Accepter pour avancer

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Une partie de moi refuse de croire que je suis réellement responsable de ce qui est en train d’arriver. La foule que j’entends derrière les portes closes est inquiétante. Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais sincèrement qu’il n’y aurait personne. Après tout, quel intérêt y’a-t-il au fond au spectacle de mon corps nu et offert ? Aucun sur bien des planètes où les cérémonies s’enchaînent à un rythme fou et où plusieurs peuvent même se dérouler en même temps, sur la même place, dans le même village. Par endroit, ce n’est qu’une forme de religion, un acte banal qui n’attire au mieux que quelques badauds. Quand on m’a proposé de le faire sur cette planète-ci, loin de notre civilisation, on m’a d’abord vendu le fait que ça rendrait ma cérémonie tout à fait exceptionnelle. J’allais devenir une sorte d’ambassadeur leur permettant à leur tour de s’ouvrir aux voies du plaisir.

Je n’ai jamais été un fervent adepte de la doctrine de Gilyam, mais j’ai toujours apprécié la philosophie sous-jacente et les choix de vies qui allaient avec. Cette cérémonie, c’est censé être un renouveau pour mon corps et mon esprit, un moment d’ouverture et de dépassement qui me permettra ensuite de décider de qui je veux devenir. Seulement, moi, je n’en sais vraiment rien et c’est pour ça que j’ai accepté, pour que le défi soit complet et que je ne ressorte pas de la cérémonie avec autant de questions si ce n’est plus. Non, à la fin, je veux savoir qui je suis réellement, de quoi je suis capable et quel défi je peux relever.

Cela va faire une heure maintenant que l’on me fait attendre, nu comme le jour de ma naissance dans cette petite pièce austère à deux pas de la place. L’officiel, le prêtre devrais-je dire, m’a conseillé de me détendre et de m’imprégner de l’ambiance, d’essayer de la graver dans ma mémoire. Ce ne sera pas difficile. La foule gronde, elle ne m’appelle pas joyeusement. Non, elle est composée au moins en partie de puritains qui ne supportent pas ce qu’ils appellent nos « déviances sexuelles » et qui n’en veulent pas chez eux, assurément. Le fait que leur gouvernement nous ait mandaté pour venir leur échappent visiblement tout autant que nos excellents résultats. Les sociétés vivant sous la coupe de la doctrine de Gilyam sont connues pour être les plus heureuses de la galaxie.

J’avoue ne pas tout comprendre à ces histoires de politiques interplanétaires, la politique régionale dont dépends mon village natal me semble déjà bien lointaine et seuls les choix de notre chef de village nous impactent directement au final… Pourtant là, en entendant les cris de protestations, je sais bien que je joue un rôle politique, un rôle culturel et même un rôle religieux. Autant de choses que je n’avais vraiment pas prévues.

Lorsque la porte s’ouvre enfin, je me sens tellement mal que j’hésite à renoncer. Je ne serais pas le premier après tout. La cérémonie est d’abord une épreuve qui nous pousse dans nos retranchements et nous amène à la limite de l’acceptable, voire peut-être même au-delà. J’espère juste qu’ils ont pris les circonstances en compte pour alléger le programme, mais j’en doute. La clémence rendrait les choses bien moins pertinentes. Les genoux serrés pour cacher mon sexe nu et les mains plaquées sur mes cuisses, j’attends que ceux qui viennent d’arriver prennent la parole. J’ai toujours été ridiculement pudique. C’est un levier sur lequel ils appuieront obligatoirement, je le sais bien, mais en attendant, j’aimerai vraiment pouvoir me couvrir.

Parmi les officiels, il y a deux femmes et deux hommes qui viennent de la même planète que moi, en témoigne le collier serti de pierres brutes. Une rareté que nous envie bien d’autres mondes à ce qu’il paraît.

- Bonjour, Nimaï.
- Bonjour…
- Est-ce que tu es prêt ?

La femme qui a parlé fait tout pour avoir l’air douce et peut-être l’est-elle vraiment mais à cet instant sa question me semble horriblement violente.

- Il y a beaucoup de monde, non ?
- En effet. Tu as énormément de chance. Ta cérémonie sera magnifique.

