Troisième voyage (6) — L’homme cher à mon cœur

14 minutes de lecture

16 juin 20XX

Hélène Gretel


J’entends… quelque chose.

  • Hélène.

Le son d’une voie ferrée, ainsi… qu’une personne.

  • Hélène.

Arrête de m’appeler, je veux dormir.

  • Hélène ! Réveille toi ! Le prochain arrêt, c’est le nôtre !

Je me relève en sursaut, l’esprit encore embrumé par la fatigue. Que…qu’est-ce qui se passe ?

  • Où suis-je ? pensé-je à voix haute .
  • Dans le train pour la maison, me répond une personne à ma droite. Tu as piqué du nez dès l’instant où on est monté. Tu devais être fatiguée.

Mon regard vague fait le tour des environs. Je suis dans un wagon vide, avec pour seule compagnie: un adolescent. Sa peau est d’une belle couleur café, ses cheveux et ses yeux sont d’un noir profond.

  • Désolée Sébastien, dis-je en me frottant les paupières. Je n’ai pas réussi à dormir hier.

Quelle sensation étrange. Durant un instant, j’ai cru que j’étais ailleurs. Ni dans ce wagon, ni dans mes rêves. Qu’est-ce que je faisais ? Je ne m’en rappelle pas. Bah, quelle importance ? Ce jour est enfin arrivé, je devrais profiter du temps qui passe vite.

  • Ah, je sais ! s’écrie-t-il satisfait de lui-même. Tu avais envie de partir en vacances, l’excitation t’a empêchée de dormir.

Tiens, j’avais oublié. Aujourd’hui est le dernier jour d’école. Voilà pourquoi j’ai une grosse valise avec moi.

  • Non, répliqué-je dans un bâillement. J’étais excitée pour autre chose. Mon tuteur devrait m’attendre à la maison.
  • Hein ? Lui ?! Il est enfin de retour ? C’était quand la dernière fois que tu l’as vu ?

Voyons voir, si je me souviens bien...

  • Il est parti en voyage le deux avril. Ce qui devrait faire deux ans et dix mois.
  • Un sacré bout de temps effecti…
  • Deux ans, plus dix mois, plus deux semaines, vingt-huit minutes et trente-sept secondes, l’interrompé-je en continuant mon décompte.
  • Ah… Ah oui, déclare Sébastien avec gêne.

Je lâche un petit soupir. Enfin, après tout ce temps, je vais le revoir. Cette pensée m’avait hantée toute la soirée, au point que je n’ai même pas réussi à dormir. Résultat, je roupillais durant les derniers cours et le trajet en train.

 Je m’appelle Hélène Gretel, j’ai seize ans. J’étudie au lycée Rouge Georges dans la capitale régionale. Habituellement, je vis dans une petite commune appelée Vallons-sur-Ligre. Ce village possède une école regroupant à la fois maternelle, primaire et collège. Par conséquent, je n’ai pas eu d’autre choix que d’étudier ailleurs et de partir en internat. Aujourd’hui est la fin de ma seconde. D’ici septembre, je serais dans la classe des premières.

 La personne à côté de moi est Sébastien, un ami d’enfance. Ses grands-parents habitent à proximité de ma maison. Ce sont eux qui m’ont élevé durant les absences répétées de mon tuteur. Je n’ai pas de parents biologiques. Ma mère est décédée lorsque j’avais huit ans et mon père est inexistant. D’après ce qu’on dit, il n’aurait pas assumé la grossesse de la femme qu’il venait de fréquenter.

 Cette situation peut paraître dure à vivre pour une enfant, et pourtant je ne manque de rien. Excepté d’une personne : lui.

  • Hélène, que vas-tu faire l’année prochaine ? Quelle première choisis-tu ? me demande Sébastien.

Je lâche un léger soupir en essayant de quitter cette torpeur provoquée par la fatigue. Je dois me réveiller, que faire s’il me trouve à moitié endormie ?

  • J’ai choisi une option littéraire. Et toi ?
  • Scientifique, je prévois d’être chimiste, répond-il en souriant. Pourquoi avoir pris cette filière ? Tu aimes la littérature ?
  • Pas vraiment, dis-je en baillant. Les Racine d’un arbre et un Corbeau dans un Chateaubriand, très peu pour moi.
  • Hélène, aucun auteur célèbre ne s’appelle Corbeau.
  • La ferme, il est pas encore venu au monde, c’est tout, répliqué-je agacée.

