Carnage démentiel.

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Une de ces pleines lunes rousses où le ciel se colore d'un rouge sang, une de ces nuits d'Halloween où les gens ne trainent pas trop dans les rues après minuit. Les caresses de la lune sur ma peau diaphane me revigore. Les huit heures ensoleillées de la journée me parurent interminables, plus que d'habitude. Dans les bois, les loups hurlent et de ma plaine, de ce trou perdu, je les entends chanter leurs louanges à leur bienfaitrice. Un sourire sensuel se colle à mes lèvre et il me prend envie de les embêter un peu. Après une grande respiration, j'éclate d'un rire si cristallin qu'il devient un ultrason, et déchire les oreilles des chiens, des chauves-souris et bien sûr des loups. La lune rosit ma peau et fait résonner en moi l'appel du sang. Je suis si éloignée de tout qu'il me faut un camarade pour assouvir ma soif, quitte à partager. Je ferme les yeux et m'immerge de la splendeur de la lune pour appeler son serviteur, je suis prise de tremblements annonciateurs de son apparition. Mes veines se contractent, se gonflent par l'effort de lui insuffler un peu de ma non-vie, de cette vie morte et pourtant immortelle. Les pupilles dilatées, j'observe l'astre perdre de sa luminosité rougeâtre, cette puissante aura. Se dessine alors à ma hauteur une grande silhouette qui prend enfin forme.

Le Cheval de Sang, modelé de pierre et de sang, qui cavale sans bruit à la recherche de victimes à sacrifier pour la lune. Ma langue grise passe sur mes lèvres asséchées par le manque d'hémoglobine et claque dans la nuit silencieuse. Ma monture équestre, à la fois d'une consistance fluide et dure, m'obéit en approchant. Ses yeux blancs m'autorisent à grimper sur son dos. Sa crinière, aussi noire qu'une nuit sans lune, flotte dans la douce brise qui se lève, annonçant une nuit agréable. Il s'élance alors avec puissance au galop et je m'enivre de cette course folle. Nous pourfendons l'espace temps à une vitesse incroyable, mon habitat isolé disparaît très vite. Le cœur puissant, battant de plus en plus fort, ainsi que cette odeur exaltante, me fait dire que nous arrivons pour la première saignée. Tel une boule de feu, il se surgit et s'arrête devant une petite chaumière. D'une voix très rauque, le Cheval de Sang me prie de lui rapporter quelques corps frais, il ne peut pas quitter le rayonnement de la Lune car c'est une créature surnaturelle, comme moi, mais surtout invoquée.

Furtive, je pénètre dans la maison, me régalant d'avance. Je suis toute de rouge vêtue, pour l'occasion, mais je reste invisible aux yeux du chat et du chien qui veillent, pourtant réveillés par mon approbation prononcée d'une voix claire. Je suis partagée entre l'envie de les égorger mais je choisi de les laisser vivre, ils sont un bien piètre amuse-gueule. En montant les escalier pour me rendre dans les chambres, je ris pour la seconde fois, le Cheval de Sang n'aurait pu trouver mieux, comme première maison d'Halloween, on est tombé sur le gros lot. Les parents et huit enfants, sans compter celui qu'il y a sous le nombril de la mère. Je soupire d'aise, on commence par une bonne tournée ! De mes bras puissants d'immortelle, je porte chacun des corps endormis à l'extérieur. Le Cheval décide de me laisser la mère car il n'a que faire du bébé.

Je plante donc mes canines dans la gorge chaude de la femme et laisse couler dans un gargouillis. Sans vraiment m'en repaître, je lèche son sang riche avant de le laisser à la terre. Avec mes ongles pointus, je lui ouvre le ventre et lui passe mes mains recouvertes de sang sur mon visage, je me sens revivre. Je sors le bébé d'environ huit mois ; les humains sont si laids, si fragiles... Je vais chercher son minuscule cœur qui tressaille ridiculement et le pose sur ma langue, le laissant palpiter une ou deux fois avant de le broyer entre mes dents. Les trois filles sont laissées à mon allié nocturne qui se fait un plaisir de leur écrabouiller le crâne sous ses sabots durs. Il tue et moi je mange, j'aspire la vie. Les corps se désagrègent, effaçant le massacre, peu de temps après notre départ, ce Cheval est fantastique ! La loterie de la vie continue, nous évitons les villes, choisissant villages et maisons isolées. La cinquième maison est déjà l'apothéose de cette nuit, encore plus macabre que la première. Par le sang versé, le Cheval de Sang rayonne de cette couleur pourpre magnifique. Je suis pour ma part maculée de sang, euphorique. Je ne cesse de rire dès qu'une carotide explose et que la vie s'écoule, passant d'un corps mourant au mien. Les tympans de tous les loups à proximité doivent êtres morts. Je ne luis pas mais me sens de plus en plus forte, invincible. Mais aussi plus vive et vorace, je pousse des cris à chaque gorge tranchée, chaque corps mutilé et je vois mon compagnon un peu plus affolé à chaque fois. Mes yeux noirs, injectés de sang, plus vivants que jamais, se posent sur tout ce qui bouge. La septième maison est un carnage et tout me semble recouvert d'un rouge épais comme un voile. Le Cheval semble toute fois garder le rythme et succomber à l'appel grandissant que je subis en mutilant les corps de ses sabots de pierre et les réduire en purée. Nos deux corps sont emplis de sang à leur manière et je suis prête à dormir cent ans d'affilée avec tout cela.

Une folie meurtrière semble s'être emparée de moi à la seconde où je suis sortie de mon cercueil. On disait la lune dangereuse son Cheval de Sang encore plus. Je crains soudain son regard blanc et il me semble qu'il va s'en prendre à moi. On se fixe, blanc contre noir. Il peut parler mais c'est un hennissement peureux qui s'échappe de sa gorge alors qu'il recule. Mais ce que je vois, c'est qu'il recule pour mieux me foncer dessus. Par transparence avec sa peau rouge translucide, je distingue son réseau sanguin. Mon nez barbouillé d'hémoglobine frémit ; il sent si bon ! Ce mélange de sang et de ciel... si enivrant. Il est fait de pierre et de sang, de lune et de moi, il a cependant plein de failles. Il est jeune et animal, ne réfléchit pas. Je suis forte, agile, plus expérimentée et immortelle. Je me tords d'une nouvelle crise de fou rire. Je bande mes muscles alors qu'il est clair que la folie me ronge. Je saute sur son dos et lui lacère le poitrail en passant. Je glisse à terre alors qu'il s'affaisse. Je déchire le moindre morceau de peau qui s'offre à mes griffes, mes dents et ma folie. Je respire fort et le tue en enfonçant mes deux mains jointes dans son cœur. Je le bois en entier, sans perdre une goutte, par rapport au gaspillage de toute cette nuit. Il disparaît comme tous les cadavres que nous avons semés lors de cette escapade. La Lune noircit, en deuil accéléré devant cette trahison, et explose, plongeant la terre dans les ténèbres.

Pour ma punition, toutes les meutes de loups se matérialisent à mes côtés pour accomplir la funeste dernière mission de la Lune. Un par un ils me démembrent. Mon corps se disloque tandis qu'ils trempent leur museau vengeur dans mon sang. Je ne suis pas si immortelle et souffre lors de mes derniers instants de conscience. Mes derniers cris perçants glacent la nuit mais s'éteignent après que mes cordes vocales sont dévorées, remplacés alors par des cris de victoire sourds mêlé à ceux d'une plainte déchirante.

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