regard furtif en direction du colosse, écrasé par le cadavre encore chaud de sa mère.


Il tendait une main tremblante vers elle.


Elle partit vers la petite porte en fer. Les quelques hommes restés dans la dernière enceinte s’écartèrent à son passage.


Dans un dernier souffle, Malthor rendit l’âme en la regardant s’éloigner.


Une odeur de cendres et de mort saturait l’air ambiant.


Malgré la douleur et le sang qui coulait sur sa cuisse, elle gravit une à une les marches du donjon.


Arrivée au sommet, elle contempla le champ de bataille et ses terres du Dual et de Sasse qui s’étendaient à perte de vue.


Elle venait d’avoir dix-huit ans.


Elle était une femme maintenant.


Et plus rien ni personne ne l’empêcherait de régner sur l’Ouest.


FIN

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Nicolasm59 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0