Le paysage glisse à travers les fenêtres du wagon. Les communes en périphérie laisse place à une campagne très boisée. Le coucher de soleil colore le ciel en rouge, mes yeux se plissent sous l’intensité des rayons.

  • Je veux prendre l’option littéraire pour devenir voyageuse, déclaré-je d’un ton rêveur.
  • Si je me trompes pas, c’est bien le métier de ton tuteur, non ? En quoi cette filière t’aiderai à le devenir ? m’interroge Sébastien.
  • Car les voyageurs doivent écrire des rapports. D’après ce qu’on dit, certains construisent un livre gigantesque. Il faut donc avoir un minimum de compétences à l’écrit si tu veux les rejoindre.

Le regard de mon ami d’enfance se perd dans la contemplation du paysage. Après un petit silence, celui-ci me répond :

  • Il parait que les voyageurs traversent d’autres mondes, c’est bien ça ?
  • Oui.
  • Désolé Hélène, mais je ne crois pas à cette histoire. Ton tuteur voulait sans doute te faire rêver.

Je lâche un petit rire à l’écoute de ses paroles.

  • Possible, mais ça n’a pas d’importance.
  • Euh, on parle quand même de ton avenir, tu sais ?
  • C’est vrai, mais peu m’importe. Que ce soit une arnaque, une réalité ou un cauchemar, je deviendrai voyageuse. Car de cette manière, je pourrai être avec lui.

Je n’aurai plus besoin d’attendre des années avant de le revoir. J’en ai assez de cette anxiété qui me pousse à douter du moindre de ses retours.

  • Tu es complètement tarée Hélène, marmonne mon ami d’enfance.

Tu te trompes Sébastien, je ne suis pas folle, mais juste amoureuse. Cet homme, Ginkgo est l’être le plus important pour moi.

 Cela fait quelques années que je me suis rendue compte de ces sentiments. Et c’est seulement depuis peu, que je les accepte réellement. Je le sais très bien, c’est un amour interdit. Personne n’est au courant. Mes proches interprètent mes actions comme étant un attachement familial. Que diraient-ils en apprenant la vérité ? Me rejetteraint-ils ? Chercheraient-ils à me comprendre ? Au fond, je connais la réponse. Voilà pourquoi la peur me rend silencieuse.

  • Arrêt Vallons sur Ligre. Faites attention à la marche, déclare la voix sortant des haut-parleurs.
  • C’est l’heure d’y aller, dit Sébastien en quittant son siège. Prête pour retourner à la maison ?

J’acquiesce en saisissant mes affaires. C’est le même scénario chaque semaine. Je pars le dimanche soir et reviens le vendredi, chargée comme une mule.

 En une année, j’ai eu le temps de m’y habituer. Il faut dire que le seul lycée des environs se trouve à des lieues d’ici. Vallons sur Ligre possède la plus grande école du coin, regroupant à la fois maternelle, primaire et collège. Les classes sont très petites, en raison du peu de natalité dans nos campagnes. Il n’y a que trois professeurs, un pour chaque échelon, la cour est partagé par tous les enfants. Petite, j’avais très peu d’amis. Les causes sont multiples, mais la principale est due au décès de ma mère. Il semblerait que cet événement m’ait traumatisé, au point de m’être enfermée sur moi-même.

 Il y a huit ans, j’ai été témoin d’un assassinat, celui de ma propre génitrice. Mes souvenirs concernant ce moment sont vagues, seules des sensations me viennent à l’esprit. L’odeur du sang, des cris, et une douleur à la paume droite, ce sont les seules choses qu’il me reste de ce jour funeste. Mes seules informations sur cet instant, je les dois à mon sauveur : Ginkgo. Apparemment, un assassin du nom de Jahan aurait tué ma mère devant mes yeux. Le motif de son crime est inconnu, toujours est-il que j’étais la prochaine sur la liste. C’est au moment où son arme s'était dirigée vers moi que la police est intervenue. L’homme qui les avait prévenus est, par la suite, devenu mon tuteur.

