Chapitre 19 : Epilogue (dernière partie)

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Jeudi 21 juillet 1988. 23h30. Appartement de Tristan.

Tout ce que Lucas avait imaginé ce soir s’était subitement envolé. Ils s'apprêtaient à faire une grosse connerie. Encore plus grande qu’un simple baiser. Il répondit à sa demande, avec empressement. Tristan l’embrassa avec tout autant de maladresse. Lucas redoubla de baisers et l’emmena doucement jusqu'au lit sur lequel ils s'affalèrent gauchement.

— Qu’est-ce que tu fais, tu me chatouilles, lui dit Tristan, nerveux.

Lucas n'en revenait pas de ce qu'ils s'apprêtaient à faire. Sans plus attendre, il lui souleva son t-shirt.

— Attends, je l'enlève, lui proposa Tristan, impatient.

Lucas, à son tour, commença par déboutonner sa chemise.

— Laisse-moi t’aider, lui dit Tristan en tremblant des mains.

Un frisson d’excitation mélangé d'appréhension parcourut littéralement le corps de Lucas.

— J’y arrive pas…arrête de m’embrasser, on ne va pas y arriver comme ça, rajouta Tristan en riant, toujours aussi nerveux.

La chemise finit par tomber. Lucas se précipita pour enlever sa ceinture. Il se débarrassa de son pantalon gauchement. Tristan, debout sur son lit, enleva son short, laissant apparaître un slip noir.

Lucas le regarda avec envie. Il bandait déjà à travers son caleçon.

— Je vois que je te plais, dit Tristan, impressionné.

— Si tu savais, mon petit Antonio, lui susurra Lucas en se jetant sur lui.

Tristan se mit à rire de plus belle. Il se laissa faire en fermant les yeux, les mains le long du corps. Il sentit le souffle de Lucas sur son torse, ses lèvres parcourir son ventre, effleurer son slip. Celui-ci attrapa délicatement l’élastique pour faire glisser le tissu. Mais la main de Tristan l’en empêcha.

— Désolé, Lucas… je…j’y arrive pas, dit-il plus sérieusement.

— Quoi ? Qu’est-ce-qu’il y a ? Je vais trop vite, c’est ça ? Putain, je suis trop con, je te saute dessus commme un affamé.

— Non, c’est pas ça Lucas, c’est moi.

— Tu n'as jamais eu envie en fait, je me trompe ? je me disais aussi…, lui répondit Lucas, à la fois déçu et lucide.

— Je… Y’a pas à dire...T’es un très bel homme. Mais, regarde, je bande même pas. Non c’est impossible. Mon corps parle à ma place, dit-il, confus.

Lucas sourit amèrement. Il ne savait plus quoi dire, ni quoi faire.

— Je suis désolé, Lucas. Je fais vraiment n'importe quoi. Je me disais que si j’essayais avec toi, je serais fixé…pardon, je suis vraiment un putain d’égoïste. Je gâche tout. Maintenant, tu as de bonnes raisons de me détester.

— La fougue de la jeunesse comme dirait ton père ! Fais pas cette tête, idiot. Je serais bien incapable de te détester !

— C’est vrai ? Et puis…je sais pas…ce sont tes mains…je suis trop chatouilleux… dit-il, pour le plaisir de s’enfoncer encore davantage, comme s' il préférait s’amuser de la situation, plutôt que de la rendre encore plus embarrassante.

Adossé à la tête du lit, Tristan ne put réprimer plus longtemps un grand éclat de rire. Lucas réalisa aussi que la situation les avait totalement dépassés. Ils avaient l’air de quoi ? Lui, avec son érection qui commençait à retomber, et Tristan en slip, qui s’esclaffait à ne plus pouvoir s’arrêter. Le fou rire de son ami le gagna. Était-ce seulement nerveux, ou bien réalisait-il autre chose de bien plus beau ?

— Oui, tu as raison mon petit Antonio. Tu as entièrement raison. Même si ça me crève le cœur. Nous deux, c’est définitivement impossible. Je tiens trop à notre amitié, moi aussi. Et ce n’est pas parce que tu as fait n’importe quoi dimanche en m’embrassant, ou ce soir, en te laissant embrasser, que je vais t'en vouloir pour autant. Ce serait trop facile. Si tu savais ce que j’ai pu faire de stupide par le passé par amitié, ou pire, par amour. Les frontières entre les deux sont si proches parfois, qu’il est difficile d’en définir les contours.

Tristan lui sourit sincèrement.

