Chapitre 1 - Le grand bleu

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Mardi 12 Juillet 1988. 22h. Terrasse du café Le Petit Marcel.

— Qu'est-ce qu’il est beau Jean-Marc Barr. Ses yeux clairs, sa fossette me font littéralement craquer, soupira d’envie Rickie.

— Et sa belle peau bronzée et sa petite combinaison de plongée moulante, t'as vu ? J’en pouvais plus, ajouta Philippe.

— J ’ai bien senti que t’avais la gaule à un moment, je me trompe ? le taquina Rickie.

— Ça me rappelle Lorenzo, mon bel italien, août 1985. Qu’est-ce qu’on avait pu baiser pendant ces vacances ! Soit pas jaloux, lui, c’était rien comparé à toi !

— Non mais arrêtez les mecs, vous oubliez que je suis là. J’ai bien fait de ne pas me mettre entre vous deux, s’offusqua Tristan pour la forme.

— Oooh petit chou, ne me dis pas que Rosanna Arquette ne t’a pas fait de l’effet, assena Philippe, tout content de lui.

— Non mais arrêtez, comment faites-vous pour tout rapporter au sexe tout le temps ? Moi qui pensais qu'on était venu prendre un verre en terrasse pour débriefer sur le Grand bleu...

— Bah oui, justement mon chou, on débriefe, non ?

— Vous abusez. Combien de fois je t’ai dit que ton chou était un beau blond à l’oreille percée, assis juste à côté de toi ! rigola Tristan pourtant habitué à la taquinerie de Philippe.

— Moi, son chou ? Ah, mais non, jamais de la vie ! s’emporta Rickie, gentiment excédé.

— Bah alors, mon chou, le film t’a pas plu ? En tous cas, les publicitaires n’avaient pas menti : “N’y allez pas, ça dure trois heures !”. Ah, la, la, ça me donne trop envie de vacances en Italie. Je t’y emmènerai chéri. Tu verras les plages là-bas, c’est autre chose que l’Atlantique ! embraya Philippe.

Tristan ne put s'empêcher de sourire tout faisant des bulles dans son coca-cola.

— Attention ton jacuzzi va déborder, ajouta Philippe.

— T’inquiète, je gère. Pour en revenir au film, je dois dire que c'est tout simplement une tuerie. Surtout la musique d’Eric Serra. Vous verriez combien on en vend au magasin. Ça part comme des petits pains. On va finir par être en rupture de stock si ça continue, dit-il.

— Je veux bien te croire. C’est vrai qu’elle est magnifique. J'en ai encore des frissons, dit Rickie.

— Mais je peux t’en donner des frissons moi aussi, ajouta Philippe.

Rickie leva les yeux au ciel, alors qu'arrivait à leur table un jeune homme brun de 24 ans, la peau mate, les cheveux courts. Ses yeux gris, à la fois perdus et déterminés lui donnaient un charme hypnotique. C’était Lucas, avec son plateau, disposé à les servir.

— Alors mon chou, tu reprends quelque chose ? annonça-t-il en regardant Rickie.

— Si en plus tu t’y mets, je peux plus lutter ! répondit l'intéressé, faussement navré, sirotant les dernières gouttes du fond de son verre, avec un bruit de succion assez bruyant.

— Aspire bien jusqu’au bout mon garçon. Surtout n’en perd pas une goutte.

— Ah non, c’est pas vrai, tu dépasses les bornes Philippe ! s’offusqua Tristan, qui décidément avait du mal à s’habituer aux sous-entendus sexuels de Philippe.

— C’est pas tout ça les obsédés, mais je vous ressert quoi à boire, avec cette chaleur ? annonça Lucas, se raclant la gorge, avec un peu d’impatience dans la voix.

— T’as mal à la gorge ? Tu devrais essayer toi aussi de…, répondit Philippe

— Stooop ! Je ne veux plus rien attendre d’obscène pour ce soir !!! répondit Tristan.

