Chapitre 4

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Les cours du vendredi étaient terminés. Week-end. Le moment préféré de tous les étudiants, Wilfried compris. Toute la journée, il avait esquivé la bande par tous les moyens possibles.

— Wilfried, on sort avec Orianne ! Tu viens ou quoi ? lança Mamadou, son voisin de gauche, juste après le cours d’arithmétique.

— Non, partez sans moi. J’ai des trucs importants à faire. — Genre ? — Des trucs personnels, répondit Wilfried en se levant, son sac déjà sur l’épaule.

Il fila vers l’esplanade de l’école, cet espace ouvert au deuxième étage où l’on pouvait souffler, réviser ou simplement disparaître.

Depuis l’incident avec le « tchêp », Mamadou sentait Wilfried distant. Froid, même. Surtout avec lui, les jumeaux… et Orianne.

— Il ne vient pas avec nous ? demanda Orianne en sortant de la salle, surprise de voir Mamadou seul. — Non. Il a beaucoup changé, tu ne trouves pas ? Qu’est-ce qui lui arrive, bordel ? — Je crois que c’est ma faute, murmura-t-elle, la voix triste. — Si j’avais accepté ses avances… — Arrête de te torturer. Wilfried est un bon gars, il s’en remettra. C’est juste que, pour le moment, il digère mal ses déceptions amoureuses. Ça arrive à tous les mecs, ce passage à vide, répondit Mamadou d’un ton calme. Orianne le fixa, sceptique. — Toi qui dis ça ? Toi qui es sorti avec nos aînées de licence 3 et qui es célèbre dans toute l’école ? J’ai du mal à te croire quand tu joues les grands frères compréhensifs.

Mamadou haussa les épaules avec un sourire en coin.

— Don Juan ou mec bien, on passe tous par là. Tu dois le reconnaître. Bon, j’ai faim. On va manger ?

Il marcha devant, Orianne le suivit de ses pas élégants, l’air de grande dame qu’on lui connaissait.

En quittant l’école, elle tourna une dernière fois la tête vers l’esplanade.

« Pourquoi il me déteste ? » se demanda-t-elle en silence. « Je lui ai offert de l’amitié alors qu’il voulait de l’amour… et maintenant il me voit comme une ennemie. Peut-être qu’on n’est même pas faits pour être amis. »

— Orianne, redescends sur terre ! Tu commences à ressembler à Wilfried, toujours dans tes pensées, lança Souleymane en riant. — Pardon… Allons-y.

Ils partirent manger dans la joie. Enfin, presque tous. Orianne, elle, avait le cœur lourd.

Wilfried, lui, fit une longue sieste sur un banc de l’esplanade. Il était épuisé mentalement. Parler, rire, faire semblant : trop d’efforts.

À 14 heures, il se réveilla en sursaut.

— Plus de cours aujourd’hui… Il est temps de rentrer.

Ce soir-là, il y avait le match amical Côte d’Ivoire – Maroc. Les Éléphants l’avaient emporté 2-0. Les rues étaient en feu, les klaxons hurlaient partout. Wilfried rentra à 23 heures, vidé. Dès qu’il francha le seuil, il ferma la porte à clé, s’effondra sur son lit tout habillé et sombra.

Driiiing ! Driiiing !

Son téléphone vibra. Il décrocha, la voix rauque de sommeil.

— Allô ? C’est qui ? — C’est Mamadou. Un de mes autres numéros. J’vais aller droit au but. — Vas-y. — T’es distant avec tout le monde, surtout avec Orianne. T’arrives pas à te remettre d’une déception amoureuse et tu nous fais de la peine, là. Wilfried sentit l’adrénaline monter d’un coup. — Donc tu me réveilles à cette heure-là pour me faire la morale ? Venant d’un don Juan comme toi, c’est riche. Vas-y, prends Orianne, elle est à toi. — Tu peux mentir à tout le monde, mais pas à moi. Tu te caches derrière un mur. Ton insensibilité, ta froideur… c’est juste que tu refuses de lâcher prise. Je sais que tu tiens encore à elle. — La discussion est close. Je ferai l’effort d’être moins distant, juste pour te prouver que mes sentiments pour Orianne ne sont que du vent.

Il raccrocha, le cœur battant, puis appela immédiatement Orianne.

— Allô ? C’est Wilfried. Je suis désolé d’avoir été froid et distant ces derniers temps. Je vais essayer de changer. — Ok… Dans ce cas, tu viens toujours samedi pour m’aider en électronique ? — Oui, ça marche.

Samedi matin.

Wilfried, pantalon, chemise propre, ordinateur sous le bras, était assis dans une salle de licence 1 déserte – il y avait des marqueurs et un tableau, parfait pour expliquer.

Une voix derrière lui.

— Devine qui c’est !

Deux mains douces lui couvrirent les yeux.

— Arrête, on est là pour bosser, pas pour jouer…

Elle retira ses mains. Il se retourna.

Et resta bouche bée.

Orianne. Robe blanche fluide qui tombait juste au-dessus des genoux, sac à dos au lieu du sac à main habituel, cheveux nattés avec soin. Elle ressemblait à une princesse africaine sortie tout droit d’un conte. Ses yeux ne pouvaient plus la lâcher.

Il se ressaisit, se leva, commença à écrire les premiers exercices au tableau.

À pas de chat, elle s’approcha par derrière et l’enlaça par la taille. Il sursauta, raide comme un piquet.

— Mais qu’est-ce qui te prend ? T’es pas comme d’habitude… — Tu as toujours voulu ça, non ? murmura-t-elle en se plaçant face à lui. — Voulu quoi ? — Ça.

Elle attrapa son visage à deux mains et l’embrassa.

Il se réveilla en sursaut.

7 heures du matin. On était samedi. Il pleuvait des cordes. Ses petits frères et sa sœur dormaient encore – le week-end, il désactivait son alarme infernale.

Le cœur battant, il attrapa son téléphone et envoya un message à Orianne :

[Désolé, il pleut à verse, je ne pourrai pas venir aujourd’hui.]

Debout devant le miroir de la chambre, il fixait son reflet, trempé de sueur.

— C’était un rêve prémonitoire… ou juste un fantasme d’un mec qui n’a toujours pas tourné la page ?

Ni son esprit critique, ni l’image dans la glace n’avaient de réponse à lui donner.

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