Par « magnifique » elle semble vouloir dire « magnifiquement éprouvante », le petit sourire en coin que je devine à peine sur ses lèvres achève de m’inquiéter. Pourtant, il n’y a pas de raisons. Si l’exhibition de mon corps m’a toujours semblé inévitable, rien ne dit pour autant qu’ils m’offriront au regard de la foule tout entière. M’offrir à un petit lot de personne serait bien plus raisonnable. Je me rabroue mentalement, outre que je n’ai pas à décider du contenu de la cérémonie, elle n’a pas non plus à être raisonnable.

L’un des hommes fait un geste pour m’inviter à me lever et à les suivre et c’est machinalement que mon corps leur obéit sans même que j’y réfléchisse vraiment. Marcher tout en camouflant mon sexe derrière mes mains me semble ridicule et pourtant, je ne peux pas m’en empêcher. Sentir l’air sur ma peau nue me désarçonne vraiment, assez pour en oublier le tapis doux qui me chatouille les pieds à chaque pas. Les bruits de l’extérieur se rapproche alors que l’on arrive dans une seconde salle, encore plus modeste que la première. Une table trône en son centre et plusieurs équipements sont posés dessus. C’est donc ici que je serais préparé.

Personne ne m’explique quoique ce soit car je n’ai pas à savoir. Tout l’enjeu de la cérémonie est là, s’abandonner et la traverser. L’un des hommes saisit de quoi me bander les yeux et l’instant d’après, c’est le noir le plus complet. Mon souffle s’emballe un peu, à partir de maintenant, seul mes autres sens pourront me donner des informations. Pour avoir assisté à un bon nombre de cérémonie, je m’attends à recevoir de multiples attaches, un collier épais, des menottes, peut-être des pinces-tétons ou même des bijoux plus bas, directement entre mes jambes… Une partie de moi le désire d’ailleurs, mais rien ne vint. Peut-être que mon désir secret a été remarqué ? Si je le veux vraiment alors ce n’est plus une épreuve, il n’y plus que du plaisir au lieu d’avoir du dépassement de soi pour aller chercher le dit plaisir… Je me mordille la lèvre sous le stress. Ne pas savoir c’est sans doute le pire. Pourtant j’ai été particulièrement franc sur tous les documents qu’ils m’ont proposé de remplir. Assez franc sans doute pour pouvoir deviner ce que ma propre cérémonie contiendrait. Lorsque mes amis avaient vécu la leur, j’aurais pu prédire chacun des points ! Mais il faut croire que c’est beaucoup plus difficile pour soi-même.

Quelque chose appuie au creux de mon dos, sans doute une main, me poussant vers l’avant. Une autre main saisit le haut de mon bras pour me guider plus efficacement. Marcher sans rien voir est très perturbant et à chaque pas, j’hésite. Où me conduit-on ? Les bruits de la foule augmentent. Sous mes pieds nus, le sol change une nouvelle fois. Le tapis doux avait été remplacé par du parquet et à présent c’est autre chose encore. Des carreaux de pierre peut-être ? C’est le courant d’air frais qui balaye mon corps qui me fait soudainement prendre conscience que nous sommes dehors. Les mains m’aident à avancer efficacement alors que le chemin grimpe un peu et nous arrivons sur ce qui semble être du bois. La foule réagit et c’est à ce moment-là que j’en ai la certitude : tout le monde me voit. Un petit gémissement d’effroi m’échappe alors que mes mains plaquent un peu plus mon sexe rabougri entre mes cuisses dans l’espoir de le cacher. J’aimerai pouvoir tout cacher. Mon ventre pas assez ferme. Mes poils trop sombres pour passer pour imberbe mais définitivement trop clair pour avoir un quelconque aspect viril. Mes tétons un peu trop pleins dont l’aspect bombé m’a toujours fait honte. Mes bras sans muscles aucun. Mes jambes qui semblent vouloir leur faire concurrence de par leurs finesses exagérées. Maigre et mou à la fois, c’est une forme d’exploit je suppose ! Je me sens rougir furieusement, le sang monte à mes joues et pulse à mes oreilles. Ils me voient. Ils voient tout ce que j’aurais aimé cacher derrière des couches de vêtements.

