Chapitre 37 : Réception chez le Duc (Mike)

7 minutes de lecture

29 janvier 2022, 9h00 - Château de la solitude.

Putain, quel mal de crane !
Je suis dans un lit un baldaquin. Nu. Sans aucun souvenir d'être arrivé ici. Je me retourne, Tom est allongé à côté de moi et pas trop habillé lui non plus. Il semble dormir paisiblement. Notre présence ici, dans le plus simple appareil, a quelque chose de ridicule. Devant moi, une grande pièce vide et un immense lustre, comme il en existe que dans les châteaux, sur lequel le soleil vient se refléter, m'obligeant à fermer les yeux. Je respire lentement essayant de contrôler la douleur lancinante qui traverse ma tête de part en part. Impossible de me rappeler comment j'ai fait pour me retrouver dans ce lit avec Tom. La situation est plus qu'embarrassante, j'espère que nous n'avons pas... après l'épisode étrange chez Maître Xing, qu'il soit réel ou imaginaire, ça commencerait à faire beaucoup !
J'entends des cris en allemand qui semblent provenir d'un peu plus loin dans le château. Je n'y comprends fichtre rien, mais je crois que nous n'avons pas intérêt à rester encore trop longtemps ici. Première étape, réveiller Tom. Je me retourne et m'approche de lui pour le secouer légèrement, mais mon sexe qui vient frotter sa cuisse m'oblige à retenir mon geste. Merde, à quoi va-t-il penser en ouvrant les yeux ? Je décide de descendre du lit et je cherche de quoi m'habiller, mais nos costumes ont disparu. Tant pis, j'appelle Tom :
— Tom ! Réveille-toi, Tom !
Il tourne sur lui-même, ouvre légèrement un œil et le referme. Les voix semblent se rapprocher, et si je n'y comprends rien, il y a quand même un mot qui revient plusieurs fois qui ne laisse rien présager de bon : "polizei".
— Bordel de merde, Tom faut qu'on se tire d'ici !
Tom se réveille enfin. Il me regarde étonné. Semble cherché quelque chose pour cacher son sexe, pas tout à fait au repos. Ne trouvant rien, il me regarde à nouveau et hausse les épaules en souriant.
— Magne-toi le cul, je crois que la police arrive.
Cette fois, on distingue clairement un homme qui parle juste derrière la porte de la pièce dans laquelle nous sommes.
— Ja, zwei nackte Männer im Bett !
— Die Besichtigungen des Schlosses beginnen in einer Stunde !
— Ja, Der Direktor rief die Polizei !
Tom cette fois bondit du lit, visiblement il doit mieux comprendre l'allemand que moi.
— Tu savais toi que ce château se visitait ?
— Bien sûr que non.
— Et bien apparemment si ! Et d'après nos amis derrière la porte, elles ne vont pas tarder à commencer. Je suppose qu'ils ont déjà dû rentrer dans la chambre ou bien... zut ! Regarde derrière toi.
Je tourne la tête et j'aperçois de l'autre côté de la pièce, une petite caméra dans l'angle du mur. Elle balaie la pièce de gauche à droite et de droite à gauche de manière régulière. Il y a également un piano, avec dessus deux coupes de champagnes et une enveloppe glissée entre celles-ci.
Je me dirige vers l'instrument de musique pendant que Tom fait le tour de la pièce pour trouver une autre sortie.
— Was machen wir ? Wir treten ein ?
— Nein, die Polizei sollte in fünf Minuten hier sein.
— Qu'est-ce qu'ils racontent ? demandé-je, tout en m'emparant de l'enveloppe coincée entre les deux verres.
— Visiblement la police sera là dans cinq minutes. La bonne nouvelle c'est qu'ils ont décidés de les attendre sans intervenir. Là ! Une porte dérobée ! ajoute-t-il, en ouvrant cette dernière le plus discrètement possible.
— Personne en vue, on peut y aller !
Et nous voilà à courir nu, au milieu d'une grande pièce. Celle-là même dans laquelle avait eu lieu la réception, quelques heures plus tôt.
***
Château de la solitude, douze heures plus tôt.


