PROMIS, JURÉ, CRACHÉ.
Elle m’avait dit : "promis, juré. Craché".
Ça faisait un bail qu’elle crachait. À force, elle aurait pu remplir une mer, mais elle n’a jamais su nager. Moi non plus.
Allez savoir pourquoi, j’ai continué d’y croire.
Croire, ce n’est pas vivre. C’est juste un dîner parfait pour éviter de mourir. Pas que j’aie peur du voyage, loin de là. Mais avant le grand saut, je veux juste lui dire combien je l’aime. Lui dire que la vie est plus courte qu’une mini-jupe. La sienne, toujours trop courte, prête à rejoindre un trottoir qui ne la connaît que trop bien.
Je ne lui en veux même pas.
On n’offre pas ce qu’on n’a jamais reçu.
Mais voilà. Il est tard sur mes mains. Elles tremblent. Moi aussi.
J’ai peur. Peur que les draps m’étouffent, peur que le mauvais vent souffle, peur de monter seule dans le wagon. Peur d’un au revoir que je ne dirai pas.
Sait-elle combien je ne respire plus que ses absences ?
Au moins elles, elles sont fidèles.
Seize années. Si peu, et pourtant déjà trop pour espérer ces mots que je n’attends plus que dans l’étreinte de la folie :
Je t’aime, maman.
Le silence me répond. J’attends. J’attends un miracle, une faille spatio-temporelle, un bug dans la matrice, n’importe quoi qui pourrait la forcer à se retourner, à me regarder, à me dire ce que j’attends depuis la 112. Cette chambre qui n’en sera jamais une.
Mais rien.
Il y a toujours ce rien immense entre nous, aussi vaste qu’un océan, aussi profond qu’un fossé qu’on ne comble pas, qu’on préfère ignorer, comme une chaussette orpheline dans une machine à laver trop bruyante.
Je m’accroche au vide. Il m’appartient, lui.
Je pourrais partir sans faire un seul bruit. Je le pourrais. Je pourrais claquer la porte, courir vers la lumière.
Mais je reste.
Parce que les absences fidèles sont difficiles à quitter.
Parce que malgré tout, malgré les mini-jupes et les trottoirs, malgré l’amour qui s’est évaporé avant même d’avoir existé, j’espère.
J’espère toujours.
J’espère un miracle.
J’espère un je t’aime.
Même faux. Même tard. Même murmuré dans un souffle ivre, au détour d’une nuit trop floue pour être comptée ou comprise.
Mais elle ne parle pas. Elle ne parle plus. Elle se lève, s’étire, secoue ses cheveux comme une actrice qui s’apprête à entrer en scène. Un dernier regard dans le miroir.
Puis elle se donne. Pas à moi.
Moi, je reste là.
Avec mes mains trop tard. Avec mes draps trop lourds. Avec mon cœur en friche et mes désespoirs.
C’est tout ce que j’ai.
J’ai ça et l’attente.
Alors j’attends.
Un jour, elle viendra me le dire, je le sais, j’en suis sûr.
Demain, ou quand le ciel m’aura volé ses mains, elle me le dira.
Annotations
Versions