Chapitre 8 : Les cascades (Tom Ripley)

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Le 25 janvier 2022, les cascades.

Je me saisis du pendentif de Céline qu’Alexis me tend. Pendant un court instant, nos doigts se frôlent. Une vague de chaleur m'inonde entièrement. C’est si bon de retrouver cette douce sensation qui jadis, nous a réuni, pour le meilleur comme pour le pire. Je me rends compte en le regardant à quel point il est nerveux. Je lui souris tendrement tandis que mes yeux le rassurent, tout va bien se passer, même si j’aurais préféré le retrouver dans d’autres circonstances. Sans que j’ai mon mot à dire, il a réussi à me refourguer Mike. Tu ne perds rien pour attendre mon p’tit loup.

— Allez, viens Musclor, laissons les enquêter de leur côté, et partons du notre, direction les Cascades.

— Parce que tu crois vraiment qu’on va trouver autre chose que de la flotte, dit Mike, qui ne peut pas s’empêcher de regarder ses pectoraux en bombant le torse.

— Y’aura peut-être du Ricard, qui sait ?

— Très drôle, dit-il d’un ton bougon en me suivant.

— Tiens, je te confis le camé de ton ex. T’as l’air d’en savoir plus que nous à son sujet.

— Pourquoi c’est moi qui devrais le garder d’abord ? Non, parce que…

— Commence pas à me les briser. C’est déjà compliqué pour moi de faire équipe avec toi.

— Ouais, c’est ça ! Et moi, tu crois que ça m’enchante ?

— Et gna gna gna. Faisons des efforts tous les deux, tu veux ! Et fais attention où tu mets les pieds, le préviens-je, en sautillant sur les premiers rochers devant nous.

— Oh merci de votre sollicitude mon cher Tom ! Quoi, j’ai dis un gros mot ?

— Non, c’est que, un vocabulaire raffiné venant de toi… Non rien, laisse tomber.

En à peine quelques minutes, nous arrivons au bord d’un immense bassin, recueillant l’eau de ces magnifiques cascades. Sans prendre la peine de me déshabiller, j’enfonce mes pieds dans l’eau qui m’arrive aux genoux. Mike écarquille les yeux.

— Mais qu’est-ce que tu fais ?

— Je fais trempette, ça ne se voit pas ? Allez, viens, il faut que nous allions là-bas, derrière les chutes.

Je sens une énergie puissante, celle de la Terre mère. Céline avait raison de venir ici se ressourcer.

Mike secoue la tête.

— Tu plaisantes ? Il est hors de question d’entrer dans cette eau glacée. Tu crois vraiment que je vais me désaper devant toi ? Tu kifferais, hein ?

— J’ai une tête à plaisanter ? Allez, ne fait pas ta chochotte, il faut se mouiller dans la vie, sinon elle reste tiède, non ?

— Mais, t’es complètement abruti, ma parole ! Nous sommes en janvier, je te rappelle. J’aimerais bien éviter de choper un rhume durant mes vacances. J’ai autre chose de prévu de bien plus intéressant, me dit-il avec un sous-entendu salace dans son regard.

— Je n’aime même pas envie de savoir où tu vas fourrer ta… Bref, et si je te disais qu’aucune seule goutte d’eau n’effleurera ton beau corps musclé ?

— C’est quoi l’arnaque ?

— Me tenir la main.

Mike me regarde d’un air méfiant.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Te donner la main ? Et puis quoi encore ?

— Tu nous as dit tout à l’heure que tu connaissais absolument tout de nous, nos pouvoirs y compris, alors, viens, fais-moi confiance !

Il me regarde, encore plus distant.

— Et pourquoi je te ferais confiance ?

— Pourquoi pas ?

— C’est pas une réponse, ça ! s'enflamme-t-il. Je te préviens que si je suis mouillé, je te noie direct !

— Tu parles, Musclor finirait par culpabiliser, en me faisant du bouche à bouche !

