Chapitre 61

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— Tu sais, des fois je sais pas c’qui me prend, je m’énerve d’un coup et je me contrôle plus…

— C’est pas grave, mentit Alec. Ça fait rien.

— J’ferais des efforts, je le jure.

Alec eut un brin d’amusement dans le regard. Il continuait de fixer le visage fatigué de Ruben, en se disant qu’il était quand même beau, même avec ses traits tirés et ses cernes. Mais ce n'était pas le moment de faire des compliments.

Les cheveux de Ruben retombaient sur son front, cachant à moitié ses yeux noirs. Il avait une barbe de trois jours, déjà bien fournie pour son âge. En même temps, il était portugais.

— J’ai fait une connerie, lâcha Ruben.

En disant ça, il releva le regard et le planta dans celui d’Alec. Ses mâchoires se serrèrent et sa langue passa rapidement sur ses lèvres. Il faisait presque peur à voir, comme ça. Et ça en devenait inquiétant.

— Quelle genre de connerie…? bafouilla Alec.

Ses yeux furent alors attirés vers la main droite de Ruben qui s’agitait dans la poche de sa veste. Il en déduit qu’il devait y avoir quelque chose là-dedans. Il releva la tête et croisa le regard de Ruben, qui entrouvrit les lèvres et prit une brève inspiration.

— Tiens… soupira-t-il.

Il sortit sa main de sa poche, en tenant un petit sachet en tissu blanc, avec une ancre bleue au milieu.

Il ouvrit le sachet délicatement, du bout des doigts, et en sortit…

— Un bracelet…?

Ruben baissa à nouveau le regard, il avait l’air presque honteux de lui offrir ça.

— Je sais, c’est ridicule… Mais j’avais envie de m’faire pardonner, et puis ma mère avait envie de se racheter à cause de ce qui s’est passé samedi, elle a cru que c’était de sa faute, alors elle m’a filé de la tune. Et j’me suis dit que je t’offrirais quelque chose…

Alec prit le bracelet dans le creux de sa main. Il était bleu marine, fait avec une petite corde et une ancre en acier. Tout simple, mais c’est ce qui faisait sa beauté. Une petite étoile brillait dans son regard. Il referma la main sur son bracelet pour le serrer, le sentir contre sa peau…

— Nan, il est très bien. Merci…

— Vraiment…?

— Oui, et j’le mettrais, parce que c’est toi. Il sera sous ma manche, comme ça je serais le seul à voir, et ça me permettra de penser à toi tout l’temps.

Il prit le bracelet et le mit autour de son poignet avec des gestes lents et appliqués, sous le regard bienveillant de son Ruben.

— J’en ai pris un pour moi aussi, c’est le même. Comme ça, on aura notre truc juste pour nous, et personne d’autre sera au courant.

Il tira du sachet un autre bracelet, parfaitement identique au premier.

— Donne-le moi, fit Alec. J’vais te le mettre.

Ruben lui tendit l’objet. Alec le prit et l’enfila méticuleusement autour du poignet de son mec. Le bout de ses doigts effleuraient la peau de Ruben, et ses poils se hérissèrent à ce doux contact.

Puis il regarda le résultat que ça donnait, avec un petit sourire de satisfaction. Il était vraiment très joli, dommage qu’il ne puisse pas le montrer à quiconque.

Et soudain, les mains de Ruben se glissèrent dans les siennes. Il se mit à sursauter. Le portugais plongea son regard noir dans le sien, il avait encore changé d’expression, il avait l’air très sérieux et ses lèvres étaient serrées. Il déglutit :

— Tu m’pardonnes ?

Alec souffla du nez. La réponse semblait tellement évidente…

— Mais oui, bien sûr ! J’te pardonne mille fois !

Ruben poussa un grand soupir de soulagement et retrouva son sourire… Alec le préférait comme ça, il était bien plus beau avec ses lèvres étirées et ses dents blanches bien visibles.

Alec avançait alors son visage du sien, tout doucement… Il ferma les yeux et colla sa bouche contre la sienne.