— Non mais qu’est ce qu’il imagine celui-là, dit Philippe en sortant de son sac un sachet de bonbons à la menthe.

Rickie explosa de rire.

— Sers nous trois cocas avec une tonne de glaçons et ce sera parfait. Merci ! répondit Rickie.

— C’est parti, 3 coca-glaçons ! annonça-t-il avant de s'en retourner vers le bar.

— N’empêche qu’on était super bien au frais dans cette salle de cinéma, reprit Rickie.

— Mais je ne suis pas mécontent d’en être sorti. Encore un Lagon bleu dans la salle, ajouta Philippe qui avait sorti son petit éventail fleuri.

— Arrête avec cet éventail, on dirait une vieille folle, répliqua son compagnon.

— Je t’emmerde mon chou ! ironisa Philippe, en déposant sur les lèvres de son amant un baiser furtif pour le faire taire.

— Heu, traduction svp les gars. Lagon bleu ? osa Tristan.

— Philippe n’en peut plus de ces bourgeoises de centre-ville qui défilent à la parfumerie acheter leur Lagon bleu pour l’été ! expliqua Rickie.

— Je ne sais pas ce qu’ils ont foutu dans ce parfum, mais ça les rend toutes folles. Elles sont excitées comme des putes.

— Comme des puces, non ? le coupa Tristan.

— Heu, oui bref, comme tu veux mon chou. En tous les cas, cette horreur de parfum pue tout simplement. Le plus fou dans cette histoire, c'est que ce Lagon bleu nous fait venir une nouvelle clientèle masculine qui nous le demande en douce, comme si on revendait de la drogue. A croire que ce parfum les excite, eux aussi. A bien y réfléchir, ils auraient pu être partenaires du film de Besson. Imaginez la Arquette s’aspergeant de ce liquide faussement turquoise et notre beau Jean-Marc Barr en train de la lécher partout, ça aurait eu de la gueule. Bref j’en peux vraiment plus. Résultat, j’ai le pif pourri, finit Philippe en accélérant le rythme de son éventail.

— C’est bien ce week-end qu’ils t’attendent sur l’île ? dit Rickie à l’attention de Tristan, décidé à changer de sujet.

— Yes ! Je suis trop content. J’ai eu Paul au téléphone hier, Ils sont arrivés le week-end dernier. Ils m'attendent de pied ferme. Ils viennent me chercher à la gare et après on file sur l’île. Ça va être la folie ce week-end du 14 juillet !! Enfin, j'ai l'occasion de me poser et de prendre le soleil. J’ai surtout envie d’en profiter, quoi ! Paul m’a conseillé de ne pas oublier ma crème solaire, ça risque de taper fort à ce qu’a annoncé la météo.

— Pas bête le Paul ! C’est pour mieux te passer de la crème sur le dos mon enfant, ironisa Philippe avec une voix chevrotante..

— Imagine Philippe, trois beaux gosses, allongés sur leur serviette, face à la mer, ça t’excite, hein ? Paul m’a dit qu’ils étaient déjà tout bronzés, et sans marque de maillot en plus, dit Tristan par provocation, décidé à prendre sa revanche.

— Ah parce que les maillots de bain sont interdits là-bas ? enchaîna Rickie pour rire.

— La période branlette avec ton pote de lycée est révolue ! Paul est définitivement passé à autre chose avec Tom ! répliqua Philippe, certain de remporter cette nouvelle joute verbale.

— Ah parce que tu es au courant, toi aussi ! ok, tout le monde l’est, si je comprends bien ! regretta Tristan en regardant d’un air mi-furieux, mi-amusé Rickie qui baissa les yeux aussitôt.

— C’est que…, essaya Rickie, qui manifestement n’arrivait pas à trouver quoi dire pour s’en sortir.

— Vous êtes incorrigibles, vraiment. Mais c’est pour ça que je vous aime, hein !

— Ooooh c’est trop chou, mon chou, conclut Philippe, l’éventail devant les yeux.

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