— Ah, décidément, t’as réponse à tout, dit-il, en me prenant la main à regret.

Alors que la connexion de nos deux mains s’effectue, une chaleur immédiate se diffuse dans nos bras, puis dans notre corps tout entier, ce qui, je le confesse, ne manque pas de m’arracher un petit soupçon d’excitation. Je vois qu’il est aussi surpris que moi des sensations procurées. Mais, à sa moue, je vois que son ressenti est tout autre.

— Hé, ho, du calme !!! C’est quoi ce truc qui circule partout dans mon corps jusque dans mon… ? Je te préviens, on m’encule pas comme ça avec des pouvoirs à la con !

À peine a-t-il terminé sa phrase, qu’il réalise sa bourde. Je souris outrageusement.

— C’est pas ce que j’ai voulu dire, tu m’a compris, Tom.

— Ce que tu ressens, on appelle tout simplement ça du Qi, de l’énergie pure. Malgré les apparences, tu m’as l’air très réceptif et à l’écoute des autres. J’aurais jamais parié ! Tu vas aimer, j’en suis sûr, ça développe tes capacités extra-sensorielles. Rassure-toi, je ne t’en partage qu’une infime quantité pour commencer. Tu ne risques pas de devenir télépathe du jour au lendemain. C’est juste perturbant au départ, après, on s’y habitue.

Il ne réplique pas, ce qui est bon signe. À moins qu’il ne capte rien à ce que je lui dis. Me saurais-je trompé sur lui ?

Mike entre à son tour dans le bassin, impressionné par ce qui se passe cette fois-ci au niveau de ses jambes.

— J’hallucine, c’est quoi encore ce truc ? C’est comme s’il y avait une couche protectrice autour de mes vêtements. L’eau ne touche même pas ma peau ! Comment tu fais ?? C’est génial ! s’exclame-t-il, avec un grand sourire, tout en maintenant sa main dans la mienne.

— Je suis génial, tu devrais dire. C’est tout simplement notre Wei Qi qui nous protège des attaques extérieures, quelles qu’elles soient. Un peu d’entraînement et tu peux réaliser des trucs de fou.

Mike lève les pieds pour vérifier qu’il est toujours bien au sec dans ses baskets.

— C’est trop fort, ton machin wètchi. Respect, mec ! Céline m’avait dit que t’étais branché chinoiseries, mais je pensais pas que…

— Arts énergétiques chinois s’il te plaît. Bon, allez, avance, au lieu de faire l’imbécile.

Il me suit sans broncher, encore épaté par ce qu’il est en train de vivre. Son regard d’enfant, à cet instant, me touche. On va peut-être bien s’entendre finalement ! Nous arrivons à présent à une vingtaine de mètres des chutes. Elles sont là, majestueuses.

— Pourquoi on s’arrête ?

— Parce qu’on ne peut pas traverser ces chutes comme ça. Elles sont trop puissantes, on risquerait d’être avalés par leur force, comme dans un siphon. Heureusement que tu es avec moi. J’ai un plan infaillible.

— Trop modeste le mec, ne peut s’empêcher de lâcher mon acolyte.

— Regarde bien : la bulle protectrice que je vais former devant toi est issue du champ électromagnétique de mon propre corps. Elle nous aidera à les traverser les doigts dans le nez. J’ai rarement l’occasion d’en créer pour deux personnes, alors si nous voulons nous tenir tous les deux à l’intérieur, il va falloir se serrer l’un contre l’autre.

Sans laisser le temps à Mike de commenter, une bulle translucide se forme autour de nous deux. Exceptionnellement, je permets à quelqu’un de la voir, car si je ne le fais pas maintenant, il ne me croira jamais. Pour commencer, il lui faut du concret.

Sans laisser le temps à Mike de commenter, une bulle translucide se forme autour de nous deux. Exceptionnellement, je permets à quelqu’un de la voir, car si je ne le fais pas maintenant, il ne me croira jamais. Pour commencer, il lui faut du concret.