Ça lui faisait du bien, ça lui avait trop manqué… Son coeur se réchauffa, il ne savait plus s’il battait beaucoup trop fort ou s’il s’était arrêtait, mais ça ne le dérangeait pas. Sa respiration s’était coupée le temps du baiser… C’était ça qu’il voulait vivre avec Ruben, ces moments de soulagement, ces moments de bonheur, le sommet des montagnes russes que ce gars lui faisait vivre. Il aurait voulu rester tout en haut, ne plus se disputer avec lui, vivre sans insulte et sans colère…

Juste se poser tranquillement avec lui, apprendre à le dompter, à le calmer quand il le fallait, à lui dire quand il dépassait les bornes. Il fallait juste trouver ce point d’équilibre, même s’il était infiniment petit.

— Y a une pote de ma mère qui propose de nous passer sa maison samedi, pendant la journée… Elle est au courant pour nous, je m’entends super bien avec elle et je me confie souvent à elle.

Alec ne put s’empêcher de sourire.

— Tu veux dire qu’on sera que tous les deux ?

Une lueur passa dans les yeux de Ruben, il le regarda avec un brin d’amusement.

— Ouais, juste toi et moi…

***

Alec pensait encore à cette soirée avec Ruben, tout en glissant son doigt sous sa manche pour toucher à son nouveau bracelet. Il l’avait gardé toute la nuit à son poignet, et ne l’avait retiré que pour prendre sa douche, le matin. Ce Ruben-là était de loin celui qu’il préférait : doux, gentil, attentionné… Et puis super mignon !

— C’est quoi, ça ?

La voix de Matthieu sortit le brusquement de ses pensées. Il se mit à sursauter, et il remarqua tout de suite que les yeux de son pote étaient dirigés vers son poignet…

— Hein ? De quoi ?

— Le truc sous ta manche.

— Y a rien sous ma manche !

— Ah ouais ? Montre.

Alec sentit ses joues chauffer, il s’était fait griller… Il n’avait même pas réussi à cacher son bracelet plus de 24 heures, c’était catastrophique. Il était terriblement gêné, il ne savait pas du tout quel mensonge inventer pour éviter d’avoir à donner des explications.

De toute façon, ça avait l’air d’être déjà foutu, alors il tira sa manche avec résignation et laissa Matthieu découvrir le bracelet.

Un petit sourire complice se dessina sur ses lèvres, et il fit un clin d’oeil à Alec.

— Grrrrrr ! fit-il en roulant les r. T’es gâté !

Le visage d’Alec tourna au cramoisi. Il mit sa main devant ses yeux tellement Matt lui faisait honte, et il cherchait dans les alentours une arme pour pouvoir le faire disparaître au plus vite. Pourquoi il était tombé sur le plus gênant des mecs ?

— Tu le dis à personne, hein. C’était censé être un secret…

— T’inquiète pas ! hurla Matt. Je dirais à personne qu’on t’a offert un…

Alec asséna un violent coup de poing sur l’épaule de son pote, pour le faire taire. Matt avait fait exprès de parler super fort pour le mettre mal à l’aise, il adorait faire ça et c’était vraiment chiant, parfois.

Il regarda Alec en prenant un air choqué, puis se mit à grimacer en posant sa main à l’endroit où il avait été frappé.

— Aïe !

— Tu l’as mérité, celui-ci.

Matt leva les yeux au ciel.

— Nan mais, non seulement le mec est un coincé du cul, mais en plus il est violent !

— Par contre, sérieusement, tu le dis à personne, ok ?

— Roh ça va, je rigolais. Pourquoi tu t’énerves comme ça ?

Alec se rendit alors compte qu’il y était allé un peu fort, sur ce coup-là. Il n’avait pas contrôlé sa force lorsqu’il avait frappé, et il avait été assez agressif dans sa façon de parler.

— Désolé, j’ai peut-être été un peu brutal sur le coup… Mais j’tiens beaucoup à ce bracelet, j’ai pas envie de rigoler avec ça.

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