Sors toi les doigts.

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Nous sommes sur le toit du lycée, les frères Aki, Souta, Ichiro, et moi. Les filles travaillaient la choré pour le match de la semaine prochaine. Kenji et Ren doivent rattraper les cours qu'ils ont manqués parce que " On nous avait dit que le prof était pas là ", et Hinata et Hiroto sont aux chiottes avec une gastro de tous les diables... Une équipe glorieuse, je vous dis.

On fait les cons, on discute, les frères Aki se foutent sur la gueule, Ichiro et Souta parlent de meuf, et moi, je regarde les filles en bas qui continuent à bosser sur la choré pour vendredi prochain. LE temps est long ici, on branle rien en soit, ça fait un moment que j'avais pas essayé... Quel dommage que mes muscles ne veulent pas fermer leurs gueules, pour être plus exact, c'est même maintenant que je n'en fous pas une, qu'ils me font le plus souffrir. Quand je bouge, quand je cours, quand je suis sur le terrain, dans le ring, sous les draps, quand je bouge, je les sens, mais je n'ai pas le temps d'y penser, ils sont obligés de se taire... Mais maintenant... J'ai l'impression qu'à chaque fois que je bouge un membre, ils se briseront. Dans ce genre de moment, j'ai le sentiment, que mes membres sont fait de paille, et que la moindre brise suffit à les faire plier. FERMEZ-LA ! On n'a pas le temps vous et moi, on n'a pas le temps d'être des lâches, on n'a pas le temps de souffrir, donc fermez là.

Hum ? Akio se lève, qu'est ce qu'il fout ?

- Bon, on descend ? On doit encore bosser sur les lancers, Akira et moi, on n'est pas encore au point, ça te fait chier de nous filer un coup de main Eikichi ?

- Partez devant, j'arrive dans pas long, j'ai un truc à faire avant, je lui réponds alors que je me lève à mon tour.

Ils m'observent, putain, ils ont pas pigé ? Quel enfer... Ils descendent enfin, il n'y a plus personne sur le toit, ou presque. Je suis seul, avec lui.

- Tu peux sortir de ta planque le geek. T'étais là avant nous, t'aurais pu juste te manifester, c'est pour ça que personne ne veut traîner avec toi, tu t'en rends compte, pas vrai ?

Et le voilà, il sort enfin, mais pas de réponse, il me regarde, ou plutôt, regarde autour de moi.

- Tu ne regardes pas les gens dans les yeux, tu fuis le regard des gens, et tu te planques.

Arrête de regarder autour putain je vais te cogner !

- C'est facile à dire pour toi, t'es sportif, et populaire, c'est facile de regarder les gens dans les yeux quand t'es comme ça, me répond il enfin !

- J'entends enfin ta putain de voix, ça fait plaisir, dommage que tu t'en serves pour dire de la merde...

- Pour dire de la merde ? Tu n'sais pas c'que c'est de se faire emmerder dès que t'arrives au lycée, tu n'sais pas c'que c'est de voir ton seul pote rejoindre ceux qui te foutent la misère, je ne connais pas une seule fille de ce bahut qui refuserait de passer une nuit avec toi. Tu ne connais pas l'échec, et la douleur, tu ne connais pas la solitude, ta vie est cool, ta copine est un canon, t'as des potes à ne pas savoir quoi en faire. Moi, je me fais racketter depuis le collège, et tout ce que je peux faire, c'est fermer ma gueule. Et maintenant, la seule fille qui me plaise vraiment, Yokko, se tape un débile de l'équipe de foot, un centre qui fait deux mètres de plus de moi et contre lequel je ne pourrais jamais combattre. Tu ne connais pas la souffrance des gens comme moi, me dit il, avec une certaine colère dans le regard.

