Au revoir et à bientôt

4 minutes de lecture

Deux semaines sans dormir ou presque, deux semaines à laisser mes mains vagabonder sur mon clavier, deux semaines à construire une histoire ou plutôt à LA laisser construire son histoire. Deux semaines ! Je ne sais pas comment j’ai pu faire ça, comment ELLE a pu faire ça. Mon bouquin est terminé.

Je sors et une bouffée d’air frais gifle mon visage. Les rayons de soleil de ce matin d’avril se faufilent à travers les arbres et m’aveuglent. J’avance à tâtons, réussit à prendre une chaise, la tire à moi et m’assois.

Je me gave d’images, de senteurs et de bruits. L’herbe a une couleur à nulle autre pareille, la couleur du renouveau. Les piaillements des oiseaux se mêlent au grincement du vieil érable qui se balance au gré du vent. Il est tôt, le ballet des tondeuses et des motoculteurs n’a pas encore commencé, j’ai quelques moments de répit.

L’envie me prend, je ne sais pourquoi d’aller faire un tour dans le quartier. Je me lève et prends le chemin du marché des Capucins.

Sur l’artère principale, le cours de l’Yser, les patrons des cafés ont déjà ouvert leur porte. Celui-là a sorti ses chaises. Il hèle un passant qui s’arrête et entrouvre son veston. J’aperçois dans ses poches intérieures, un barda incroyable, des stylos, des cigarettes en tous genres.

Les deux hommes échangent des propos que je n’arrive pas à saisir. Un paquet de cigarettes passe d’une main à l’autre et des pièces de monnaie en font autant. Tiens donc !

Je poursuis ma route tranquillement, essayant de retenir le plus longtemps possible ce moment de pure félicité. Je pense tout de même à ce « revendeur », il me rappelle le Florent de mon histoire.

Je m’arrête devant la devanture d’un nouveau magasin. L’enseigne « tout électro » indique « Réparation de matériels électroniques ». À l’intérieur, un petit homme à la chemise hawaïenne est en grande discussion avec son jeune apprenti.

— Boudi, tu m’as fait une grosse cagade, espèce de grand couillon. Regarde, tu m’as escagassé tous les ordis. Tu me prends pour Rothschild ou quoi ?

Il se retourne, me regarde et me sourit. Ce ne serait pas François ?

Je poursuis ma promenade.

Arrivé au marché, je suis submergé de senteurs et de couleurs. Au milieu de l’allée principale, une femme, vêtue d’un long manteau gris et sale, un bonnet à la couleur fanée sur la tête, pousse son caddie. Elle s’arrête au stand des fruits et légumes, se penche, ramasse dans un cageot une pomme et la jette dans le caddie.

Je suis intrigué. Cela commence à bien faire, Florent, François et maintenant cette femme avec son caddie, Juju bien sûr. Je veux en avoir le cœur net, j’allonge la foulée, je m’approche. Je suis sur le point de me porter à sa hauteur quand elle vire à droite, passe devant l’étal du fromager, lui pique une tranche de fromage sur le présentoir et poursuit son chemin d’un pas pressé.

Elle m’a vu. Passé le stand du volailler, elle s’arrête, se retourne et me toise.

— Monsieur, que puis-je pour vous ? dit-elle d’un ton de femme du monde tout en poussant son caddie contre mes jambes.

Je ne sais que répondre. Je suis abasourdi, c’est elle. Je panique, fait mine de ne pas avoir entendu ses paroles et fuis en lâche que je suis. Je ne suis pas au bout de mes surprises.

Devant moi, se faufilant entre les jambes des passants, un chien, le poil luisant noir et blanc, la queue en panache, le museau fier tient dans sa gueule une chipolata. Un homme bien ventru, revêtu d’un tablier ensanglanté, un couteau à la main, dépité, les bras en l’air, le regarde s’enfuir. Django, bien sûr c’est lui ! J’essaie de le suivre. Il file à toutes pattes vers la sortie où l’attend un groupe d’enfants. L’un d’eux, le sourire aux lèvres, me fait un signe de la main, c’est Rafi.

Je m’enfonce un peu plus dans le marché. Je décide d’aller prendre mon petit déjeuner à la « Cafèt ». Je m’approche, réussis à trouver une place libre. De l’autre côté du comptoir, les serveurs s’affairent.

Je suis époustouflé par leur capacité à mémoriser toutes les commandes et leur rapidité à assurer le service. Je lève la main pour attirer leur attention et quelques secondes plus tard, j’ai mon sandwich jambon beurre et mon café devant moi. Tout en mâchonnant mon pain goulûment, il est croustillant comme je l’aime, je laisse mon regard vagabonder.

Face à moi, trois personnes retiennent mon attention. Une femme et deux hommes sont en grande discussion. Je remarque qu’un des deux hommes a un brassard de police. La femme caresse les cheveux de l’autre homme. La discussion est animée. J’essaie d’en capter quelques bribes mais le bruit autour de moi est trop important.

Je paie ma consommation et quitte ma place pour essayer de me rapprocher d’eux et entendre la conversation. Je suis sur le point de les rejoindre quand je les vois s’en aller. Je pose mon regard sur le comptoir, à l’endroit où ils se trouvaient quelques secondes plus tôt. J’appelle la femme.

— Madame, vous avez oublié quelque chose !

Elle tourne les talons vers moi, me sourit et me répond :

— Non, c’est à toi. Garde-le, je n’en ai plus besoin.

Je m’approche du comptoir et pose la main sur… mon carnet.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire MAYORGA ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0