Il ne peut plus rien nous arriver d'affreux maintenant

de Image de profil de Pierre SauvagePierre Sauvage

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1- La femme se lève, comme tous les matins. Elle prend sa douche, toujours la première. Elle sent l’odeur du café préparé par son mari. Elle s’habille, non sans avoir regardé la météo sur internet. Elle déteste avoir froid. Elle se coiffe rapidement, elle prendra le temps plus tard de s’apprêter. Elle descend l’escalier. La cuisine est vide, le café fume dans sa tasse. Elle appelle. Aucune réponse. Elle fait le tour de l’appartement, de plus en plus inquiète. Désert. Elle se rue à la fenêtre, les voitures, en contrebas sont arrêtées sens dessus-dessous, certaines enfoncées dans les lampadaires, comme figées en pleine course. Et au loin, un grondement qui emplit les rues peu à peu.

2- Depuis combien de temps est-il dans ce café ? Il se souvient y être entré, mais comment ? Il y va pourtant tous les jours. Il regarde autour de lui. Les clients sont là, mais semblent ternes, comme effacés. Il interpelle le barman qui ne lui répond pas. Il le connaît bien, pourtant. Il semble... ne pas le voir. Il commence à avoir peur. Il veut sortir au plus vite. Il se dirige vers la porte. La poignée cède dans sa main et la porte reste fermée. Il veut ouvrir une des fenêtres. Elle est murée, un trompe-l’oeil est peint dessus.

3- Leur voyage de noces devait être parfait. Il avait tout préparé. Il aimait organiser les choses. Bali. Leur rêve, depuis des années. Mais depuis leur arrivée, sa femme semble ne plus être la même. Elle qui était végétarienne, se jette sur toutes les viandes du buffet. Elle passe ses nuits, debout, sur le balcon, à observer le ciel étoilé. Et ce matin, il a capté un regard d’envie lorsqu’il s’est coupé en se rasant. Ne seraient-ce pas des canines pointues qu’il aperçoit à présent ?

4- La radio de sa voiture crachote doucement les informations du matin. Des émeutes. Des tempêtes. Des scandales financiers, sexuels, politiques. Soudain, le son grésille. Une voix, de femme, dans une langue étrangère que sans raison il comprend. Elle a peur. Elle lui demande de s’arrêter, tout de suite, de sortir de sa voiture et de rentrer dans cette maison située à sa droite. Elle a besoin d’aide. Maintenant !

5- Hier soir, il voulait qu’on lui fiche la paix. Qu’on le laisse tranquille. Il l’avait demandé de toute son âme. L’avait exigé, même. En colère, il s’était couché, sans même prendre le temps de dire au revoir à ses enfants, à sa femme. Ses rêves avaient été torturés, il avait transpiré toute la nuit. Et lorsqu’il s'est réveillé ce matin, il n’y avait plus que son lit. Et un espace blanc immense et désert tout autour de lui.

6- L’enfant était entré dans cette maison étrange qui faisait peur à tous les gamins du quartier. Un pari. Stupide. Comme tous les paris. Il avait franchi le porche vermoulu . Le hall était désert depuis cent ans au moins. Soudain, au loin, des rires et des éclats de voix. De la musique. Un piano. Une lumière qui s’approchait de lui. On venait.

7- Cette bibliothèque était toute sa vie. Elle y avait passé quarante années d’une vie de travail et de plaisir. Elle avait lu une bonne partie des ouvrages, et c’était à elle que l’on s’adressait chaque fois qu’on cherchait un livre rare ou introuvable. Mais aujourd’hui était son dernier jour. Ses collègues avaient organisé une petite fête, bien sûr. Elle avait insisté pour rester la dernière, fermer les portes une dernière fois. Et alors qu’elle faisait crisser ses semelles de crêpe sur le linoléum sans âge, elle entendit une petite voix. Elle la connaissait. Elle sourit largement. Ils étaient venus. Une petite fille l’attendait dans une allée. Alice. Elle avait promis qu’elle viendrait la chercher.

8- Le portillon de son jardin était pour lui l’arche qui lui promettait à chacune de ses promenades mille et une aventures. Il s’était dirigé vers le petit bois qu’il affectionnait tant, tenant son chien en laisse qui ne cessait de tirer dessus. Surpris par l’orage, il s’était abrité sous un grand chêne. Un éclair. Une vive lumière. Et lorsqu’il avait rouvert les yeux, c’est un paysage lunaire qui s’offrit lui.

9- La journée de travail avait été harassante. Réunions, colloques, concertations, négociations. Elle avait quitté son bureau alors que la nuit était tombée depuis bien longtemps déjà. Elle se ferait ce soir un de ces films dont elle raffolait, noirs, des années cinquante. Elle avait déjà vu toute sa collection au moins cent fois. Elle adorait leur aspect désuet, en noir et blanc, des personnages presque caricaturaux reproduisant les mœurs de l’époque. On la siffla. Un homme, en imperméable et cigarette au bec, chapeau sur les yeux. Elle allait l’insulter quand quelque chose la figea : il n’avait aucune couleur, tout en lui n’était qu’une nuance de noir, de blanc et de dégradés de gris.

10- Jamais il n’aurait dû accepter ce repas chez sa belle-mère. Mais sa femme lui avait fait une scène. Alors il avait cédé, comme toujours. Et s’était enquillé les trois cents kilomètres aller. Et autant au retour. Et lorsque la porte de l’appartement de belle maman s’était ouverte, elle l’avait accueilli avec...un sourire. Brrr....

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En réponse au défi

Fantastique (1)

Lancé par Jonas

Pas plus tard que ce week-end, j'ai eu le plaisir de lire dans mon quotidien régional un entretien avec deux maitres de la BD et du fantastique, messieurs Schuiten et Sokal.

Au détour d'une phrase, l'un des deux disait (à peu de choses près) : "Le fantastique est partout. Imaginez que vous rentriez chez vous le soir. La tasse de café que vous aviez posée dans l'évier est sur la table. Et c'est parti pour une histoire..."

Outre le fait que la prose du maître était beaucoup plus limpide et explicite que la mienne, cela m'a suffisamment titillé les neurones pour que je vous propose un défi sur ce thème du fantastique dont je vous laisse trouver la définition sur votre moteur de recherche préféré, ou votre dictionnaire -je ne vais pas faire tout le boulot, quand même !

Revenons à nos moutons, en l'occurence, le défi !

Vous devez imaginer dix situations dans lesquelles le fantastique pourrait trouver sa place (comme dans l'exemple trouvé par les maîtres susnommés).

Comme je suis parfois malintentionné, il n'est pas impossible que ce défi en entraine un autre dans la foulée - vous me voyez venir !

A bientôt !

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