— Pourquoi, tu t’assois en lotus ? me demande-t-il.

— Pour voyager dans de bonnes conditions, tu ferais mieux d’en faire autant.

Face à moi, il s’exécute, avant de constater que la bulle commence à se rapetisser autour de nous. Nous nous sentons poussés l’un vers l’autre par les parois de la bulle malléable, certes, mais assez rigide pour nous faire mal.

— C'est quoi ce bordel, ta bulle de savon n’arrête pas de se réduire ! Si ça continue, nous allons finir écrabouillé l’un contre l’autre. Arrête ça tout de suite !!!

— L’un sur l’autre, tu veux dire, réussis-je en plaisantant avant de constater qu’il va falloir effectivement changer de position au plus vite.

— T’es qu’un pervers, ma parole.

Je le vois qui commence à s’affoler en tapant contre les parois de la bulle, sans arriver bien sûr à la briser.

— Mike, calme-toi, reste dans cette position, c’est moi qui vais en changer.

— Mais où vas-tu aller ?

— Sur toi, bien sûr !

— Sur moi, mais il en est hors de question !

La bulle se réduit encore d’un cran. Je me dépêche de m’asseoir directement entre ses jambes repliées, mon bassin calé au niveau de son entrejambe.

— Mais qu’est-ce que tu fous, bordel, vire-toi de là, ou je t’explose !

— Calme-toi, sinon, tu ne vas qu’accélérer le processus de rétrécissement de la bulle. Elle apprécie uniquement la sérénité de celui qu’elle transporte. Prends-moi dans tes bras. Puis cale ta respiration sur mon rythme cardiaque, en posant ta main droite sur mon cœur.

— Mais dégage, bordel, j’en ai rien à foutre de ta bulle à la con ! Tu parles d’un plan infaillible ! Je te hais, sale…Kof ! Kof ! Kof !

— Et en plus, tu va manquer d’air, fais ce que je te dis, on risque de mourir asphyxié, sinon, dis-je le plus posément du monde.

Constatant qu’il n’a pas le choix, il finit par m’enlacer de ses deux bras musclés. Mon dos vient se poser contre son torse. Je sens son parfum musqué et entêtant, sa douce odeur de mâle. Malgré la peur qui l’envahit - et je ne peux pas lui en vouloir - il semble faire des efforts pour s’apaiser, en plaçant sa lourde main sur mon cœur qui réagit instinctivement.

— C’est bien, continue comme ça, inspire… Expire lentement, inspire…

Soudain, la bulle stabilise sa taille habituelle et nous commençons à avancer à la surface de l’eau.

— Wouah, c’est génial, ça avance tout seul, c’est magique !!!

— C’est cool, non ?

Mike a l’air d’oublier en quelques secondes la position dans laquelle nous sommes, et regarde autour de lui, tout heureux.

La bulle prend de plus en plus de vitesse, ce qui semble, finalement, ne plus lui convenir.

— Elles m’ont l’air infranchissables ces cascades, elles sont si grandes et si hautes ! On va droit sur elles, à fond la caisse ! Fais la ralentir, on va s’écraser comme deux pauvres merdes, avant de se noyer !

— Mais non, fais moi confiance et savoure la beauté du paysage.

Je sens tout son corps se raidir au moment où nous entrons en contact avec l’épais rideau d’eau. Un bruit assourdissant accompagne notre traversée. La bulle vibre, ce qui ne manque pas de se répercuter dans notre corps. Nous sommes gentiment secoués. L’autre côté des chutes apparaît enfin.