 Enfin, c’est comme ça que je l’appelle. Sur le papier, il s’agit de mon père adoptif. Archibald Gretel est son véritable nom, bien que je le surnomme Ginkgo. La raison est toute simple : enfant, j’avais du mal à épeler son prénom. Et lorsque j’ai appris son pseudonyme chez les voyageurs, je l’ai adopté tout de suite. Il faut dire qu’il lui va merveilleusement bien. Tout comme cet arbre, mon tuteur est très résistant, pour ne pas dire immortel. Malgré ses périlleuses missions, il revient en parfaite santé. Toujours plus beau, toujours plus fort. Ses longs cheveux blonds sont comme les feuillages dorés de l’automne. Et son regard, si vert et si clair, me rappelle l’herbe printanière. Je l’aime et je l’aimerais toute ma vie, c’est une certitude.

  • Qu’est-ce que tu fais à rêvasser ? me demande Sébastien sur le quai de la gare. On y va, Mémé nous attends !

Je hoche la tête avec une légère gêne. C’est comme ça à chaque fois. Il suffit que je pense à Ginkgo pour oublier le monde autour de moi.

 Sébastien est mon seul véritable ami depuis l’enfance. Après tout, je vivais chez ses grands-parents, et lui venait souvent leur rendre visite. C’était un soulagement d’apprendre qu’il serait dans le même lycée que moi. De cette manière, j’avais la certitude de ne pas être seule. Cela ne m’empêche pas de me faire des copines, bien sûr. Cependant, le lien que je tisse avec elles n’est rien comparé à celui que j’entretiens avec Sébastien. Il faut dire que l’on se connaît bien tous les deux, mis à part sur le plan sentimental. Lui aussi ignore l’amour singulier que je voue à mon tuteur.

 Notre petite marche en direction de la maison nous fait passer par les collines du village. Vallons-sur-Ligre est une petite commune, dont le cœur est traversé par une rivière. D’après le mythe, une créature exotique aurait trouvé refuge ici. Comme les gens ne se mettaient jamais d’accord sur son espèce, le nom donné était celui d’un croisement entre deux puissants félins. Cette histoire est anodine, mais les habitants semble y tenir. Sans doute pour oublier leur quotidien paisible au fond de cette campagne déserte.

 Ma maison est construite sur les berges du cours d’eau, dans un coin uniquement accessible en barque. Mes voisins ont le même souci, eux qui doivent ramer avec leurs vieux os. Voilà pourquoi Sébastien possède une bonne musculature, c’est lui qui assure les transports de sa famille et… les miens. Oui, je dois l’admettre, je galère à contrôler une barque sur une longue distance. Ma force est assez maigre, je suis bien plus douée à la course qu’à la rame.

  • Aaah, je suis fatigué, baille Sébastien avec exagération. Tu prends les manches Hélène.
  • Tu veux que je t'emmène jusqu’à la mer ? plaisanté-je légèrement gênée.

Le pire, c’est que je n’exagères rien. Un jour où mon tuteur était à la maison, nous avions décidé de nous promener. Il m’avait laissé les rames un petit instant, et le courant nous emmena jusqu’à l’embouchure. Ginkgo s’était moqué de moi durant tout le voyage. Au final, on avait passé la nuit dans un hôtel du port. C’était un formidable souvenir, la mer était si belle.

  • Allô la terre ? Hélène, j’ai rien contre le fait que tu prennes les rames, mais évite de les tenir la bouche grande ouverte sans rien faire. Tu as même un peu de bave.
  • N-N’importe quoi ! répliqué-je en m’essuyant la bouche. Je réfléchissais juste, c’est tout !
  • Mouais mouais, tu pensais à ton tuteur, avoue.
  • Il y a un problème avec ça ? déclaré-je légèrement vexée.
  • Pas trop, tu me rappelles juste d’autres femmes. Comme la maîtresse de primaire, la boulangère, la directrice de l’école, ma mère.
  • Ta mère penses à Ginkgo ?
  • D’après mon père, elle en aurait rêvé la nuit. Elle en semblait heureuse d’ailleurs, répond Sébastien.
  • Si tu veux mon avis, cette version existe pour rassurer son mari, déclaré-je exaspérée.

Cette femme a sûrement eu une aventure avec mon tuteur pendant l’une de ses visites ici. Aujourd’hui, cela ne m'étonne plus. D’aussi longtemps que je m’en souvienne, Ginkgo s’est toujours retrouvé en compagnie de demoiselles, tout comme le nectar d’une fleur attire les papillons. Le pire est que cette popularité ne semble pas le déranger, au contraire, il en profite du mieux qu’il peut. En revanche, cela ne se transforme jamais en relation sérieuse. Ce qui me laisse pas mal d’espoir pour la suite !

