Les faits sont là : alors que je descends le boulevard de la mère Noël, je suis dans la rue, je marche en fredonnant une comptine de Noël dans ma tête : « Mon beau sapin ».
Noël est-il en avance, cette année ?
Le trottoir est vide à ce moment-là. Quand on croit que quelque chose nous perturbe, on a tendance à prendre en grippe la première personne qui passe !
Le journal du matin est soudain surélevé de manière ensorcelée comme par une légère brise et alors que j’essaie de déchiffrer la une du matin, le journal se plaque contre mes lunettes.
Impossible de traduire le mot « Noël »
La brise se meut en vent fou qui me siffle dans les oreilles.
Suis-je atteinte d’acouphènes soudain ou ai-je oublié d’enlever mes boules Quies – hier — le jour de Noël.
Le chocolat chaud que j’avais à la main se répand sur moi et mes cheveux. On pourrait croire…
— Madame ! Vous m’entendez ?
— Ici ! Appelez les secours ! Il y a eu un accident !
Ce qu’il y a de bon dans les rêves, c’est qu’ils sont insaisissables et que les gens sont toujours enrobés de blancs, comme des dragées.
Combien de fois je vais garder en rêve… ce rêve-là ?
Et puis… je me réveille !
Ma vie toute pourrie me revient au visage comme une gifle et je retiens les larmes parce que… il y a vraiment quelqu’un qui vient de le faire.
— Sale malade mentale ! vocifère la voix dans mes oreilles.
Je souffle, exaspérée, et attends de comprendre le choc.
Je m’assois dans mon lit avec peine.
Enfin, si j’y arrive… car je suis à côté de…
Une bordée d’injures à côté de moi a le même effet que cet inconnu venu d’on ne sait d’où, ni d’Adam.
— Qui êtes-vous ? Où suis-je ?
— Voyez-vous ça… ! Je suis ton mari ! Un point, c’est tout !
— Pardon ?
L’incrédulité doit se lire dans mon regard. Un point partout, oui !
— Je vais vous le redemander avec plus de patience… Je souhaite divorcer, tout de suite !
— Mais… chérie, voyons, tu attends un…
— Je n’attends rien de vous, rien, rien et rien !
Un froncement de sourcils me répond, puis un sourire narquois naît ensuite sur ses lèvres.
Il lève les bras au ciel.
— Je précise que tu es en petite tenue légère. Veux-tu vraiment continuer cette conversation comme ça ?
Je baisse les yeux et le rouge me monte aux joues. Je me lève immédiatement, prends le drap, tire dessus et m’enroule autour pour disparaître dans la salle de bain.
Exit le doux parfum de Noël. Dans la cuvette, quelque chose ressemblant à s'y méprendre à de la crotte de renne flottait a la surface. Je nageais en plein cauchemar !
Je choisis d’une façon robotisée de tirer la chasse aux rennes et d'éliminer son instinct primaire. Mais au fait, c’était bien un humain… ce truc à côté de moi il y a cinq minutes ?
Me bouchant le nez à l’aide du drap, j’optais pour une pince à linge ensuite, car l’idée que ce renne savait jouer au jeu du cache-cache commençait à m'étourdir les sens de l’odorat et de la vue… nom de Diou !
Je retirais la chasse d’eau une quatrième fois !
La pince commençait à pincer fortement.
Un coup de poing ou de pied à la porte retentit en procrastinant mes propos. Ou tout remettre au lendemain me semblait une chose plus sûre !
Un autre coup et la porte grinça fortement puis explosa en mille morceaux.
— Chérie ? Ça va ?
Un instant, je me tenais au pied du mur, un autre, je m'affaissais par terre. Il aurait peut-être dû demander si ça allait avant tout péter une durite.
— Nonoelle ! Reprend-toi, TU es enceinte, dit-il en me saisissant par les épaules et en me secouant comme un pantin.
Je relevais les yeux larmoyant, je voyais flou, je ne sentais que de la terreur pure en sentant mon ventre se fendre en deux.
— Vous… êtes… fou… hoquetais-je.
- Malheureusem…
Un mélange de sueur qui émanait de lui et de la peur qui me rongeait l’estomac me laissait du plus mauvais effet.
— Chérie ? Ça ne va pas du tout… j’appelle l’hôpital. Tu n’es pas dans ton état normal.
— Plus un mot ! chuchotai-je. Je… je n’arrive pas à respirer. Pas à cause de ton… enfin… ça pue la crotte de renne ici !!! Ton odeur est explosive !
— D’accord, je vais désamorcer la bombe, bébé !
Il saisit, l’inconnu ignoblement puant, le saisit en le désodorisant et en le vaporisant partout dans la salle de bain.
— Ouvre… la… fenêtre ! m'obligeait à articuler.
— Vous… êtes… un homme… mort !, marmonnais-je dans sa barbe…
Attendez… une minute ! Sa barbe blanche est celle d’un homme que je connais bien… mais qui est-ce ?
- Mais… comment ?
- Je suis le père…
Je sautai littéralement hors de ses bras, gigotai comme un asticot et réussis à m'emparer du spray désodorisant.
Cette fois, je lui injectai tout le produit dans les yeux.
Je riais intérieurement, mais à l’extérieur, j'étais mort et fondu comme un flocon de neige au soleil, sali par la boue mélangée.
C’est le père Noël qui était là au moment de… au moment…
— Chérie… ? Bébé… tu m’entends ?
— Si je suis la mère Noëlle, tu es donc… le père Noël ?
Des tonnerres d’applaudissement saluèrent ma prose poétique. Clap de fin !
— Bravo ! C’était du grand art !