La bulle nous dépose doucement sur la roche. Elle s’ouvre délicatement. Je quitte à regret ma position, tandis que je regarde Mike qui est à la fois partagé entre l’émerveillement et le soulagement d’être arrivé vivant jusqu’ici. La bulle finit de se rétrécir de la dimension d’un ballon de foot et flotte dans les airs. Elle se met alors à briller aux couleurs de l’arc-en-ciel, se chargeant des énergies mystérieuses du site. Je me demande encore pourquoi Céline ne m’a pas fait connaître cet endroit auparavant. Avec toute cette énergie minérale reçue, mon bouclier va gagner en puissance en quelques minutes seulement, ce qui m’évitera des heures de méditation et de concentration pour arriver à un résultat identique.

*

Remis de nos émotions, nous contemplons la grotte dans laquelle nous sommes. Elle n’est pas aussi vaste que je l’imaginais, mais d’une hauteur vertigineuse. Nos yeux s'émerveillent. L’impression de se retrouver dans un lieu vierge de toute présence humaine depuis des milliers d’années. La couleur verte de la mousse phosphorescente recouvrant les pierres diffuse une lumière douce et féerique. Tout comme moi, Mike n’en revient pas d’un tel spectacle. Nous prenons le temps de parcourir la grotte en l’explorant chacun de notre côté. Mais le tour est finalement rapide.

— On fait quoi, maintenant ? À part de gros cailloux, je ne vois rien comme indice qui pourrait nous aider ? déplore Mike.

— Mon sixième sens me dit que nous ne sommes vraiment pas ici par hasard.

Je décide de fermer les yeux et de me concentrer, malgré l’agitation de mes pensées.

— Tu fais quoi, pourquoi tu fermes les yeux ?

— Tais-toi deux secondes, veux-tu !

Alors que ma respiration abdominale se fait de plus en plus lente, mes tympans se mettent à vibrer doucement. Des sons, bientôt des paroles viennent à moi naturellement.

— Le travail de la pensée ressemble au forage d'un puits ; l'eau est trouble d'abord, puis elle se clarifie, déclare-je de manière posée.

— Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ? C’est encore une de tes citations de mes deux, comme si je n’avais pas assez d’une prof de philo pour ça !

— C’est un proverbe chinois, andouille. Je viens de l’entendre dans mon oreille. On nous montre le chemin à suivre.

— Le chemin ? Mais quel chemin ? T’es complètement givré, ma parole. Regarde autour de toi, on est dans un cul-de-sac !

— Lorsqu'il est libre, l'esprit est naturellement serein, de même que l'eau non agitée est par nature limpide et claire.

— Encore un proverbe chinetoque ?

— Tibétain, cette fois-ci. Et je te conseille de la fermer, sinon je te laisse moisir ici. A la place, ouvre les yeux, respire profondément et observe, lui dis-je, le plus sérieusement du monde.

Il s’apprête à répliquer, mais s’abstient. Je lui prends la main sans lui demander l’autorisation. Il ne s’en offusque pas, car il ressent comme moi qu’il se passe quelque chose d’anormal. Pourtant, la chute continue à se déverser, nous partageant inlassablement ses ondes revigorantes et ressourçantes. Je rouvre les yeux.

— Putain, mais c’est quoi ce bor…

Mike n’a pas le temps de terminer sa phrase tant il est subjugué autant que moi par le phénomène qui se produit devant nos yeux ébahis. En quelques secondes seulement, l’eau s’est arrêtée de couler, comme un robinet que l’on referme progressivement, ne laissant que quelques gouttes finir de s’écraser sur la roche. Le silence nous envahit soudain, comme si le temps s’était arrêté, comme s’il diffusait en nous des endorphines apaisantes pour retrouver le calme de nos cerveaux agités. Des chutes, il ne reste qu’un rideau de fumée d’eau qui remonte de la surface rocheuse, dessinant petit à petit le visage de quelqu’un.