 Sébastien me prend les rames des mains sous prétexte que j’étais “encore en train de baver sans rien faire”. Honnêtement, il exagère. Il n’y a rien de plus charmant qu’une fille en train de penser à l’amour de sa vie. Bien sûr, je ne peux pas le lui dire. Ce secret est le mien, jusqu’à ce que je le révèle au principal intéressé.

 Après deux petites minutes en barque, nous amarrons au petit quai devant ma maison, celle où je vis officiellement depuis l’enfance.

  • Qu’est-ce que tu attends ? raille-t-il. Ton tuteur est rentré, va s’y !
  • M-Mais… bafouillé-je, tu disais que ta grand-mère t’attendais. Tu n’es pas pressé de la revoir ?
  • Bien sûr que si, mais un détour ce n’est rien. Mieux vaut que je mette cinq minutes à t’emmener que de te voir galérer pendant une demie-heure.

La gêne rougit légèrement mon visage. Sur ce coup, je dois l’admettre, Sébastien n’a pas tort

  • Merci, j’irais passer le bonjour à tes grands-parents.

 Je quitte l’embarcation sans attendre la moindre minute, fonçant avec excitation vers la porte de ma maison. Mon regard scrute légèrement vers l’arrière, accordant une dernière lueur reconnaissante à mon ami. Celui-ci a déjà reprit sa route, je me sens coupable de le laisser aussi brusquement. J’irai m’excuser lorsque je saluerai mes voisins.

 J’appuie sur la poignée avec célérité puis ouvre le battant. Le sourire animant mon visage disparaît en un instant, déformé petit à petit par la déception. L’incompréhension me picore l’esprit, dès l’instant où je constate l’état de la maison. Si la porte était ouverte, pourquoi les lumières sont-elles éteintes ? Même les volets sont fermés, comme après mon départ. Qu’est-ce que ça veut dire ? Il m’avait dit qu’il rentrait aujourd’hui, alors pourquoi ?! Serait-ce une farce ? Une plaisanterie de sa part ?

  • Ginkgo ? l’appelé-je d’une forte voix. C’est moi, je suis rentrée !

Aucune réponse ne vient briser ce silence. Peut-être est-il tenace dans sa bêtise ?

  • Ginkgo, je sais que tu es là ! Montre toi, s’il te plaît !

Je continue d’appeler en fouillant la maison. Les lumières s’allument sur mon passage, mais aucune silhouette ne se dévoile à mes yeux. Je suis seule. Mon tuteur n’est jamais rentré.

 La panique saisit peu à peu mon esprit, accélérant ma respiration. Ce n’est pas bon, si cet homme n’est pas venu, alors la porte aurait due être fermée ! Un cambrioleur ? Dans ce village de campagne ? A l’intérieur de cette maison bordée par la rivière ? Honnêtement, j’ai du mal à y croire. Malgré tout, Ginkgo m’a toujours appris à pallier toutes sortes d’éventualités. “Si tu n’es pas sûre, vérifie” m’avait-il enseigné. La moindre des choses qu’il me reste à faire est de regarder le mobilier. Mon enquête commence au rez-de-chaussée. Tous les ustensiles de cuisine sont présent, rien n’a été volé, de même pour la salle de bain. Qu’en est-il du séjour ? Je me concentre sur les meubles, la table n’a aucun dégât et les étagères…

 Je me fige sur place en observant les photographies exposées sur le mobilier. Ces clichés sont des souvenirs que j’ai eu avec mon sauveur, l’homme cher à mon cœur. Un jour avant son départ, il m’avait emmené en ville puis nous avions posés dans un parc. J’attrape avec tendresse le cadre, mon doigt se pose sur l’image de Ginkgo, effectuant une légère caresse. Il me paraît heureux sur cette photo. Son rire et son sourire ont toujours été sincères, aussi puissants que des formules magiques. La preuve, je suis joyeuse sur ce cliché. Avec mes longs cheveux châtains, mes yeux marrons, les dents légèrement jaunes et…

