Je crois en moi-même. (Et je ne crois plus aux autres.)
Quand j'étais petite, je n'y croyais pas. En moi. Il n'y avait aucune once d'espoir, la pluie dégoulinait sur les vitres des fenêtres de la maison en même temps que mes larmes. Maintenant, tout a changé, j'ai eu comme on dit un déclic. Cela s'est produit le jour où en cessant de croire aux autres, j'ai commencé à croire en moi. Les plus étonnés, - ou étonnants -, diront que c'est un triste constat. Je m'en fiche. J'ai souvent imaginé ce déclic comme un bruit de clef dans la serrure, allez savoir pourquoi, quelque chose que l'on va soudain ouvrir et regarder avec les yeux de la première fois. Je suis grande, oui j'ai grandi. La petite fille n'est pas loin, je peux encore l'apercevoir si je me concentre bien, les paupières fermées, elle fait son apparition dans un ciel blanc comme avant, lorsqu'il neigeait. Je crois en moi, bien plus qu'en l'amour ou l'amitié, bien plus qu'en tous ces soldats qui sont censés m'épauler, dans la même équipe, et qui finalement se regardent tomber les uns après les autres, trop occupés à se filmer pour prendre la peine de pleurer.
Adulte, je crois en moi-même. C'est souvent le contraire, mais j'ai appris à forger mon armure et maintenant les bavures du monde ne font que couler le long du bouclier, elles ne m'atteignent plus. Tu as du pouvoir, tu cherches à me blesser, tu heurtes mes ressentis sans même t'en rendre compte, tu joues avec mes émotions, tu apportes ton égo à chaque repas, tu as de la fierté, qu'à cela ne tienne. Je ne m'accroche plus à rien, ni à personne. Certains diront sans doute que ce n'est pas sain, de ne compter que sur soi. Je dirais que je n'ai rien à répondre à cela car c'est différent pour tous, chacun tourne les pages à sa manière et pourtant on finit tous par le faire. Je dirais aussi que ce qui n'est pas sain, c'est de tellement compter sur les autres au point de s'oublier. Je l'ai tant fait, sinon crois-tu que je serais sincèrement capable de ne plus croire en chacun d'entre vous ? Ne plus croire aux autres ne m'empêchera pas de les aimer, bien que la confusion sème le trouble dans des cerveaux embrumés par la grisaille des mauvaises journées. J'ai simplement sélectionné l'autre option, celle de ne rien attendre d'eux, pour aller mieux.
Je retrouve du mauvais à chaque coin de mur de toute façon, même quand je n'y pensais plus. Que ce soit à un concert lorsque vous me poussez brusquement et me faites tomber juste pour me passer devant, ou bien dans le travail, lorsque vous jugez la façon d'exercer un métier. Il y a toujours quelque chose qui revient, l'air de rien, un manque de patience ou un soupir d'exaspération, une étiquette collée directement dans le dos ou des jugements vis-à-vis de ce qui ne semble pas correspondre à vos standards. Je dirais qu'il faut étendre vos standards, repousser les limites de vos propres limites, et ne plus passer le temps à essayer de cocher les petites cases de la fiche Bristol de notre société. Ou alors faire chacun sa vie en laissant les autres faire la leur. Et si c'est de cocher les cases qui vous plaisent, faites-le, mais silencieusement s'il vous plaît, sans imposer aux autres cette unique vérité qui n'est bien souvent qu'un mensonge très bien déguisé.
Depuis que je crois en moi-même, les journées sont belles, plus ensoleillées et même quand il y a des tempêtes, j'arrive plus facilement à les gérer. Je parviens à tracer mon chemin, il est bien éloigné de celui des autres mais je suis bien, à l'abri, je vois leur route quand je plisse les yeux et je n'ai pas envie de la rejoindre. Quelqu'un m'a dit que c'est cela, la clef de la porte pour aller à l'essentiel. J'ai cru voir le panneau la dernière fois en plus, en marchant rapidement.
Avant, je comptais les compliments et je m'abaissais, agenouillée devant les regards et les jugements, je me prosternais et me laissais contempler, malmener, abuser, désabuser, trahir. Je ne réagissais que lorsque l'on me faisait souffrir, je reculais en pensant que je courais, j'allais me perdre dans les bois en croyant que c'était la boussole qui se trompait de route. J'ai appris, j'ai compris le temps perdu à me dire que pour plaire à tout le monde, pour me sentir assez, je devais faire comme ils faisaient, comme ils me dictaient. Je me suis laissée bercer comme un bébé, par les mauvais parents. On m'a donné des biberons de désillusion et plus je les digérais mal plus j'en reprenais, à croire que j'aimais la consistance ou l'odeur de la déception. Une désillusion. Je me prenais des tas de flèches dans le corps, je ne tenais plus sur mes pieds.
J'ai été déçue, constamment et terriblement déçue. Ça ne m'a pas empêché d'aimer, de continuer à les aimer encore plus fort. Jusqu'à ce que je trébuche sur mes propres vérités, et c'est là où le déclic a eu ce bruit de clef dans la serrure, alors j'ai décidé de devenir ma propre amie. Je n'ai plus autant besoin des autres, que ce soit pour vivre de belles aventures ou pour faire un trajet dans le bus. Je pensais réellement que je faisais de la peine à voir, depuis une vitre extérieure, parce que j'étais accoudée seule à la table d'un café. Désormais, je sais que c'est de là que vient mon pouvoir de confiance en moi. La solitude ne me dessert pas, elle me donne accès aux portes que j'avais peur d'ouvrir. La solitude ne m'enferme pas, elle me permet de rencontrer des tas de gens avec lesquels partager.
L'autre soir, j'étais partie à un concert, toute seule. J'ai dansé comme j'ai rarement dansé, j'ai chanté, un sourire collé sur le visage jusqu'à la fin, à tue-tête les paroles que je connaissais à demie par cœur, ma petite main posée sur mon plexus solaire (je fais ça, j'ai remarqué, quand je suis heureuse.) J'ai rencontré du monde avec lequel j'ai ri, avec lequel j'ai chanté les chansons. Je ne me suis jamais sentie aussi bien que lorsque je seule, même si entourée de tous ces gens autour de moi. Je n'aurais pas aimé faire ce concert avec des amis, je n'aurais pas aimé y aller avec l'une de mes collègues, je n'aurais pas envisagé de le faire avec ma sœur non plus. Et pourtant, j'aime ces personnes, j'aime ma sœur. J'ai passé tant de temps à essayer de faire des autres une priorité. Aujourd'hui, j'ai envie de me prioriser. Pas seulement pour aujourd'hui, mais pour tout le temps.
Vous auriez dû entendre les gens qui riaient de ce que j'essayais d'expliquer, de tous ceux qui me fouettaient le visage de leur commentaire acerbe en s'écriant que partager avec soi-même, ça ne renvoie à rien car apparemment, le bonheur n'est réel que lorsqu'il est partagé ! Je laisse dire, je laisse glisser, mais vous auriez dû voir mon visage illuminé légèrement par les lumières du concert, lorsque je dansais et que je regardais cette chanteuse. Je n'avais pas à partager ce bonheur avec quelqu'un d'autre pour savoir qu'il fût absolument réel.
Je crois en moi-même, c'est comme le bonheur, lorsqu'on sait qu'on l'effleure, on cesse de se justifier.
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