Céline, apparaît en gros plan, comme si quelqu’un la filmait. Elle se recule et nous la voyons sur une plage déserte, l’été, sur laquelle elle fait quelques pas de danse. Elle semble heureuse. Puis, elle revient vers nous. L’image bascule vers le bas, puis on devine que Céline a pris le contrôle d’un téléphone portable ou autre pour filmer à son tour. L’homme qui apparaît devant nous n’est d’autre que Mike. Il nous offre un immense sourire en gros plan, tout joyeux lui aussi. Il s’éloigne d’elle en courant. Il est vêtu d’un simple slip de bain et commence à faire l’idiot, imitant le singe. Aucun son n'accompagne ces images, à la manière d’un film super 8. Soudain, il se fige, se retourne et commence à se lancer dans un strip-tease, baissant lentement son maillot.

Le voilà nu, à secouer ses fesses. L’image sautille gentiment. Il se retourne de nouveau, cachant son sexe entre les mains, revenant vers nous, sans se départir de son magnifique sourire. Ses yeux sont eux aussi, remplis de joie.

Je regarde Mike, scotché par ce qu’il voit. Il tourne son visage vers moi. Une larme pointe à ses yeux.

— C’est quoi ce bordel ? C’est impossible !

Soudain, l’image se brouille complètement, avant de réapparaître. La plage et Mike ont disparu. Nous retrouvons uniquement le visage de Céline. On lui a bandé les yeux. Elle semble nous crier un message malheureusement inaudible. Nous voyons encadrés par deux cerbères en costume cravate, les yeux protégés de lunettes noires. Ils la serrent étroitement dans leurs mains puissantes.

— Céline ! Bas les pattes, bande d’enculés ! Si vous touchez à un seul de ses cheveux, vous aurez affaire à moi ! s’exclame Mike qui visiblement ne peut pas se retenir.

Nous les voyons marcher dans un long et sombre couloir étroit, éclairé par intermittence par des néons jaunis. Nous constatons avec horreur que notre amie a aussi les mains et les pieds menottées. Elle tente de résister en vain. Je sens tout le corps de son ex-mari se raidir.

— Calme-toi, Mike. Continue à respirer profondément, sinon tout va s’arrêter.

— Mais comment veux-tu que je me calme, bordel de merde !

Une nouvelle image nous apparaît, encore différente. Celle d’une Jeep noire qui démarre en trombe, sur un chemin de terre. Les vitres sont teintées nous empêchant de voir les passagers à l’intérieur. Nous reconnaissons le site. Ce sont les Cascades.

— Putain, mais c’est ici ! Le chemin qui contourne les Cascades. C’est par là que je suis arrivé tout à l’heure ! Céline s’est fait enlevée, c’est ça ? j’en suis sûr ! Et dire que nous sommes juste en dessous ! Céline, on arrive ! crie rageusement Mike.

Je lui intime de fermer une dernière fois sa grande gueule, mais il ne m’écoute pas et continue à insulter l’écran de fumée. J’essaye de conserver mon calme pour deux, mais il est trop tard. L’écran factice s’efface et l’eau se remet à couler brusquement, ce qui nous fait reculer d’un bond. Nos mains se lâchent aussitôt.

— T’es content ? crie-je, hors de moi.

— Quoi, qu’est-ce que j’ai fait ?

— Je t’avais dit de te calmer et de respirer ! T’en es même pas capable espèce de tête de nœuds ! T’as vu le résultat ? Et dire que nous aurions pu en savoir davantage ! Jérémie a raison. Tu nous seras d’aucune utilité !

— Comment je pouvais savoir que le bordel allait s’arrêter tout seul ?

— Oui, évidemment, suis-je bête, comment un homme de ton pedigree peut imaginer un instant qu’il y a des forces plus grandes et plus intelligentes que ton cerveau de moineau et qu’il y a des règles de bases pour y avoir accès !

— Tu me demandes de me calmer et tu me gueules dessus. Avec ta boule magique tout droit sortie de votre gay-pride, tu n’as qu’à réactiver ce machin !

Je le vois au bord des larmes. Je soupire. C’est peine perdue pour aujourd’hui. Et il a raison, je n’aurais jamais dû m’énerver.