Le taxi s'arrête devant une grande allée bordée d'arbres et nous apercevons le château tout au bout.
— On s'en tient à ce qu'on a dit, Mike, pas d'improvisation ! On se contente de discuter pour essayer de savoir à qui on à faire et pour avoir des infos sur Céline. Et surtout, on ne sépare pas.
— Pas de soucis, de toute façon tu serais perdu sans moi, dis-je en lui faisant un clin d'œil.
Nous sommes maintenant en haut de l'escalier qui mènent à l'entrée principale et un majordome, qui semble tout droit sorti du XVIIIème siècle, nous accueille.
— Veuillez me suivre Messieurs, le Duc et son épouse se trouvent dans la salle blanche, nous dit-il dans un français hésitant.
Il nous escorte jusqu'à un immense salon où se déroule une réception. Un homme et une femme, d'une quarantaine d'année, se dirigent immédiatement vers nous.
— Karl, se présente-t-il en nous tendant la main. Et voici, mon épouse Sofia. Nous sommes enchantés de faire enfin votre connaissance. Céline n'a pas manqué de faire votre éloge. Vous permettrez sans doute que nous vous appelions par vos prénoms...
Il continue ainsi, pendant au moins dix minutes, nous ventant tour à tour la beauté du château, le talent de son épouse, artiste peintre, puis sautant du coq à l'âne, les qualités immenses de "notre amie commune". À partir de ce moment-là, la conversation tourne essentiellement autour de Céline et de la politique internationale. Je suis charmé par ce couple d'une grande beauté et d'une culture qui dépasse sans doute de beaucoup la mienne. Mais je trouve qu'il règne une atmosphère étrange, aucun des autres invités ne semble avoir d'intérêt aux yeux de Karl et Sofia, ils semblent simplement être des éléments du décor, comme le buffet ou les serviteurs qui nous ont servi le champagne et les amuse-bouches.
Qui sont réellement le Duc et la Duchesse ? Dans quel camp se situent-ils vraiment ? Pouvons-nous leur faire confiance ? J'essaie plusieurs fois de trouver un prétexte pour discuter, seul à seul, avec Tom, mais nos hôtes ne nous en laissent pas la possibilité. Sofia semble avoir jeté son dévolu sur mon ami, qu'elle attrape régulièrement par le bras, rigolant à la moindre de ses saillies verbales, tandis que le Duc me jette des regards équivoques. À cet instant de la soirée, je ne me demande plus si cette histoire va se terminer dans un lit, mais plutôt si nous y serons à deux, trois ou quatre. Je sens bien que le contrôle des évènements nous échappe complètement, sans pourtant être capable d'opposer une quelconque résistance. J'ai pourtant à peine trempé mes lèvres dans l'alcool, une autre substance présente dans la nourriture peut-elle être la cause de notre état ? J'ai beau tenter de me reconcentrer, il est difficile pour moi de suivre la discussion.
— Tom, toi qui es passionné par les arts, laisse-moi te montrer le magnifique dôme, dit la duchesse en lui indiquant l'escalier au bout de la pièce.
Ce dernier me jette un regard légèrement perdu avant de se laisser entraîner.
— Mon cher, savez-vous ce que les hommes font généralement lorsque leurs compagnes s'éclipsent ?
— Euh... non ? Mais Tom... et moi... enfin nous ne sommes pas... un couple... Maitre Xing vous a dit quelque chose à notre propos ?
— Bien sûr que non mon ami, je ne savais même pas que vous étiez proche à ce point tous les deux.
— Mais pas du tout, m'offusquè-je.
— Enfin, cela ne me regarde pas. Pour en revenir à ma question, c'est en principe le moment ou au on déguste un bon whiskey en fumant un cigare. Vous fumez ?
— Ah non, je suis un sportif !... bien que je ne sois jamais contre une petite pipe !
Karl me regarde d'un air étonné, ses grands yeux bleus fixés dans les miens avec un léger sourire à la commissure des lèvres, qui me fait réaliser l'énormité de ce que je viens de dire. Néanmoins, il ne fait aucune remarque, m'invitant simplement à le suivre dans son bureau pour boire un Lagavulin de 15 ans d'âge.
***
Nous essayons d'ouvrir toutes les portes mais sans grand succès. Des bruits de sirènes venant de l'extérieur attirent notre attention, la police est déjà là !
— Mike, viens voir ce que j'ai trouvé !
Tom se tient à l'entrée d'une grande pièce où un ensemble impressionnant de vêtements divers et variés, rangés sur des portants, s'étale devant nos yeux.
— Es sind sie da drüben !
Trois hommes et une femme arrivent sur notre gauche et au même moment deux policiers entrent par l'autre côté de la pièce. Nous nous précipitons dans le dressing.
— Commence à chercher de quoi nous habiller, je vais pousser cette grosse armoire contre la porte, ça devrait suffire à les empêcher d'entrer.
Je m'exécute pendant que Tom attrape deux tenues qui semblent sortir tout droit d'un film de cape et d'épée.
— Cool, mais pas trop discret ! lui dis-je.
Il hausse les épaules et me jette une sorte de collant et ce qui doit surement être un pourpoint. Je le vois attraper des bottes pendant que je finis de m'habiller.
— On les mettra plus tard, il faut qu'on se tire d'ici.
Il a raison, je n'entends plus de bruit derrière la porte. Ils doivent faire le tour et ils vont arriver par la terrasse sur laquelle se trouve déjà Tom. Je le rejoins au moment où trois hommes apparaissent en haut de l'escalier. Pas le temps de se poser de question, je saute par le balcon, heureusement à seulement deux ou trois mètres du sol, et atterris en roulé-boulé sur la pelouse. Tom me regarde et semble hésiter.
— Vas-y ! N'ai pas peur, je te rattraperai.
Deux secondes plus tard je le réceptionne dans mes bras.
— Fang sie! Lass sie nicht entkommen.
Je me retourne au moment où les policiers arrivent sur nous. Pas le choix, je les envois par terre en fonçant sur eux comme un pilier de rugby. Je jette un coup d'œil pour vérifier si Tom a pu me suivre, il est juste derrière moi. Nous traversons à toute vitesse la pelouse pour atteindre la forêt qui borde la propriété. Je pense que nous sommes tirés d'affaire, je ne crois que les deux flics légèrement bedonnants entament une poursuite dans les bois.

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