La Dame

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- Bougez-vous ! Amenez-les sur la scène ! Et faites gaffe de ne pas les abîmer ! Ces trucs-là ça coûte cher !

Bordel, la marchandise vivante est insupportable à transporter... Ça chouine, ça gueule, ça demande sa mère, je déteste les gosses. Tout ça pour satisfaire une bande de dégénérés allemand et américains, arabes, sub-sahariens, je vois du chinois aussi... Cela dit, on ne peut pas dire que cette pièce ne soit " raciste ", plus cosmopolite, c'est difficile de faire. Les types de l'ouest sont encore plus tordus que nous... Mais bon, ils paient bien. Apparemment, l'un d'entre eux serait même un fils de chef d'Etat ou un truc du genre. Et après ces types-là, osent dire à la télé que les Japonais sont des fou pédophiles... Quelle blague je vous jure.

Regardez-moi ça, la plupart ont déjà passé les cinquante ans, et pourtant, ils regardent tous à travers des caméras. Leurs serviteurs, eux, sont assis, à leurs places, un ordinateur sur les genoux, présentant les " produits " à leurs richissimes maîtres. Ils sont tous si facilement reconnaissables... Un célèbre constructeur de voiture électrique, il jouit d'une bonne image pour le public, mais pas pour les investisseurs, considéré comme " politiquement incorrect " s'ils savaient à quel point ce type se moque d'eux. À côté, un de ses " ennemis " ils semblent entretenir une bonne relation malgré tout, le créateur de Doorway, un logiciel d'exploitation vendu à travers le monde, les gens ont beau le haïr, il continue de faire des chiffres ahurissants. Des chefs d'Etats, et leurs fils avec eux, particulièrement des Européens et américains. Et devant la scène, les plus éminents des " invités ". Le Grand Patron de DarkMountain, une société spécialisée dans la gestion d'actif, à ses côtés, l'illustre économiste allemand Devos, et leur nouveau jouet, le chef d'état d'une des plus grande puissance mondiale. S'ils le voulaient, ces trois types pourraient faire chuter le monde dans le chaos le plus total, et je pense que c'est leur but, ils ont vendu leurs âmes au diable et ça les regarde. Personnellement, j'ai abandonné l'idée de sauver le monde, on est foutu, il faut l'accepter. S'il le faut, trichez, volez, mentez, mais faites de l'argent, et disparaissez du monde. C'est pour ça que je vends ces gosses à ces types.

Mon âme est souillée, il n'y a plus rien à faire. Désolé les gamins, c'est vous ou moi.

- Monsieur ! On a un problème !

Qu'est-ce qu'il se passe encore ici... C'est insupportable ces histoires, à chaque fois, il y a une nouvelle emmerde. J'aurais dû écouter mes parents et rester à la campagne.

- Ugh... Quoi encore ? Un autre qui veut toucher la marchandise avant de l'acheter ?

- Non Mons-

Hein ? Du sang ? C'est quoi ce délire ? Oy, Tsukasa ? Ta tête, elle est... Passé où ?

- Ce pauvre homme, mourir à cause de sa loyauté... Une véritable tragédie... Malheureusement, même la plus pure des âmes, peut être souillée par amour.

Cette voix, je la connais, on m'en a parlé, je l'ai entendue en vidéo.

- La Dame.

Et la voilà qui se détache des ombres. En dépit de cela, elle semble encore drapée de celles-ci, comme s'il s'agissait d'un esprit, la dame de l'ombre, celle que l'on ne voit qu'à travers les portes en feuille de riz...

- Ces gens assis sur les sièges, chacun de leurs serviteurs ont connu le même sort que votre employé... Et bientôt, leurs maîtres tomberont également.

Qu'est-ce qu'elle me raconte ? Elle compte faire tomber ces types ? C'est de la folie.

- Comment comptes-tu t'y prendre ? Et pourquoi me raconter tout ça ?!

Elle me sourit, un sourire triste... Quelle beauté, jamais de ma vie je n'en avais vu de pareille. Moi qui ai fui les femmes et l'amour dans le but de fuir la société, jamais une telle créature ne s'était présentée à moi... Elle ne doit pas être bien vieille, au maximum dix-huit ou dix-neufs ans. Comment une fille pareille peut-elle devenir elle est ? Pourquoi ? N'y avait-il pas autre chose à faire ? Un garçon ? Des amis ?