— Bon, ok, excuse-moi. Je pense que toi comme moi, on est sur les nerfs. Dis-moi, qu’est-ce qu’on a vu ? Céline et toi sur la plage, c’était… ?

— Un souvenir. Le plus beau souvenir que j’ai avec elle, dit-il d’une voix nostalgique. Comment c’est possible que nous ayons pu voir ça ? C’est comme si on était rentré dans ma tête, sans ma permission !

— J’en sais rien, Mike, je suis désolé.

— Et la suite, t’as vu ? Elle est en danger !!! Cette fois-ci, ce n’est pas un souvenir, mais le futur, c’est ça ? continue-t-il, affolé.

— Non, pas forcément. Le futur, par définition, n’est pas encore écrit.

— Mais alors, pourquoi ces images ?

— Je ne suis pas devin ! Concentrons-nous sur ce qui vient de se passer… Finalement, nous avons appris plein de choses ici, dis-je sur un ton d’apaisement.

— Ah bon ? Lesquelles ? Tu reconnais le couloir et les hommes qui sont avec Céline, mais tu ne veux rien me dire, c’est ça ? dit-il avec inquiétude.

— Mais non, pas du tout. Ces deux apparitions derrière ces chutes nous donnent des pistes. Céline se doutait que je ne pourrais pas résister de venir ici. Contrairement à moi, elle savait le pouvoir de cet endroit sacré. Malgré ce qui lui arrive, il continue à nous envoyer un message d’espoir.

— Aurais-tu l'extrême obligeance de m’expliquer ça gentiment, s’il te plaît, Tom ? me demande Mike, qui prend la peine de se contrôler malgré le torrent d’émotions que je lis dans son regard.

— Fais attention à ton vocabulaire Mike, tu vas finir par me faire vraiment peur, tu sais ! Laisse-moi réfléchir deux secondes. L’emplacement de la Cascades, la concentration d’énergie de ce lieu, vos souvenirs… Mais oui, bien sûr !

— Bien sûr quoi ?

— Dans un peu plus d’une semaine, la Chine fêtera son nouvel an. Selon l'astrologie de ce pays aux traditions millénaires, cette nouvelle année est placée sous le signe du Tigre d'Eau. Cet animal symbolise l'indépendance et le courage. Il est intuitif et tourné vers la famille. Ce qui ne nous étonnera pas si nous ramenons tout ça à la personnalité de Céline. Même si nous ne sommes pas du même sang, c’est bien un véritable lien qui nous unis tous les cinq, celui de l’amitié et de l’amour universel. Rappelons-nous, le tigre agit avec prudence et ne flanche jamais, même face aux événements difficiles. Ce message est clair, non ?

Pour une fois, je n’ai pas le droit à sa tête d’abruti, mais à un visage grave et concerné.

— Si tu le dis ! Allons plutôt rejoindre Jérémie et Alexis pour partager ce que nous avons découvert. Allez, hop, c’est parti, on repart dans la bulle ! s’exclame-t-il.

Je le vois reprendre du poil de la bête, enjoué par la perspective de voyager une seconde fois dans ce moyen de transport nouveau.

— Par contre, y’a vraiment pas moyen de faire autrement que de venir t'asseoir sur moi ? Parce que franchement…, me dit-il.

— On inverse, si tu veux, c’est toi qui viens t’asseoir sur moi !

— Plutôt mourir !

— C’est bien ce que je pensais, allez en place mon garçon.

La bulle s’agrandit et s’ouvre afin que nous puissions y entrer. Nous reprenons notre position de lotus, moi assis sur lui, et ce, pour mon plus grand bonheur.

— Je rêve, Mike, où je sens comme un truc qui grossit au niveau de mon… dis-je avec une pointe de malice et d’espérance.

— Dans tes rêves, Tom !

Sans prévenir, la bulle décolle du sol et plonge à travers le rideau d’eau. Les vibrations nous secouent de nouveau. Mais cette fois-ci, elles sont plus puissantes, ce qui ne me rassure pas. Mais vraiment pas du tout.