 Un instant, qu’est-ce que je viens de dire ? Il y a un problème dans la description, non ? Ma chevelure, jusqu’à présent je la trouvais sombre, couleur corbeau. Et mes iris, n’étaient-ils pas verts ? J’attrape une poignée de mes cheveux, leur teinte est claire. J’ouvre mon téléphone afin de m’observer à travers l’objectif, mes yeux sont colorés du plus commun des marrons. Aurais-je rêvé ? Possible, je ne vois que ça. Après tout, je n’ai jamais eu de teinture, ni même de lentilles. Les autres photographies le montre, il n’y a aucun changement, que ce soit mes couleurs ou bien… Ginkgo ? C’est bizarre, les clichés ont plusieurs années d’écart. Suivant les cadres de gauche à droite, j’ai huit, onze, douze, treize ans. Ma corpulence change, on s’aperçoit que je grandis au fil des années. C’est tout, c’est uniquement mon cas. Sur chaque photographie, Ginkgo pose avec moi. Avec sa chevelure blonde tressée jusqu’au bassin, son visage fin et ses yeux couleur printemps. Ces détails sont les mêmes, ses traits ne changent pas. Il n’accumule aucune ride, aucun cheveux blanc. Il paraît toujours aussi jeune, comme un homme de vingt-cinq ans. Je me demande comment j’ai pu ignorer ce fait. Après tout, ça saute aux yeux, non ? Il en est de même pour les voisins, ils n'ont jamais émis la moindre remarque.

 Peut-être que le problème vient de moi, après tout, ce n’est pas possible. Connaissant la frivolité de mon tuteur, il est fort probable que des cosmétiques soient derrière tout ça. Hum, c’est vrai, j’aurais dû prendre en compte ce détail. Autant me concentrer sur mon enquête, j’aurais tout le temps de poser la question à mon tuteur. Je m’avance avec énergie jusqu’à l’étage, analysant ma chambre vide. Toutes mes affaires ont été partagées entre l’internat et la pièce que j’occupe chez les voisins. Heureusement, d’ailleurs. Entre un vieux lit et ma table de chevet, je ne vois pas ce que le cambrioleur irait voler.

 Je reprends la vérification du mobilier en passant par la chambre de Ginkgo, elle aussi s’est retrouvée déserte. Au fond, cela n’a rien d’étonnant, mon tuteur passe plus de temps au travail qu’à la maison. La base des voyageurs est son véritable foyer, cette demeure à Vallons- sur-Ligre existe uniquement pour nous deux. Je m’approche de son lit double, vérifiant en dessous. Rien, aucune trace de passage. Un soupir exaspéré sort de mes lèvres, vraiment je ne comprends pas. Comment est-ce que la porte a pu se retrouver ouverte en notre absence ? L’aurais-je mal fermée au moment de partir ? Possible, c’est du moins la seule explication logique.

 Je m’affaisse sur le lit de Ginkgo, épuisée par mon voyage. Ces draps frais contiennent son odeur, c’est agréable. Mon nez plonge dans la couette, inspirant lentement la fragrance de mon tuteur. Je pourrais rester ici pendant des heures, si possible avec sa présence. Je voudrais le regarder, non pas comme le ferait sa fille, mais de la même manière qu’une femme. Cela fait un bout de temps que je le vois comme un homme, voilà pourquoi je ne l'appellerais jamais “Papa”. Rentre vite Ginkgo, je veux te revoir, j’aimerais tant te…

 J’interromps mes pensées, gênée par mes désirs. Comment ai-je pu penser ça ?! C’est bien trop tôt, je ne lui ai même pas dit mon amour. Je lâche les draps et m’assoie sur le lit, le visage écarlate. Je dois me ressaisir, il n’est même pas encore rentré ! J’imagine que c’est ça, la puberté. Quelle plaie ! Serait-ce de cette manière que voient les femmes ? C’était bien plus simple étant enfant ! Tiens, il y a quelque chose entre mes doigts. C’est un cheveux, d’une couleur rouge écarlate. La déception me fait pousser un soupir. J’ai compris, il appartient sûrement à l’une de ses conquêtes. Peut-être espérait-elle l’accueillir avant moi ? Ah ah, quelle idiote ! Je suis la femme numéro une dans son cœur, enfin... je le deviendrais !

 Je me lève avec énergie, abandonnant mon enquête. C’est décidé, je vais aménager la maison jusqu’à son retour. Après tout, son travail est épuisant, il n’a sûrement pas envie de s’encombrer avec le ménage. Une fois que tout sera propre, je lui ferais à manger. Oui, ça m’a l’air d’être un bon plan, je suis sûre qu’il sera content ! Allez, du nerf !

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