Les mains me conduisent jusqu’à une structure de bois où l’on me fait me coucher patiemment. Mes accompagnateurs n’ont pas de paroles rassurantes, pas un mot d’encouragement mais leurs mains sont douces sur mon corps, m’apportant une forme de soutien que je ne comprends vraiment qu’au moment où elles s’en vont. Me voilà seul, aveugle et offert aux regards. Pourquoi ai-je voulu faire ça déjà ? Une main revint sur moi, coupant court à ma réflexion. Elle manipule ma cheville pour la poser sur un promontoire un peu au-dessus de moi. La seconde subit le même sort et je comprends alors que si je peux camoufler mon sexe, la vue sur mes fesses doit être imprenable. Est-ce qu’on voit mon intimité la plus secrète ? Je sursaute alors qu’une voix profonde débute le discours traditionnel des cérémonies, non loin de moi. Je ne l’écoute pas vraiment, trop occupé à dissimuler mon corps sans savoir si je réussis. Soudainement, la voix est plus proche. Elle s’adresse à moi.

- Nimaï pour ta cérémonie nous te demandons abandon, acceptation et jouissance. Quelle t’apporte les réponses que tu es venu chercher.

La voix s’arrête, mais la foule crie toujours. Je ne reconnais pas le moindre mot pour autant. Nous ne parlons visiblement pas la même langue. Je frissonne. Et si je n’étais simplement pas prêt pour ma cérémonie ? Et si je m’étais précipité en quête d’un avenir qui était encore lointain ? Lorsque quelque chose frôla mes côtes sans que je ne puisse l’identifier, c’était devenu une certitude. Je n’étais pas prêt. Pas prêt du tout ! Le mot de sécurité me permettant d’arrêter tout ceci me brule les lèvres un instant, puis le contact se raffermit un peu et je pus identifier ce qui n’était rien de plus qu’un baiser délicat. Quelqu’un embrassait ma peau, juste au niveau de mes côtes. Ce n’était pas désagréable. Ses cheveux me chatouillaient un peu. Le contact restait prude et malgré tout, mon sexe honteux devint un peu plus dur sous mes doigts parce que c’était bon. La bouche s’éloigna et revint se poser, un peu plus bas, au creux de mon flanc.

Abandon.

Acceptation.

Jouissance.

On ne m’avait pas parlé de douleur, de confiance en mon propre corps et autant d’autres mots clés prévenant de cérémonies particulièrement rudes. Peut-être pouvais-je ravaler ce mot qui arrêterait tout au moins quelques minutes ? Le temps de voir. Les baisers se posent sur mon bras, doucement, comme pour m’apprivoiser mais sans tenter de me manipuler pour dévoiler mon sexe comme si c’était évident que je ne suis pas encore prêt pour ça… et pourtant, j’en ai envie. J’aimerai m’offrir à cette douceur et réussir !

Il faut un bon nombre de caresses sur mon ventre pour que je me détende de plus en plus malgré la position et c’est à ce moment-là, qu’une voix souffle contre mon oreille :

- Tout le monde te regarde, Nimaï. Ils n’ont d’yeux que pour toi.

Je me crispe de la tête aux pieds et mon souffle se bloque un peu dans ma gorge. Tout le monde me regarde. La foule fait toujours autant de bruits. J’imagine un instant leur regard sur moi et une profonde honte m’envahie. Je laisse échapper un gémissement qui est terriblement loin du plaisir qui commençait à naître en moi. C’est plus de l’angoisse.

- Aujourd’hui, tu ne décides pas… souffle la voix juste avant de m’embrasser, au creux du cou.

Le baiser est chaste un long moment, puis il commence à muer en autre chose alors que ma peau est mordillée, légèrement tirée, suçotée… Mon sexe réagit immédiatement en se tendant contre mes doigts, je rougis un peu plus furieusement encore sous la honte. Je suis en train de prendre du plaisir, là, comme ça alors que je suis exposé et que deux personnes m’embrassent. Deux personnes dont je ne sais rien. Si la voix est masculine, c’est peut-être les lèvres d’une femme qui joue avec mes flancs. Sont-ils jeunes ou plus âgés ? D’où viennent-ils ? Est-ce que si je pouvais les voir, j’aurais envie d’être sexuellement avec eux ? Je n’en sais rien et petit à petit, alors que l’envie remonte, ça ne compte plus autant que ça le devrait.