— Tom, je te sens tendu, qu’est-ce qui se passe ? me demande Mike, alarmé.

— La bulle ne va pas tenir longtemps. Je crois bien que j’ai sous-estimé ses capacités de rechargement d’énergie. Et puis, elle n’a pas l’habitude de transporter deux personnes.

— Hein ? Ça veut dire quoi ?

— J’espère que tu sais nager et retenir ton souffle longtemps, parce que…

Je n’ai pas le temps d’en dire davantage que la bulle se fissure à plusieurs endroits. L’eau s’infiltre aussitôt dans l’habitacle que je croyais pourtant étanche et inviolable.

— Mais pourquoi t’ai-je fait confiance ! Tu peux me le dire ??? crie-t-il, alors que l’eau monte dangereusement jusqu’à nos épaules.

— Peut-être parce que tu en pinces déjà un peu pour moi. Allez, avoue, avant que nos poumons ne se remplissent.

— Jamais de la vie, espèce de…

Soudain, l’eau monte à une telle vitesse, que nous sommes contraints de prendre une dernière bouffée d’oxygène et de retenir notre souffle. La bulle éclate sous nos yeux et nous sommes emportés dans un tourbillon d’une violence inouïe. La dernière image que je vois est celle de mon compagnon de fortune qui disparaît au loin dans les profondeurs de cette furieuse cascade.

*

J’ouvre les yeux difficilement, la lumière crue m’aveugle. Je sens comme une pression s’exercer sur ma bouche. Est-ce une langue qui vient s’insinuer à l’intérieur, ou bien…Tout à coup, je commence à étouffer et je suis obligé d’expulser le trop-plein d’eau en dehors de ma bouche. Je tousse comme un malade, avant de réaliser que mon corps a rejoint la terre ferme. Serais-je en vie ? Au-dessus de moi, le visage de Mike, les yeux apeurés qui laissent place à un grand sourire.

— Putain, j’ai cru un instant que t’étais mort !

— Tu aurais été trop content, j’imagine ! réussis-je à formuler.

— Pourquoi, tu dis ça, jamais de la vie ! me lance Mike, sincère.

— Merci pour le bouche à bouche. T’aurais pu rester plus longtemps, j’aimais bien quand…

— Ça suffit, Tom, allez, hop, debout !

Et sans ménagement, il me tire par les bras afin que je m’assois.

— Hé, ho, du calme, mon sauveur !

Je suis encore un peu sonné par ce réveil brutal. Devant moi, Mike avec son marcel et son short collés à sa peau. J’admire le résultat, Il est incroyablement musclé et bandant. Soudain, j’ai une terrible envie de faire du sport avec lui. Il est bien professeur de sport si je me souviens bien de ce que Céline m’a dit. Je vois également qu’il porte autour du cou le pendentif de Céline.

— Putain de merde, j’ai mon slip qui me rentre dans le cul ! Ne me regarde pas comme ça et arrête de baver, espèce d’obsédé.

Je lève mon majeur bien droit devant lui.

— Va te faire en…

— Y’a pas moyen, je t’ai dis, t’es sourd, ou quoi ? me dit-il à moitié en plaisantant.

— Tu m’aides à me relever, Musclor ?

Mike me gratifie d’un charmant sourire, en me tendant sa main qui m’agrippe, pour me retrouver deux secondes plus tard, debout. À le regarder, on dirait que cette première aventure lui a plu, malgré le fait que nous avons déjà failli y passer.

— Il n’y a pas de temps à perdre, direction chez Céline ! Même si ça ne me fait pas plus plaisir que ça de retourner chez elle ! dit-il d’un ton malgré tout jovial.

Malgré ses efforts d’afficher sa bonne humeur, je vois dans ses yeux que les blessures de leur rupture amoureuse ne sont pas toutes cicatrisées. Aussi, je le laisse prendre la suite de l’opération.

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