- Tu vas mourir. Ne crois pas que cela me fasse plaisir. Mais malheureusement, certaines âmes ne peuvent être sauvées. Tu n'as pas eu de chance de tomber sur moi. Un garçon que je connais t'aurait bien tendu la main, mais un homme qui a fait son beurre sur la souffrance d'enfant, ne mérite pas la vie.

Alors le voilà, le jugement. Heh, il faut dire que je le mérite. Je ne demanderais pas de pardon, je ne le mérite en effet pas. Je m'en vais rejoindre le royaume de la putréfaction. Mes derniers espoirs partent à ces enfants que j'ai fait souffrir. La voie que j'ai choisie était la mauvaise... J'aurais dû écouter ma mère et rester à la campagne. Peut-être que si je l'avais fait, je serais aujourd'hui marié, avec des enfants, et un petit champ, je serais aux côtés de mes vieux, et j'aurais pu accompagner mon père dans ses derniers instants... Papa, désolé, je ne pourrai pas te dire à quel point je regrette mes actes, on ne se verra plus jamais... Maman, désolé de t'avoir menti sur mon activité... Aucunes excuses ne saurait racheter mes actes.

- Je prie pour que dans ta prochaine vie, tu fasses les bons choix. Je t'offre de faire le bon, dans ta mort.
Une lame courte se plante devant mes pieds, à ses côtés, une coupelle, une bouteille de Nihonshu et une tunique blanche. Je me penche pour m'en saisir et comprends rapidement ce qu'ils impliquent... Bien sûr, il s'agit de la meilleure chose à faire dans cette situation. Racheter mon honneur, et celle de ma famille.
Me voilà enfin à genoux, la tunique remplaçant ma chemise. Ne réfléchissant que peux, je récite un dernier poème dans l'espoir que les dieux m'offrent un jugement à la hauteur de mes péchés. La Nihonshu me réchauffe les tripes, un dernier verre avant de crever, de quoi donner du courage. Et finalement, la voilà, contre mon ventre, cette lame courte, et La Dame derrière moi, sa propre lame en main. Je ne saurais dire pourquoi, mais la lame qui m'ouvre les entrailles ne me cause aucune douleur, je m'ouvre l'estomac, le peu de douleur que je ressens vient de l'acide gastrique me couvrant les mains, puis, la lame tourne, et trace une ligne jusqu'à mon plexus solaire. Kami-Sama, je prie pour que vous me permettiez de revoir mon père au moins une fois...
Une seconde plus tard, mettant fin à la cérémonie, l'acier froid de la lame de La Dame vient s'abattre sur ma nuque. Alors que je pars, je la vois, au-dessus de mon corps sans vie, aucune expression sur le visage. Ma tête pend, elle n'est pas un simple bourreau, elle sait clairement ce qu'elle fait. Ma tête n'est pas complètement détachée, elle pend grâce à un simple bout de chair, évitant qu'elle ne roule... Dans la plus pure tradition... Quelle femme.
La voilà qui quitte la pièce, laissant mon corps-là, se saisissant simplement des lames usée pour m'enlever la vie. Sûrement compte-t-elle les détruire comme le veut la tradition.
Dehors, elle retrouve un homme, un Européen, je crois.
- C'est fait, Vincent, comment connais tu ces gens ?
Il est grand, en tout cas plus grand que nous autres japonais, et rit en entendant cette question.
- Ces gens ont pourri mon pays, je prie pour que le tien ne tombe pas entre leurs pattes, c'est pour ça que je t'ai prise sous mon aile.
- Je vois... On y va ? Au fait, tu as du nouveau sur Eikichi et les autres ?
- Et bien, je crois savoir que ton petit ami est non seulement un bagarreur hors pair, mais qu'il pourrait bien y avoir une destruction complète de la société moderne, qu'il serait sûr de survivre. La dernière chose que j'ai entendue sur lui serait qu'il vivrait encore dans la forêt, des peaux de bête pour tous habits, certains disent maintenant que la forêt serait habitée par un Oni et ses cohortes de démons.
Elle rit, ce qu'elle est belle quand elle rit... Il y avait donc bien un garçon. Quel chanceux.
- Cela lui ressemble bien en effet. J'ai hâte de le revoir... Il a intérêt de revenir sain et sauf, sinon, je lui arrache les yeux.

Au final, ce n'est qu'une jeune femme.

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