Les baisers réclament à ce que mon bras bouge, mais si j’obéis, je vais dévoiler mon sexe. Je résiste un long moment puis une troisième bouche se pose sur ma cuisse, me faisant sursauter. Elle explore toute sa face interne, si sensible, et s’y frottant avec ce qui ressemble à beaucoup de plaisir et avant que je ne comprenne réellement, ma main n’est plus tout à fait sur mon sexe. Elle le couvre encore, mais mollement. Personne ne me laisse vraiment y faire attention pour autant, les baisers sont simplement trop là, trop présents, trop envahissants, … Mes joues trop chaudes sont encore embrassées mais la fièvre que je ressens prend de plus en plus sa source dans mon propre désir. La honte s’éclipse lentement.

Cela prend un grand nombre de baisers, mais je m’abandonne et quand leurs propres mains viennent manipuler mes bras pour les écarter, me forçant à me dévoiler totalement, je me laisse finalement faire sans même me rendre compte de ce qu’il se passe vraiment, trop perdu dans les sensations de cette bouche qui joue contre ma gorge. Je sursaute franchement par contre, lorsque des lèvres -une quatrième paire ?- s’abattent soudainement sur mon téton droit pour le sucer furieusement. Un cri m’échappe. Il est tellement indécent que la honte revient mais avant que je n’ai le temps d’y réfléchir vraiment, les sensations me bouleversent à nouveau et me précipitent dans un monde de pure luxure.

A partir de là, je suis incapable de compter combien de personnes sont autour de moi, combien de bouches m’offrent des baisers et lorsque l’une d’entre elle vient se perdre sur ma bouche, je l’embrasse en retour, caressant sa langue avec le soulagement d’être enfin acteur dans ce moment si particulier. Un souffle léger sur mon second téton attire mon attention et bientôt, il est honoré de caresses à son tour. Je sursaute sous le premier coup de langue et très vite m’abandonne aux sensations.

Je suis totalement perdu dans les diverses stimulations. Je ne pense plus à mon sexe qui doit pourtant être clairement visible à présent. Je ne pense plus à rien. Ces bouches m’ont réduites à une boule de gémissements qui s’approche peu à peu de l’orgasme. C’est à ce moment-là que des mains choisissent de retirer le bandeau qui recouvre mes yeux. La lumière me brule un instant. Au-dessus de moi, se découpant fortement dans le ciel bleu, un écran géant est installé. Il est véritablement immense, sans doute pour permettre à toute la foule d’en profiter. Un film érotique y est projeté. Sans même y réfléchir, j’observe l’acteur en train de prendre son plaisir et je le trouve beau. Sa verge paraît immense sur l’écran, mais il s’en dégage une espèce de grâce étonnante. Je gémis un peu en l’observant, excité par la jolie vision et ce n’est que lorsque des lèvres happent ce sexe merveilleux à l’écran alors que mon cerveau m’envoie les sensations de la fellation qui vient de débuter que je comprends. Ce n’est pas un acteur. C’est moi. Ce n’est pas un corps magnifique. C’est mon corps. Juste mon corps… que je viens de trouver beau pour la première fois de ma vie.

Mes pensées conscientes s’estompent alors que la bouche danse le long de ma verge, me faisant basculer dans une série de sensations fortes. Mes testicules se serrent, se contractent et ma semence s’échappe dans une série de jet incontrôlable. Ma bouche laisse échapper des cris et mes yeux admirent l’image immense de ma propre jouissance. A ce moment-là, il n’y a plus aucune forme de hontes, plus de craintes, plus d’angoisses, … Les bouches reviennent sur ma peau. Je sursaute, je pousse un gémissement supplémentaire, je couine, je ferme les yeux et je m’abandonne totalement…

Ce n’est qu’au bout de plusieurs heures qu’on me libère. Une couverture chaude m’englobe immédiatement, mais j’ai froid loin de leurs bouches. Mon corps est trop sensible pour continuer et pourtant j’aimerais que ça ne s’arrête jamais. Les bras d’un prêtre me soutiennent. Ses mains frottent gentiment mes bras. Tout près de mon oreille, il souffle quelques félicitations, m’assurant à quel point la cérémonie est une réussite, mais cela, je le sais déjà. Je me sens mieux que jamais. Je me sens apte à tout affronter, comme si mes peurs n’avaient finalement rien de légitime, comme s’il suffisait d’ouvrir les yeux pour pouvoir avancer. Je me blottis un peu plus contre le prêtre et le remercie, encore et encore.

Note : le mot du jour était « se précipiter » et la pratique associée était « embrasser tout le corps ». Cette nouvelle rentre également dans le cadre du défi complémentaire « écrire à la première personne ».

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