Pour certains, la période du tout premier confinement suite à la Covid-19 et l'été qui vint fut une bouffée d'oxygène, comme un interlude dans la vie : les beaux jours étaient là, chacun profitait des rayons du soleil, on ne pensait plus à la pression de l'école, du travail, l'angoisse du temps qui file sans que l'on ne puisse le rattraper. J'ai déjà entendu autour de moi dire que l'on aimerait bien retourner à cette époque.

Pour moi, ce fut un enfer. Certes, j'avais pu explorer et découvrir le monde de l'écriture et en faire ce qu'elle représente aujourd'hui pour moi : un plaisir si ce n'est une passion. C'est ce qui me sauva.

Je me suis jeté corps et âme dans cette passion soudainement découverte, seul refuge dans une vie chaotique, au point de me couper de tout monde extérieur.

Ce que j'avais éprouvé à cette période, je ne voudrais jamais le ressentir de nouveau. Je suis sûr que les grands adultes qui ont roulé leur bosse depuis des années l'ont mis (et la mettent encore) sur le dos d'une crise d'adolescence tardive. Moi, je sais que c'était bien plus.

On parle toujours de ce moment « charnière », de cette « ligne de crête » (big-up à mon prof de droit civil) où l'on quitte l'adolescence mais où on n'est pas encore tout à fait un adulte. Ce moment est différent pour chaque personne et peut-être que plusieurs sont dans l'incapacité de dire quand ils ont quitté l'enfance. Pour moi, je suis persuadé que c'est précisément cette période-ci qui m'a fait grandir. Il y a eu un « avant » et il y a un « après ».

Forcé à me recentrer sur moi, étouffé par une famille exigeante et conformiste, ma différence me sauta aux yeux. Je me la pris de plein fouet et je dus la digérer aussi bien que possible, en silence. Personne ne pouvait m'aider et je n'osais pas demander de l'aide. Je ne voulais pas. L'aide des proches peut se transformer en vrai calvaire et avoir l'effet inverse de celui rechercher.

J'étais perdu, icompris, seul. Au monde. J'ai énormément souffert, bien plus que pendant toute ma (courte ?) vie. Devenant de plus en plus renfermé, de plus en plus aigri et colérique, j'attisai la colère de mes proches qui ne faisait que nourrir un peu plus ma haine à leur égard. Un cercle vicieux qui m'asphyxiait et creuser un peu plus chaque jour ma tombe. Je ne voyais personne (confinement oblige) à part mes tortionnaires (bon, le mot est peut-être un peu fort car malgré tout, je leur ai fait autant de mal qu'eux à moi) et je mourrais à petit feu. Je n'avais qu'un seul désir : fuir le plus loin possible.

Par chance, je survécus jusqu'à la rentrée scolaire qui fut une bénédiction. Prenant mon envol, je me retrouvai enfin seul et libre. Et le terme « seul » dans cette phrase n'est pas péjoratif, au contraire. Ce fut comme si je sortais enfin la tête de l'eau, que je revivais pour de bon. Me retrouvant dans un univers inconnu, dépouillé de l'atmosphère empoisonné, en proie avec moi-même et sans aucune ombre de mon passé, je pus enfin découvrir qui je voulais être. Pas à pas, instant de vie après instant de vie, je (re)naissais, forgeant mon nouveau « Moi ».

Quoi qu'il en soit, cette période fait partie intégrante de ma vie et avec le recul aujourd'hui, je suis content de l'avoir traversé. Car, même si elle fut un enfer personnel, elle m'a aidé à m'accepter entièrement. Oui, cela aurait pu se passer autrement, aurait dû se passer autrement. Mais c'est ainsi, et j'espère aujourd'hui ne jamais devoir retraversé une phase comme celle-ci. Malheureusement, je ne peux pas en être sûr car de lourds nuages s’amoncellent à l'horizon...