- Tu veux savoir ce qui nous différencie, moi et les gars, et toi ? Nous, on ne chiale pas. On ne connaît pas la douleur et l'échec ? En ce moment même, mes jambes n'ont qu'une seule envie, me lâcher, et pourtant, je suis debout, je souffre le martyr, mes jambes me hurlent de les laissées se reposer, mes bras me supplient d'arrêter de faire de soulever de la fonte ou faire des pompes pour une journée, et mes poings pleurent, parce que tous les jours, ils s'écrasent contre un sac de frappe. Le talent, les dons, ça n'existe pas, ce genre de trucs, c'est des excuses pour les feignasses comme toi qui ont besoin d'une excuse : " Non mais de toute manière lui, il a un don, c'est normal qu'il le fasse mieux que moi ". Tu te trouves des excuses. Si tu te bougeais le cul, si tu arrêtais de regarder les gens avec les yeux d'un gars qui les méprisent, et les détestes, peut-être que ton plateau de cantine ne servirait pas à marquer des points après un touchdown. Et tu n'as aucune putain d'excuse parce que Mako, ton pote, qui fait quatre fois ton poids, qui a quatre fois plus de taf à fournir que toi, tu n'en auras jamais à fournir, se lève tous les matins pour me rejoindre à quatre heures du matin pour me suivre et s'entraîner. Tu ne mérites pas d'être aimé, tu ne mérites pas que les autres fassent des efforts pour toi, parce que tu ne fais pas d'effort pour eux. J'ai grandi sans mère, mon frère et moi avons été adoptés par des moines, on a grandi dans un sanctuaire, et laisse moi te dire, que ce n'est pas forcément rigolo. Et pourtant, je suis reconnaissant de ce que les moines ont fait pour moi, ils m'ont sauvé la vie, et ont fait de moi qui je suis aujourd'hui. Maintenant, dis-le-moi en me regardant dans les yeux " tu ne sais pas ce que c'est de souffrir ", dis le dans les yeux d'un type qui ne connaît pas ses parents, dis à un type qui se réveil à quatre heures du matin pour bosser, qu'il ne sait pas ce que c'est d'avoir mal. Je te vois en permanence devant ton téléphone ou ton ordi portable, tu m'as déjà vu devant mon téléphone ? Tu parles de Haru comme d'un idiot, il ne mériterait pas Yokko ? Tu mériterais que je te foute une droite pour ce genre de choses, tu oserais lui dire en face ? Tu sais pourquoi Haru n'est pas la aujourd'hui ? Tu sais pourquoi aujourd'hui, il n'est pas venu s'entraîner alors que dans quelques jours, on a un match ? Parce que Yokko est malade et clouée dans son lit, Haru a demandé à Mako de le remplacer en centre parce qu'il devait s'occuper de Yokko. Le gars que tu insultes, est en train de s'assurer que sa copine va bien, pendant que toi, tu es ici, à chouiner, avant de rentrer chez toi pour te branler. Tous ces gars que tu méprises, que tu insultes, ils souffrent toutes mille fois plus que toi, tu ne souffriras jamais. La vie, c'est la savane, et dans cette savane, tu n'as que deux options, être une proie, ou être un prédateur. Les lions domineront toujours, et les gazelles ne seront toujours rien d'autres que des proies. Pose-toi la question, au lieu de chouiner, pourquoi je suis devenu une proie alors que j'ai tout ce dont j'ai besoin.

Il me gonfle ce type, il me regarde avec des yeux de gars paumé, j'ai l'impression de voir un mort. Je déteste les gens comme ça.
- PARLE PUTAIN ! Réponds ! Qu'est-ce que t'as à répondre ?!
Alors que ces mots s'échappent de ma bouche, il tente de fuir, il s'approche de la porte. Oh non, ça, c'est hors de question, tu vas frapper dans le putain de mur. Mon corps réagit de lui-même, et la poignet de la porte s'envole, d'un seul coup de pied, nous voilà bloqué sur le toit, lui et moi.
- Réponds ! Tu ne seras jamais un lion, parce que tu te contentes d'être une gazelle, parce que s'enfuir, c'est toujours la meilleure solution pour toi ! Alors, t'as deux options, soit, tu fermes ta gueule comme tu le fais, et tu ne te plains pas de te faire bully, soit, tu te lèves le matin, tu laisses tomber ton putain d'ordinateur et tes jeux vidéo, tu lâches ton téléphone, et tu rentres dans la savane, tu montres les dents, et décides d'être meilleur. Parce que tu n'as aucune raison de chialer, tu as une famille qui t'aime, quand tu rentres, des gens t'attendent, et tu n'as qu'à mettre les pieds sous la table pour manger. Sort toi les dents, quand tu rentreras à la maison, embrasse ta mère et ton père, sois reconnaissant, et bosse ! Si tu ne le fais pas, tu seras toujours une gazelle, mais les lions courent plus vite que toi. Toute l'équipe bosse jour et nuit, on déteste pousser la fonte, on déteste se lever tôt le matin pour courir, mais on le fait, parce qu'on doit le faire, parce que les autres comptent sur nous, et parce que pour être meilleur, il faut le faire. Tu veux que je te dise quand je vais me coucher ? Quand je me repose ? Je ne me repose, je ne dors, que quand je considère que j'ai fini ce que j'ai commencé, quand j'ai fait mon taff, pas quand je suis fatigué, je me couche, quand j'ai réussi. Je ne dors que quand je suis satisfait, et laisse moi te dire, que je suis difficile à satisfaire. Alors dis-moi, quand est-ce que toi, tu te couches ? ! Si tu ne peux pas me répondre, moi, je te laisse.
Et bien sûr, pas de réponse, encore une fois, il me regarde avec ses yeux de merlan frit. Je m'casse... Euh... Merde ?
- Allo ? Akio ? Ça te fait chier de monter sur le toit ? Oue, y a un problème... Je ne peux pas ouvrir la porte... Comment ? Alors tu vas voir, c'est rigolo... J'ai explosé la poignet de la porte en m'énervant... Merci frérot. À tout de suite.

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