— Je crois enfin comprendre ce que tu veux dire.

— Quand je suis venu te voir avant ton départ pour l’île…C’était pour t’avouer mes sentiments. Je savais pertinemment que ça ne serait jamais réciproque. Mais j’ai cru qu’il y avait une once d’espoir.

Tristan voulut l'interrompre, mais Lucas lui fit signe de l’écouter.

— J’étais partagé entre le fait de garder mes sentiments pour moi et te préserver, ou à l’inverse, me libérer au risque de te perdre comme ami. Finalement, je suis parti comme un voleur.

— Mais non, dis pas ça, répondit Tristan, attendri.

— À ton retour de vacances, je ne savais pas si tu avais deviné mes sentiments.

— Dis-toi qu’en bon hétérosexuel de base que je suis, je n’ai rien vu venir ce soir-là. Il m’a fallu deux jours pour envisager que tu en pinçais pour moi, plaisanta Tristan.

— Tu es tout sauf un hétéro de base, crois-moi. Et pourtant, dimanche soir, alors que je savais que tu étais tout retourné à l’idée de savoir tes parents au Petit Marcel, j'en profite pour te rouler une pelle et te mettre dans l’embarras. Désolé, mais c’était trop tentant ! T’aurais vu ta tête.

— Ha ha ha, très drôle. C’était réussi ! répondit Tristan, sans rancune.

Lucas remit ses vêtements. Tristan fit de même en attrapant son t-shirt et son short. Ils restèrent un instant à se regarder, encore gênés.

— Tu crois que l’on peut rester amis Lucas ? Vraiment ?

— Mais oui bien sûr que oui, Antonio mio. Excuse-moi…Je peux toujours t'appeler mon petit Antonio ?

Rassuré, Tristan lui fit signe que oui.

— Maintenant, il va falloir que j’explique aux copains pourquoi je t’ai embrassé dimanche soir, avoua-t-il, décidé à assumer son geste.

— T’inquiète, je leur ai expliqué.

— Expliqué quoi ?

— T’occupe. Par contre, ne sois pas surpris, si dans les prochains jours, voire les prochaines semaines, je suis parfois distant avec toi. Laisse-moi le temps de t’oublier, répondit Lucas, la main posée sur son cœur.

Tristan s’autorisa à le prendre dans ses bras. Ils restèrent enlacés un long moment, immobiles, accordant leur respiration. Les larmes de Lucas finirent par couler une nouvelle fois. Tristan sentit toute son émotion. De ses doigts, il lui essuya les larmes. Lucas lui sourit et lui déposa un baiser sur la joue pour le remercier. Il finit par s’asseoir dans le fauteuil pour reprendre ses esprits.

Tristan chercha dans sa pile de 33 tours et en choisit un à écouter.

— Pitié s’il te plaît, pas l’album de Stan Getz, il me fait trop mal celui-là.

— J’avais compris, rassure-toi. Non, celui que je veux te faire écouter, le voici.

Sur la pochette du vinyle, un ciel, la nuit, reflétant sa luminosité sur un océan d’un bleu profond, un dauphin sautant par-dessus un homme, dont on apercevait seulement la silhouette. Les premières notes de The big blue d’Eric Serra soulevèrent d’émotion les deux garçons qui, l’un allongé sur un lit, l’autre enfoncé dans un fauteuil, méditaient en silence sur leur amitié unique, en écoutant cette musique évocatrice de la beauté des sombres abysses.

Fin

Merci beaucoup d'avoir lu cette histoire.

Merci pour vos annotations, remarques et avis de lecture, et surtout les échanges. Vous m'avez donné matière à réflexion et des pistes à explorer et surtout donné le sourire en découvrant vos commentaires bienveillants et sympathiques.

Durant l’écriture de cette histoire, plusieurs musiques m’ont accompagné, m’ont inspiré. Vous avez pu en retrouver certaines citées dans le récit lui-même. En voici quelques autres :

— Stan Getz/Joao Gilberto featuring Antonio Carlos Jobim

— Tristeza on guitar/Baden Powell

— Boîte noire/Philippe Rombi

— Angel/Philippe Rombi

— Le grand bleu/Eric Serra

— Kerber/Yann Tiersen

À bientôt peut-être pour une prochaine histoire (J'en ai une en tête, mais je ne sais pas si cela peut donner quelque chose d'intéressant).

En attendant, je vais continuer à découvrir cette plateforme que je trouve dynamique et sympathique, lire vos textes, vos histoires et d'autres livres.

Tom

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